Les startups, vraiment au service des défis régionaux ?

Réunis à Valence pour fêter leurs quatre ans, on se demande pourquoi cette initiative qui regroupe tant d’acteurs des quatre coins du pays n’est pas plus souvent sous le feu des projecteurs. Elle le mériterait. La dynamique trouve son origine à Valence en 2016 où, lors, de la fermeture d’une usine de chaussures, la mobilisation du groupe d’Insertion sociale Archer permit la préservation des techniques et du savoir-faire traditionnel, ainsi que le maintien d’une partie des emplois.

Insuffler l’énergie et la volonté de faire bouger les lignes, stimuler l’intelligence collective et amener les méthodes des startups au sein des territoires moins privilégiés, c’est ce que cherchent à faire celles et ceux qui s’engagent dans Startup de Territoire. L’ambition du mouvement est de développer au cours des 18 prochains mois 150 projets innovants dans des domaines aussi variés que l’économie circulaire, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la transition énergétique et le numérique, en se basant uniquement sur les talents locaux pour répondre aux défis des territoires.

Comment ça marche ?

Une soirée startups de territoires, ça démarre un peu comme un startup week-end, ces évènements emblématiques de la tech qui essaiment à travers le monde pour « créer des startups en 72h ».

Au lieu de répondre à un problème national ou international et de chercher un modèle économique extrêmement “scalable” (mot préféré des startups et des investisseurs en capital-risque,issu de l’anglais scalability, désigne la capacité d’un produit ou d’un service à s’adapter à un changement d’ordre de grandeur de la demande), il s’agit d’amener les citoyens d’un territoire à trouver des solutions innovantes à des problèmes locaux.

Aujourd’hui Startup de Territoire c’est 11 zones géographiques, à la fois urbaines (Roubaix, Strasbourg) et rurales (Le Thiérache, Le jura, les Comminges, entre autres) et un ensemble d’acteurs aux parcours très diversifiés « pas nécessairement des étudiants d’écoles de commerce fraîchement diplômés » comme le mentionnera l’un des membres fondateurs lors d’une des conférences.

Ici, on parle d’innovation, d’emplois crées et de monde durable mais l’on tient absolument à se distinguer de l’innovation Tech dont on parle le plus souvent, loin des millions levés par des entreprises qui perdent (parfois) de l’argent au début mais se déploient à une vitesse phénoménale, loin du profil des jeunes essentiellement des grandes écoles qui grouillent à Station F, finalement loin de la Startup Nation. 100, c’est le nombre d’emplois crées à ce jour par les projets qui ont émergés. Cela peut paraître peu, mais “c’est énorme pour des territoires ruraux”, me confiront plusieurs membres du mouvement.

Ici, on ne parle pas de levées de fonds ni de créer des licornes. Pragmastime et réponses aux enjeux locaux sont la priorité.

L’objectif de la dynamique Startup de territoire, qui dispose d’une équipe coordinatrice de deux personnes au niveau national et d’entités indépendantes en régions est d’outiller les citoyens qui souhaitent adresser les défis de leurs territoires par l’innovation. Chaque entité régionale est indépendante et subvient à ses propres financements, souvent grâce aux collectivités, notamment en les accompagnant sur les questions d’innovations locales. Sophie Keller, consultante sur les questions d’innovations sociales et cofondatrice de l’entité Startup de Territoire Strasbourg nous résumera ainsi sa vision : « Chacun peut être acteur du changement ».

Les projets accompagnés sont variés mais prennent souvent la forme d’entreprises, nées lors des soirées de rencontres et de mise en commun des idées pour répondre aux défis perçus par les citoyens, des soirées « remue-méninges » comme les a appelés une des associations membre du mouvement. L’accent est mis sur la capacité à répliquer des projets existants et sur le partage des connaissances entre les territoires.

La conserverie, en pleine activité

Celles-ci ont pour but de répondre aux grands défis locaux de façon très concrète. Parmi les projets présents nous retrouvons notamment une conserverie mobile et solidaire, c’est-à-dire véhicule aménagé, transformé en laboratoire de transformation pour faire des conserves avec pour objectif de lutter contre le gaspillage alimentaire des produits frais tout en créant du lien social.

Nous retrouvons aussi, La Ferme Intégrale, un projet de ferme aquaponique géante, autrement dit la combinaison de production aquacole de légumes et de plantes aromatiques (les racines dans l’eau) à grande échelle, superposée à l’élevage de poissons. Ce sont les déjections des poissons dans l’eau qui, transformées par des bactéries naturelles nourrissent les plantes (l’eau est pompée) et l’eau, une fois purifiée se déverse dans le bac inférieur pour les poissons. La superficie prévue à terme est de 10 000m², soit environ deux hypermarchés (pour changer des équivalents stades de foot). Ce type de pratique qui vise à produire sans OGM et sans pesticides, localement, fait partie de pratiques plus larges appelées l’agroécologie et qui se développent comme une alternative à l’agriculture intensive, décriée pour son utilisation de pesticides, ses monocultures et sa forte empreinte carbone due au transport. Entre fermes urbaines sur les toits, dans les sous-sols ou dans des containers et le développement de fermes maraîchères en zones périurbaines, le développement de l’agroécologie, bien que pratique encore minoritaire est en pleine croissance. De nombreuses entreprises du domaine seront expliquées et mises en avant au cours du tour Impact 13.

Ferme aquaponique dans le nord de la France

Fermons la parenthèse pour retourner à Startup de Territoire. Chaque entité régionale a développé ses propres projets avec la volonté de répliquer ce qui marche ailleurs, plutôt que de réinventer constamment la roue, et de perdre du temps. Parmi les entreprises innovantes figurent « Ma Bouteille s’appelle Reviens », entreprise valencienne qui développe un système de consigne pour collecter, nettoyer et réutiliser les bouteilles en verres plutôt que de les détruire lors du recyclage, processus plus consommateur d’énergie. Une autre entreprise s’est-elle, positionnée à Strasbourg sur la collecte, le recyclage et la revalorisation des déchets du bâtiment.

Ancrée localement avec les ressources des territoires mais collaborant au national avec un soutien des pouvoirs publics, très ambitieuse en termes de projets à accompagner dans les années à venir ainsi que sur le nombre d’emplois à créer, la Dynamique Startup de Territoire nous réserve certainement de très belles surprises au cours des années à venir.

Découvrez l’interview complète de Jeanne Haltz pour en apprendre plus sur Startup de Territoire.

L’histoire de Startup de Territoire vous est proposée par Impact 13, le tour de France des innovations à impact positif. Inscrivez vous à la newsletter pour recevoir plus de contenu sur les entreprises de nos régions qui façonnent la société de demain. Vous pouvez aussi nous suivre sur Facebook, Instagram ou Linkedin.

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Valentin Worms
Impact 13 — Tech for Good & Innovations sociales en France

Passionate about the power of tech to transform people’s lives. Specific interest for civictechs, future of work, education and tech startups in Africa.