D’entrepreneur à entrepreneur — Annie Cyr, Cofondatrice et cheffe de la direction de Tengiva : Moderniser un secteur désuet

Inovia Capital
Conversations avec inovia
5 min readAug 10, 2022

Tengiva ( pour (en anglais) Textiles Exchange Network Generating Innovation, Value and Accessibility) a été créé pour résoudre l’un des plus grands défis de l’industrie des créateurs émergents de vêtements, à savoir la capacité de s’approvisionner en matériaux rapidement, de manière rentable et durable. Le 4 mai 2022, Tengiva, la première plateforme de chaîne d’approvisionnement numérique pour l’industrie textile, a annoncé avoir levé 4,95 millions de dollars canadiens en financement de démarrage.

Annie Cyr, Cofondatrice et cheffe de la direction de Tengiva, nous a rejoint pour une conversation sur son parcours dans la création d’une entreprise dans un secteur désuet.

Annie, parlez-nous de vos origines et de votre parcours pour arriver là où vous êtes aujourd’hui.

À l’université, j’ai suivi un cursus de gestion de la mode industrielle où j’ai rencontré une professeure incroyable qui donnait un cours sur les textiles. Un jour, après le cours, j’ai discuté avec elle et je lui ai dit qu’il n’existait aucun livre sur le marché pour enseigner ce qu’elle enseignait… elle m’a alors mise au défi d’en écrire un. J’ai donc passé les trois années suivantes à écrire et à publier un livre sur les textiles.

Ensuite, j’ai travaillé dans la chaîne d’approvisionnement du textile pour différentes entreprises ce qui a été une expérience d’apprentissage incroyable. J’ai absorbé tout ce que je pouvais, mais j’ai réalisé que les processus en place étaient longs et pénibles. Je me disais qu’il devait y avoir une meilleure façon de faire. Peu de temps après cette prise de conscience, mon cofondateur et moi-même avons décidé de lancer Tengiva.

En lisant sur votre parcours, je me suis rendue compte que vous vous êtes lancée dans la mise sur pied de quelque chose de nouveau dans une industrie désuète — quels ont été les premiers défis à relever pour ouvrir la voie au changement ?

Innover dans une industrie désuète signifie beaucoup d’essais et d’erreurs.

Lorsque nous avons réalisé notre première version bêta, nous l’avons testée du côté des fournisseurs (ceux qui possèdent le matériel) et avons essayé plusieurs approches. Certaines de ces approches ont fonctionné, mais d’autres non. Le défi consistait à trouver le moyen d’équilibrer l’efficacité et la durabilité tout en répondant aux besoins de nos clients.

Lorsque nous avons lancé la deuxième version bêta, nous avons tiré les leçons du premier essai et nous avons cherché à créer plus d’efficacité tout en mettant les besoins de nos clients au premier plan. Nous nous sommes notamment penchés sur la manière dont les marques demandent et reçoivent des échantillons de tissu des usines, car il s’agit d’un processus très tactile. Par exemple, nous savions qu’il n’était pas logique pour les usines d’expédier des échantillons de papier de la Turquie au Canada et de payer les frais d’expédition. Nous avons donc créé un entrepôt centralisé de gestion des échantillons. Cela a permis de résoudre un problème majeur pour nos clients, tout en s’intégrant à leur processus existant.

Lorsque vous innovez pour une industrie archaïque, il est essentiel d’aligner la technologie que vous développez aux processus existants de votre client. Vous devez tester, obtenir une rétroaction et itérer souvent. Le défi consiste à ne pas imposer une nouvelle façon de faire aux personnes qui travaillent d’une certaine manière depuis des années.

Avez-vous rencontré des résistances sur le marché et, si oui, comment avez-vous surmonté ces obstacles/défis ?

Pour réussir à perturber un secteur, il faut comprendre toutes les parties prenantes de l’écosystème dans lequel on travaille. Par exemple, dans le secteur du textile, il existe une culture établie et, en tant que challenger, vous ne voulez pas seulement arriver et changer radicalement cette culture. Vous voulez améliorer la façon dont les gens font les choses et les rendre plus faciles ou plus rentables tout en respectant les codes existants.

Lorsque nous avons présenté Tengiva au marché, nous avons gardé à l’esprit la culture existante du secteur et nos conversations avec les prospects, ce qui nous a énormément aidés. Cela nous a permis de contrer les réticences et d’anticiper les objections potentielles. Nous avons donc pu avoir des conversations d’égal à égal.

Lorsque vous n’avez pas de manuel à lire de la part d’entreprises qui sont passées par là, comment décidez-vous de ce qu’il faut faire en premier et de ce qui est prioritaire du point de vue du produit ?

C’est difficile à faire car vous devez constamment remettre en question votre modèle pour voir où sont vos faiblesses. Heureusement, il existe un grand nombre de ressources en ligne, d’articles à lire, etc., qui peuvent véritablement vous aider à envisager une approche spécifique sous un angle nouveau. De plus, en tant que cheffe de la direction, l’important est de conserver la vision et de réajuster le tir régulièrement. La clé est de ne jamais cesser d’évoluer, d’apprendre et de grandir.

En ce qui concerne la vision, j’imagine que vous devez avoir une vision puissante pour réussir en tant que challenger. Certaines personnes regardent la concurrence et se disent : “Nous devrions faire comme eux” ou “Nous devons faire les choses très différemment”. L’important est de suivre votre propre voie, quoi que fassent les autres.

Quelles sont les plus grandes leçons que vous avez apprises maintenant que vous êtes là où vous êtes ?

J’adore cette question et j’aimerais partager les trois conseils que je donne à tous les entrepreneurs.

D’abord, tombez amoureux du problème, pas de la solution.

Deuxièmement, essayez d’être meilleur que vous-même, pas que les autres. Faites les choses à votre façon. Soyez conscient de la concurrence et de l’écosystème, mais faites les choses à votre façon.

Troisièmement, apprenez autant que vous le pouvez grâce à des expériences pertinentes. Ce qui nous a permis de nous attaquer à un secteur aussi vaste, c’est l’expérience que nous avions dans le secteur avant de créer Tengiva. Utilisez les opportunités que vous avez. Par exemple, si vous voulez créer quelque chose pour le secteur de la restauration, allez travailler pendant six mois dans ce secteur pour apprendre ce que vous aimez et ce que vous détestez et utilisez-le pour propulser votre modèle commercial.

Si je peux ajouter un dernier point, n’oubliez pas de vous amuser !

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