« Faire du ministre le patron de son administration »

Institut de l'Entreprise
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3 min readSep 26, 2016

3 questions à Augustin de Romanet, qui a dirigé le volet de la note de l’Institut de l’entreprise Réformer le réformateur consacré à la responsabilité des décideurs publics.

La France peine à mettre en œuvre les réformes structurelles dont elle a besoin. Un environnement peu propice à l’exercice des responsabilités explique pour partie les difficultés que rencontrent les décideurs publics dans l’exercice de leurs missions.

Pour conduire la réforme, la France a besoin d’un dispositif institutionnel solide, avec une claire identification du Ministre responsable, qui doit disposer d’outils managériaux adaptés pour établir la confiance avec les principaux fonctionnaires dont il va s’entourer et leur donner les moyens d’accomplir leurs objectifs, définis préalablement de manière transparente. Comment faire ? Éléments de réponse avec Augustin de Romanet.

1. Dans « Restaurer la responsabilité des décideurs publics », vous préconisez de réduire le nombre de conseillers techniques dans les cabinets ministériels et de changer le mode de nomination des directeurs d’administrations centrales. Pourquoi ?

ADR : Le constat est simple : aujourd’hui, en France, il est difficile de savoir qui fait quoi dans l’administration. Entre le cabinet du ministre, le directeur d’administration centrale, l’autorité de contrôle indépendante, le dirigeant d’opérateur/établissement public… La multiplication des acteurs conduit à une dilution de l’efficacité et de la pertinence du système de décision. Non seulement les responsabilités de chacun ne sont pas toujours clairement établies, mais encore elles peuvent se chevaucher. De surcroît, le champ d’action des décideurs et des maîtres d’œuvre administratifs n’est pas suffisamment identifié.

On aboutit à ce que Pierre Rosanvallon appelle la « crise de l’imputation » : on ne peut plus imputer une action à quelqu’un, plus personne n’est « responsable ».

L’idée — politique — de gouvernement tend à se confondre avec celle — procédurale — de gouvernance. Cela dévalorise le concept-même de décision, et génère au sein de la population le sentiment d’une relative impunité des décideurs et des gestionnaires dont les prises de décisions semblent détachées des arbitrages populaires, c’est-à-dire électoraux.

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2. Comment restaurer la responsabilité des décideurs politiques ?

ADR : Pour que le ministre puisse concevoir et mettre en œuvre des réformes ambitieuses et crédibles, il faut que ce dernier agisse rapidement après son entrée en fonction. Et ceci ne peut se faire qu’avec une vraie relation de confiance entre le ministre et ses directeurs d’administration centrale.

Il est indispensable de renforcer le rôle d’impulsion du ministre en tant qu’acteur principal de la politique publique dont il a la responsabilité. Il faut qu’il devienne véritablement le patron de son administration.

C’est pourquoi nous proposons que le ministre puisse avoir la faculté de recruter les directeurs d’administration centrale, éventuellement non fonctionnaires, sur la base de contrats renouvelables de trois ans. Des contrats de projets avec une feuille de route stratégique donnant un cap clair à suivre pour l’administration jusqu’à échéance du mandat.

3. N’est-ce pas une remise en cause du principe de neutralité de la fonction publique ?

ADR : Non, parce que, contrairement au spoil system à l’américaine [traditionnellement traduit par « système des dépouilles », ndlr], il ne s’agit pas de remplacer l’ensemble des fonctionnaires par des partisans de la nouvelle équipe dirigeante ; on ne nommerait ans ces conditions qu’à des postes limitativement énumérés, du niveau d’un directeur d’administration centrale.

Cette logique permet d’augmenter l’efficacité de l’administration : en recrutant le « maître d’œuvre » lui-même, sur des critères qu’il a définis, le ministre a moins besoin de se reposer sur un cabinet composé de nombreux conseillers techniques. Ces derniers, par leur nombre, contribuent à brouiller les lignes de la chaîne de responsabilités de l’administration.

Retrouvez la note complète de la série « Réformer le réformateur » consacrée à la responsabilité des décideurs publics sur le site de l’Institut de l’entreprise .

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