Où est passée la vision économique des candidats à la présidentielle ?

Institut de l'Entreprise
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3 min readMar 22, 2017

Les cinq principaux candidats à l’élection présidentielle ont débattu pendant trois heures et demi lundi 20 mars sur TF1. L’économie est le parent pauvre de ce débat : comment relancer l’économie ? Quelles sont nos marges de manœuvres budgétaires pour financer nos projets ? Quelles solutions imaginer pour accompagner les mutations, notamment du monde du travail, que nous vivons ? Le premier débat de la présidentielle n’a apporté aucune réponse à ces questions essentielles.

Dépenser, c’est facile ! Mais comment financer ces propositions ?

Les candidats égrènent leurs propositions… et les milliards d’euros de dépenses s’additionnent. Par exemple, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon entendent chacun fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans avec 40 annuités de cotisation. Le coût : 20 milliards d’euros par an. Où trouver cette somme ? Chiffrer les programmes des candidats est un exercice difficile qui présente des limites mais on a pu constater lors de ce débat qu’il restait pertinent.

Quelques mesures sont évoquées pour augmenter les recettes et laissent dubitatifs quand la France détient le record des prélèvements obligatoires. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, propose de créer 14 tranches d’impôt sur le revenu (au lieu de 5 actuellement), avec 100% d’impôt sur la dernière.

En revanche, rien n’est dit ou presque, sur les mesures qui permettraient de réduire les dépenses. Rien n’est dit non plus sur la transformation des politiques publiques par et avec le numérique.

Qui parle de la transformation positive du monde ?

Mais il y a pire que les errements comptables de ces interventions successives : sortis du constat de la situation de la France — souvent noirci à des fins électoralistes (Marine Le Pen affirme ainsi, au mépris de toute exactitude statistique que le pays comptabiliserait 7 millions de chômeurs et Jean-Luc Mélenchon que l’espérance de vie diminuerait !) –, rien sur la dynamique que proposent les candidats pour construire la France de demain, pas plus que sur le « pourquoi » de ces catalogues de propositions. Où voulez-vous nous mener ? Vers quel idéal ? Vers quel futur commun ? Où voulons-nous être dans 10 ans ?

L’exemple du travail est particulièrement marquant. Le sujet, sous différents aspects, a largement occupé l’espace médiatique en 2015 et 2016 : loi « Travail », guerre des taxis, etc. Pourtant, la question du travail est abordée par trois candidats sur cinq avec une posture défensive. On parle de stress, de burn-out, de départ en retraite anticipé, de pénibilité… Quid du futur du marché du travail ? Comment travaillerons-nous demain ? Comment accompagner ses évolutions ? Quelles libertés, quelles protections, quel droit pour les nouvelles formes de travail, par exemple celles que représentent les plateformes comme Uber et Le Bon Coin ? Quelles solutions les candidats proposent-ils pour développer et sécuriser ces nouvelles formes d’emploi ?

Quelle stratégie pour faire réussir la France et ses entreprises dans ce monde qui vient ?

Tout au long du débat, les candidats ont déroulé leur inventaire à la Prévert mais n’ont pas su lever le nez pour projeter leur vision.

Benoît Hamon portait il y a encore quelques semaines une vision de société avec son projet de revenu universel — que l’on soit pour ou contre sa proposition. Celui-ci est aujourd’hui réduit à une modification du RSA, des minimas sociaux et un simple outil de relance économique par le pouvoir d’achat. Quelles sont les idées des candidats François Fillon et Emmanuel Macron pour relancer la croissance ? Pourquoi n’ont-elles pas été évoquées ?

Le numérique transforme la société, les usages, les modes de production, les modèles d’affaires. Les entreprises doivent réussir à s’adapter à ces nombreux changements. Elles ont besoin que les dirigeants du pays leur fassent confiance et leur permettent de prendre le tournant en donnant de la lisibilité à leurs programmes. Il en va de l’avenir du pays. A un mois de l’élection présidentielle, il est plus que temps que les candidats formalisent de véritables projets politiques qui prennent en compte ces enjeux.

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