Documentation du Mistral et de son impact

Julien Boniteau
Intégral
Published in
7 min readApr 16, 2019

Nous avons entrepris un voyage le long du Rhône en nous arrêtant dans des villages de Montélimar à Avignon. Le Mistral ne soufflait pas mais le ciel était dégagé et bleu de Mirmande à Orange. Le beau temps et les histoires que nous ont conté les Drômois firent de ce voyage une aventure enrichissante.

Plan de route dans la vallée du Rhône.

Après les présentations au centre d’un village un peu plus bas dans la vallée, Cécile, propriétaire d’une boutique de décoration dans le village de Mirmande, nous parle de pêches et de cerises. « Ce que vous voyez ce sont des pêchers, ce n’est pas encore l’époque des cerises ». Nous lui posions la question de l’arbre devant sa boutique. Nous enchaînons avec le Mistral. « Un véritable fléau », ajoute Cécile, « on s’en passerait bien ». « Je remonterai à Paris rien que pour le Mistral. Ça te pénètre et devant chez Margot (un restaurant avec une vue dégagée) je ne tiens même pas debout ».

Nous lui parlons de notre ambition de suivre le Mistral et d’essayer de comprendre son influence sur l’Homme et la nature. « J’ai l’habitude de voir des projets farfelus avec mon fils, il est dans une école de design à Bordeaux ». Nous promettons de lui montrer le résultat de nos recherches.

Nous croisons Nicolas dans un café et lorsque nous lui posons la question du Mistral il ne nous parle pas du vent mais de la bise, qui vous « coupe en deux ». Il ajoute que cette expression vient de son père. Il faut faire de l’éolien nous répond il après lui avoir dit que nous étions designers, car « ça souffle tout le temps ». Nous avons rendez-vous avec lui à 15h dans son village de Cliousclat, au terrain de boule, pour qu’il nous donne le numéro du primeur du coin. C’est un espace dégagé où l’on aperçoit les haies de cyprès qui protègent les champs du vent. Entre deux jets, le groupe s’arrête et Nicolas vient nous voir. « C’est une famille bien, le fils saura peut-être vous répondre, le père ne décroche jamais le téléphone ». Le papier dans les mains, il ajoute discrètement que des tours à potier alimentées par des éoliennes d’époque sont présentes dans le village. Nous les avons cherché, en vain. Sans doute était-ce une blague, mais elle a le mérite de nous faire rêver un peu plus.

Haies de cyprès protégeant les habitations du Mistral.
Haies de cyprès penchées à cause du Mistral.

Nous sommes maintenant plus à l’ouest d’Avignon, dans le village de Saussines. Une randonnée d’une demi-journée nous permet d’immortaliser 5 capitelles. Autrefois, ces constructions en pierres sèches aujourd’hui restaurées, servaient d’abri pour le bétail et les récoltes et permettaient aux paysans de protéger leurs bien pendant une averse ou un orage. Chaque pierre repose sur sa voisine et elles sont toutes inclinées vers l’extérieur afin d’assurer l’étanchéité de cet abri artisanal. Selon les régions, ces structures ont différents noms : les capitelles, les bories, les cabanes, les caselles ou encore les cadoles. Les capitelles de la Bénovie sont situées le long d’un clapas, sorte de muret en pierre suffisamment large pour être utilisé comme chemin, qui sert de guide pour les bêtes, de mur de clôture ou encore de mur de soutènement. Les capitelles sont des propriétés privées, mais restent libre d’accès via différents circuits de randonnée.

Capitelles proches de la ville de Saussines.

Le Mont Aigoual est au nord-ouest de Saussines. Soumis au Mistral, il arbore sur ses flancs plusieurs arbres couchés par le vent. Ce jour-là, le Météo Site installé à son sommet est fermé. Un brouillard épais nous empêche de voir la superbe vue que le Mont Aigoual offre habituellement à ses visiteurs. Un vent glacial souffle de toutes ses forces, sans parvenir à faire disparaître le léger manteau neigeux encore présent à cette altitude.

La suite nous emmène sur le Mont Ventoux, le point le plus élevé de la région. La route du sommet est fermée mais nous pûmes monter suffisamment pour constater les étages de végétation et la disparition progressive de celle ci. En cause, un vent constant et le Mistral qui souffle la moitié de l’année sur place. Nous continuons notre route.

Mont Aigoual — Arbre penché à cause du Mistral.

En direction du Sud, les haies de cyprès protègent les cultures mais aussi les habitations et les fermes. Certaines haies sont taillées mais la plupart restent naturelles. Cela évite les turbulences provoquées par le vent lorsque celui-ci passe au dessus des végétaux. D’autres massifs d’arbres penchés attirent notre attention. Les arbres solitaires soumis au Mistral adoptent une architecture particulière. Comme si elles étaient soufflées, les branches sont emportées dans le sens du vent. Ces arbres sont les témoins de la force du Mistral.

Orange — Arbre penché à cause du Mistral.

Ce voyage exploratoire à la poursuite du Mistral nous a poussé, dans toute la région de la Drôme, à ouvrir l’oeil et à tendre l’oreille. Notre quête perpétuelle de signaux faibles, de manifestations délicates et de murmures discrets a conduit à de belles rencontres, à des découvertes inattendues et à la volonté de continuer d’explorer les vents connus de nos imaginaires.

Il existe dans le monde plusieurs vents connus : le Sirocco, le Khamsin, la Mousson et bien d’autres encore. Ces vents uniques se distinguent des vents communs que l’on peut ressentir quotidiennement par leur caractère et leurs particularités. Au-delà de leurs limites géographiques, de leurs caractéristiques techniques et de leurs propriétés physiques, on offre à ces vents singuliers un nom.

Ces vents resteraient invisibles s’ils n’avaient pas de conséquences sur l’environnement dans lequel ils évoluent. Le Mistral, par exemple, influence directement le paysage et l’architecture du Sud de la France. On constate diverses traces de son passage et de sa force, tant dans des espaces naturels que dans des régions habitées par l’Homme. Ces répercussions tangibles d’un effet qui l’est moins nous donnent l’opportunité de suivre le vent.

Construction d’un modèle 3D d’une capitelle grâce à un ensemble de photos.

De tous temps, les Hommes ont ressenti le besoin de représenter le vent, que cela soit dans la mythologie, dans le langage populaire ou dans les sciences. Les interprétations ainsi faites ne sont pourtant pas fidèles aux histoires liées à ces vents : elles ne permettent pas de dresser un portrait authentique et complet de l’impact de cette entité dans nos vies.

Scénographie 1 — Introduction de la recherche autour du Mistral.
Scénographie 2 — Simulation informatique du Mistral contre une capitelle.
Scénographie 3 — Installation d’une soufflerie pour ressentir les effets du Mistral.

Cette exposition dresse l’inventaire des actions du Mistral et des conséquences de ce vent puissant : haies de cyprès, arbres couchés, toitures penchées, capitelles, traces d’érosion et récits des habitants de la région. Tous sont les témoins de la détermination du Mistral à marquer les lieux par lesquels il passe. Constructions humaines, paysages gigantesques, sifflements, formations rocheuses : le Mistral se manifeste sous bien des formes, qu’il n’est pas toujours facile de capturer et d’incarner.

L’association de la photogrammétrie pour représenter le visible, la nature et les constructions humaines et de la simulation de fluides, pour représenter le vent et son parcours, sont des outils permettant de générer avec fidélité des tableaux animés du Mistral. Ces techniques et technologies nous offrent l’opportunité de simuler sa présence et d’immortaliser son importance pour comprendre les mécanismes qui le régissent, tant visuellement que scientifiquement.

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