Adidas Speedfactory, le pilote de l‘usine du futur du groupe manufacturier

Vers une société hyper-industrielle

Deux articles repérés dans la presse française sur l’industrie et la production. Le premier résonne comme un aveu sur la complexité de produire… Le second, éloge d’un ouvrage de Pierre Veltz, pointe un certain nombre d’idée reçues sur la désindustrialisation.

Editor I R3iLab
4 min readApr 10, 2017

--

#1. “Manufacturing is a bitch

C’est par cette phrase provocante que James Park, co-fondateur de FitBit, le roi incontesté des objets wearables (22% du marché mondial des trackers d’activité, montres et bracelets connecté selon IDC) a reconnu la complexité de la production et du manufacturing de la partie hardware qui entoure le logiciel… Un écueil qui met aujourd’hui l’entreprise en péril. Dans un article des Échos, Nicolas Richaud revient sur l’aventure de cette start-up née en 2007, et dont le chiffre d’affaires est passé de 10,6 milliards de dollars à 1 milliard (tout de même…) en 15 mois.

#2. Pierre Veltz : La société hyper-industrielle

Un article très intéressant paru dans les Échos, repéré par Lucas Delatre (IFM), sur le dernier ouvrage de Pierre Veltz, ingénieur, sociologue et économiste, spécialiste de l’organisation des entreprises et des dynamiques territoriale.

Pour Pierre Veltz, la désindustrialisation et la dématérialisation du monde ne sont que des idées reçues. L’industrie est, et sera de plus en plus, partout. L’industrie manufacturière, les services et les entreprises du numérique s’imbriquent désormais dans un mouvement de convergence vers une « société hyper-industrielle ».

Pierre Veltz était l’invité du Grain à Moudre du France Culture le 20/02/17

Dans son livre, l’auteur revient sur trois idées, aussi reçues que fausses.

#1. Il n’y a pas vraiment de désindustrialisation

La première est que, non, il n’y a pas vraiment désindustrialisation. Veltz relativise un phénomène qui ne touche pas autant que cela l’Occident tout en affectant déjà certains pays émergents. L’emploi manufacturier, au sens strict, peut régresser. L’emploi industrialisé, au sens large, progresse. Certes, en France, de moins en moins d’actifs exercent dans le secteur manufacturier (3 millions aujourd’hui, deux fois moins qu’en 1973). Certes, la valeur ajoutée industrielle ne représente plus que 10 % du PIB, contre un quart dans les années 1960. Mais si l’on raisonne à prix constants, la stabilité prévaut. Surtout, dans nombre de services, notamment les entreprises de réseaux et les services urbains, tout s’est industrialisé. L’industrialisation, comme organisation systématique de procédés, ne concerne plus uniquement les objets, mais également les services et les idées. Concrètement, l’industrie sort des usines pour s’étendre dans les bureaux et les réseaux.

#2 Le robot ne tue pas l’emploi

Deuxième idée reçue à pourfendre : non, le robot ne tue pas l’emploi. Les chiffres les plus effrayants ont circulé. Les estimations les plus réalistes dédramatisent le dossier. Ce ne sont pas 50 % mais 10 % des emplois qui seraient concernés, et pas forcément menacés, par l’automatisation. Veltz insiste sur la connectivité, les données, les réseaux. L’entreprise et l’industrie tayloriennes ont, en quelque sorte, vécu. Elles sont progressivement remplacées par des plates-formes, c’est-à-dire des infrastructures, numériques et économiques, de production. Le travail s’en trouve transformé, mais absolument pas éradiqué. La production est, en tout cas, moins valorisée que les tâches amont de conception et les tâches aval de service. Dans ce contexte, le salariat se transforme, avec la perspective d’un retour du travail à la tâche.

#3 Le monde ne bascule pas dans une civilisation immatérielle

Enfin, troisième erreur d’analyse, le monde ne bascule pas dans une civilisation immatérielle. L’aspiration des classes moyennes grandissantes à la consommation de biens durables, en Asie notamment, laisse augurer de beaux jours pour les manufactures et de graves problèmes liés à des ponctions insoutenables sur l’environnement. Par ailleurs, la dématérialisation ne produit pas de substitution : le smartphone, produit iconique de la période, ne remplace ni la montre ni la télévision. La dématérialisation ne produit pas non plus de diminution globale de l’ensemble des consommations. A l’inverse, elle les accélère et les démultiplie.

Repenser les villes

Plutôt qu’un monde post-industriel, Veltz met ainsi au jour un monde « hyper-industriel ». Le déluge des données ne noie pas l’industrie dans un nuage immatériel, mais l’intensifie. Traduction spatiale de cette nouvelle ère : un archipel de métropoles connectées et concurrentes, dans un monde plus fragmenté et plus polarisé. Hyper-industrialisation et métropolisation vont de pair. Le monde hyperindustriel s’organise en grappes, en campus, en clusters, en écosystèmes, autour du savoir et de la propriété intellectuelle. Des « complexes industrialo-universitaires » forment des points de liaison de chaînes de valeur globales de produits désormais « made in monde ». Pour s’inscrire dans ce chemin, Veltz considère que les stratégies ne doivent pas viser à faire survivre des emplois non délocalisables, mais, au contraire, à attirer les investissements et les talents de manière à fixer des emplois hautement délocalisables.

Veltz espère, dans ce monde, davantage de partage, de frugalité et d’ingéniosité. Mais, réaliste, il ne se dit pas optimiste face aux inégalités extrêmes et aux tentations sécessionnistes des territoires. Il estime qu’il faut d’abord repenser les villes. La France, dans une Europe pouvant devenir une sorte de colonie numérique, a des atouts. Notamment celui de ressembler à une grande métropole hexagonale maillée par le TGV et irriguée par les transferts sociaux. Avec ses périphéries pas forcément aussi défavorisées qu’on le dit, mais avec ses pauvres de centre-ville.

Pour aller plus loin

--

--