Pourquoi le Web3 peut révolutionner la lutte contre le changement climatique

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7 min readMar 14, 2018

Comment fonctionne la “chaîne de blocs”, et ce qu’elle apporte au développement durable.

QQuand nous avons commencé à travailler sur Inuk, l’une de nos premières interrogations a été : comment certifier les crédits carbone que nous proposons à nos clients ? Comme nous l’expliquons dans cet article sur la compensation carbone, l’accès à la certification est cher— ce qui exclut les petits producteurs du marché — et la certification elle-même n’est pas toujours fiable — elle se fait souvent sur des données statiques et non en temps réel. C’est pour répondre à ces deux problèmes que nous avons choisi de recourir à la blockchain en tokenisant nos crédits carbone. On vous explique.

Le principe de la blockchain

Tout d’abord, il s’agit de bien comprendre ce qu’est la blockchain, ou “chaîne de blocs” en français : une technologie de stockage et de transmission d’informations distribuée, sans organe de contrôle. Comme l’explique Wikipedia,

“techniquement, il s’agit d’une base de données distribuée dont les informations, envoyées par les utilisateurs, sont vérifiées et groupées à intervalles de temps réguliers en blocs, liés et sécurisés grâce à l’utilisation de la cryptographie, et formant ainsi une chaîne.”

Tout comprendre à la blockchain en deux minutes grâce au World Economic Forum.

En clair, les informations sont détenues en même temps par une multitude d’utilisateurs. Toutes les actions, tous les échanges, toutes les transactions qui ont lieu au sein de cette base de données sont enregistrées et cryptées par tous les utilisateurs, créant à chaque fois un “bloc” qui ne peut plus être modifié — ni falsifié, par conséquent. Les blocs sont reliés les uns aux autres, raison pour laquelle on parle de chaîne de blocs. La blockchain fonctionne donc comme un log partagé et inaltérable qui permet de certifier et tracer les échanges. Ces dernières années, la technologie a connu un véritable boom, surtout dans les secteurs de la banque et de l’assurance. Mais l’avènement de la blockchain pourrait aussi jouer un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique.

Pourquoi c’est intéressant pour l’environnement

À l’occasion de la COP23, qui s’est tenue à Bonn en mai 2017, l’UNFCCC (la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) a ainsi reconnu le “potentiel” de la technologie blockchain :

“À cause de sa nature distribuée, la blockchain pourrait améliorer la gouvernance et la durabilité des actions collectives qui s’attaquent au changement climatique. Contrairement aux réseaux centralisés et décentralisés, la blockchain empêche la prise de contrôle monopolistique d’un système. La technologie enregistre aussi les transactions de manière ouverte et permanente et promeut ainsi la transparence et la traçabilité.”

Un réseau centralisé, un réseau décentralisé et un réseau distribué. Source : UNFCCC.

Plus transparente, plus efficace et moins chère, la chaîne de blocs permettrait d’accroître l’engagement des parties prenantes dans la lutte contre le changement climatique, veut croire l’UNFCCC, qui a annoncé soutenir les innovations à l’“intersection de la blockchain et du climat”. Si l’on entre dans le détail, cette technologie pourrait, toujours selon les Nations unies, améliorer les transactions sur le marché du carbone, faciliter les transactions sur le marché des énergies propres, favoriser le crowdfunding de projets à impact environnemental et mieux suivre les progrès en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Comme l’explique Futurism, un autre énorme avantage de la blockchain, c’est qu’elle redonne le pouvoir aux citoyens :

“la blockchain apporte une solution qui court-circuite les intermédiaires et la bureaucratie ; elle donne aux individus un moyen d’avoir des relations interpersonnelles qui peuvent être à l’origine d’une solution ‘bottom-up’, plutôt que d’avoir des politiciens qui décident d’une manière ‘top-down’ après une longue et souvent inefficace campagne de communication politique.”

Le magazine en veut pour preuve la mise en place à New York d’une microgrid basée sur cette technologie, qui a permis aux citoyens de partager entre eux leur production d’énergie renouvelable.

Pourquoi l’appliquer à la compensation carbone

Forts de tous ces arguments, nous avons décidé de construire la solution de compensation carbone d’Inuk sur la blockchain. Notre idée première, c’est de mettre à portée de tous — de la PME au grand groupe, et pourquoi pas, les citoyens — des solutions pour compenser les émissions carbone. Comme l’écrit le World Economic Forum,

“nous ne nous en rendons peut-être pas compte, mais chaque transaction financière a une conséquence climatique — que ce soit évident, comme lorsque l’on met de l’essence dans sa voiture ou qu’on achète un billet pour un vol long-courrier, ou plus subtil, comme lorsqu’on achète un café ou une nouvelle paire de chaussures, ou même qu’on augmente la capacité de stockage de notre cloud. Nos choix quotidiens ont une empreinte carbone. Nous le savons, et nous sommes conscients des risques monumentaux induits par les émissions carbone. La demande pour des solutions grandit.”

L’une des solutions, c’est la compensation carbone. Or, comme nous l’écrivions en introduction (et dans cet article), la certification des crédits carbone n’est pas toujours fiable, puisqu’elle se fait sur des données statiques parfois vieilles de plusieurs années. La blockchain couplée à un suivi des données en temps réel règle ce problème, car elle permet de s’assurer que tous les crédits émis correspondent réellement à du carbone évité dans l’atmosphère : elle agit comme un auditeur préalable à la création des crédits carbone, en quelque sorte. En plus, les données sont infalsifiables : la blockchain permet une transparence et donc une confiance que ne peuvent garantir les audits traditionnels. Autre avantage : elle réduit drastiquement les coûts de certification des crédits carbone en désintermédiant, et ouvre ainsi le marché aux petits porteurs de projet, qui en étaient auparavant exclus.

La blockchain pas si écolo

Reste un problème de taille : le coût environnemental de la blockchain, que l’UNFCCC ne mentionne pas alors qu’il est colossal. En effet, le cryptage des différents blocs repose sur un réseau de “mineurs”, qui “mettent la puissance de calcul de leur machine à disposition du réseau”, explique un article d’Usbek & Rica sur le bitcoin, une crypto-monnaie qui repose sur la blockchain. “Techniquement, pour pouvoir créer et ajouter un nouveau bloc, un mineur doit trouver la solution d’un problème mathématique très coûteux en ressources”, précise Romain Gaborieau de SQLI Nantes. C’est ce qu’on appelle le “proof of work” : un mécanisme de validation des transactions qui exige une certaine puissance de calcul.

Or, ce minage permanent a un coût environnemental. Aujourd’hui, “selon les sources, ce réseau Bitcoin consommerait entre 300 MW et 10 GW, soit plus ou moins la consommation d’électricité de l’Irlande (3 GW). Autre comparaison éloquente : la blockchain Bitcoin consommerait à elle seule 100 fois la puissance utilisée par l’ensemble des serveurs de Google. Et encore, le Bitcoin n’est-il utilisé que par une très petite minorité d’individus”, rappelle Usbek & Rica. Et ces chiffres ne concernent que le réseau bitcoin, qui n’est pas la seule application de la blockchain. Comme l’écrivent le philosophe Fabrice Flipo et l’économiste Michel Berne dans TheConversation, “toute blockchain étant un registre (et donc un fichier) existant en de très nombreux exemplaires, les ressources informatiques nécessaires au calcul, à la transmission et au stockage des informations croissent, de même que l’empreinte écologique.”

Du “proof of work” au “proof of authority”

Inuk fonctionne sur Ethereum, un protocole d’échanges décentralisés qui permet de créer des contrats intelligents déployés dans la blockchain. Au tout début d’Inuk, pour contourner ce problème environnemental, nous avons choisi de développer notre solution non pas sur le “Main Net” public d’Ethereum, mais sur des réseaux de tests. Le premier s’appelle Ropsten. Comme le Main Net, Ropsten utilise le “proof of work” pour valider les transactions. Mais sur Ropsten, la difficulté est moins élevée : les calculs sont donc plus rapides et faciles, et la consommation moins importante. Au fur et à mesure de notre développement, nous avons intégré le “proof of authority”: les blocs sont vérifiés par des comptes validés, qu’on appelle “validators” et qui doivent “bénéficier d’une image positive en permanence”, explique Coin Report. Là où ça nous intéresse, c’est que ce mécanisme ne repose donc pas sur l’exploitation minière, et que la puissance de calcul requise des validators est faible.

L’écosystème du Web3 évoluant rapidement, nous avons conçu notre solution pour pouvoir s’adapter à ces évolutions. Ainsi, au fil du temps, nous repenserons constamment notre mode d’utilisation de la blockchain pour minimiser le plus possible son impact environnemental. Par exemple, en ce moment nous utilisons Gnosis, mais nous gardons un toujours un oeil sur le bilan carbone des nouvelles solutions entrantes pour rester dans le “best in class”.

Conclusion, la blockchain n’est évidemment pas une baguette magique. Il ne tient qu’à nous de mettre le Web3 au service de l’environnement, à la fois en développant des projets qui utilisent tout son potentiel, et en inventant des solutions pour réduire son impact environnemental.

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