Bonouko, un bad buzz inutile ?

Irawo
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7 min readAug 28, 2016

Yanick Folly a l’habitude de citer un proverbe fon qui dit : « Quand quelque chose tient à coeur, c’est dans sa langue qu’on le dit ». Je dirai plus : « Quand quelque chose vous heurte, vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour le régler. ». C’est la résolution que l’équipe d’Irawo a cru devoir prendre ce 18 août où par le plus grand des hasards nous sommes tombés sur le village de Bonouko.

Depuis ce 18 août, nous n’avons fait que travailler à cela, dans cette belle naïveté de jeunes. Nous croyions que c’était normal qu’on nous prenne comme nous sommes : authentiques et véridiques. Mais laissez-moi vous conter ce qui arrive quand vous essayez de faire quelque chose de bien, sous nos cieux.

L’équipe de Irawo

Comment Irawo s’est-il retrouvé à Bonouko ?

Oui, comment un média aussi positif que le nôtre se retrouve t-il dans cette mare de négativité ? Comment ? Irawo est un répertoire de talents du Bénin. Depuis 2 ans, nous roulons notre bosse pour montrer aux Béninois qu’il y a des raisons d’être fiers du Bénin. Un tour sur notre site http://irawotalents.com et vous trouverez plus de 10 raisons : des personnes, des jeunes que nous avons interviewés sur leur passion. Ils ont un impact indéniable sur leur pays et ont le droit d’être reconnus.

En mai 2016, Irawo s’est doté d’une chaine Snapchat puis d’une chaine Youtube toujours dans le but de montrer les talents du Bénin, mais en plus, de montrer le Bénin lui-même. Parce que nous croyons que la terre est une richesse autant que ses Hommes. Le format vidéo s’est imposé à nous quand nous nous sommes rendus en dehors de Cotonou et de ses alentours pour

1. suivre la fête de l’igname,

2. filmer quelques belles villes du Bénin et

3. découvrir des talents.

Ce matin du 18 août 2016, nous avions quitté Parakou pour Kandi. Nous avions décidé de nous arrêter souvent sur le chemin si quelque chose nous intéressait. Nous sommes passés par Kakara, Banhounkpo en posant la même question : « il y a t-il une chose particulière que les gens savent faire ici ? de l’art, un marché ou des jeunes talentueux ? ». On nous répondait que non.

Nous nous étions résignés à ne rien trouver quand Mylène Flicka s’exclama : « Oh attendez ! Avez-vous vu ces belles cases de paille ? ». L’équipe a passé 5 minutes à se demander s’il valait la peine de se retourner pour mieux voir. C’est ainsi que nous avons découvert Bonouko.

Que s’est-il vraiment passé à Bonouko ?

Quand nous sommes entrés dans le village, nous voulions tout simplement demander la permission de filmer. Malheureusement, nous nous sommes mis à poser d’autres questions sur le village pour nous rendre compte de fil en aiguille que c’était un enfer.

Qui se contenterait de prendre de belles photos de cases d’un endroit où des problèmes existent? Nous avons ainsi pris la décision qui allait basculer Irawo dans ce tournis désagréable : Filmer Bonouko mais pas comme nous avions filmé Savalou. Raconter les problèmes de Bonouko et espérer que quelqu’un vienne aider. Nous leur avons même promis de faire passer le message. Nous croyions bien faire. Un monsieur comprenant le français nous parlait du village et posait nos questions aux habitants. C’était un des malades que nous avons vu à Bonouko. Il faisait le lien.

Vous êtes vous rendus aux chef-lieux de Parakou ou de N’dali? Avez-vous un délégué ? Qui est le chef du village ? L’eau, mais où la prenez-vous ? C’est cette eau que vous utilisez ? Nous sommes passés par les autres villages mais il y en avait, pourquoi vous, vous n’en avez pas ? Comment font les femmes enceintes ? Et les enfants ? Le guérisseur ? Parlez-nous de vos malades. De quoi souffrent-ils ? Les enfants vont-ils à l’école ? Il n’y a-t-il pas un hôpital dans la zone? Les femmes enceintes boivent-elles également cette eau? Nous avons vu sur nos images aériennes qu’il y avait un marigot de l’autre côté de la route, pourquoi n’y allez-vous pas ? Oh, mais pourquoi y jetez-vous vos déchets alors ? Peut-on voir le délégué ? Combien de personnes y a-t-il dans le village ? Aux champ s? Peut-on aller aux champs les voir ? Peut-on parler à vos femmes ? Cette eau ? Cette eau ? Vous êtes sûrs ?

Quelles questions n’avions-nous pas posé ? Juste avoir plus d’éclaircissements et surtout savoir comment dire.

Qu’est-ce que Irawo a fait ?

Le 21 août 2016, nous avons publié la vidéo de Bonouko. C’était tout ce que nous pouvions faire. C’est tout ce que nous savons faire. Le reportage de IrawoTv a atteint plus de 147 841 personnes. La vidéo a été partagée plus de 2234 fois. Nous nous sommes retrouvés acculés par des milliers de personnes qui voulaient aider, détournés de notre but premier.

Nous ne pouvions pas ne pas réagir.

Des personnes ont lancé des campagnes de crowdfunding le jour-même. Des campagnes que nous avons refusé de soutenir ne connaissant ni la solution hydraulique adéquate à proposer au village, ni le coût de celle-ci. Nous avons fait patienter tout le monde, refusé de répondre aux messages, contacté des gens de confiance, des experts pour nous conseiller sur la solution. Durant la semaine du 22 au 27 août 2016, nous avons rencontré des dizaines de personnes, des entreprises et des associations, travaillé sur une probable campagne de crowdfunding. Il fallait un devis, un moyen de confiance, une association pour recueillir les fonds, une entreprise pour réaliser l’ouvrage et un plan à long terme. Nous essayions de ne pas se précipiter, de ne rien faire pour entacher Irawo. Tout ce que nous voulions c’était aider le village. Ce que nous ne voulons pas : passer pour des personnes douteuses.

Avez-vous vu la vidéo qui remet en cause celle de Irawo?

Oui. Depuis le dimanche, nous n’avons fait que répondre à des attaques sur notre reportage.

•Pourquoi envoyez-vous une vidéo si n’avez pas une solution de crowdfunding ?

•Pourquoi vous ne montrez pas votre visage ?

•Pourquoi vous ne prenez pas notre argent?

•Pourquoi vous montrez le village comme ça ?

•Bonouko n’est pas le seul village qui manque d’eau.

•Vous êtes qui pour monter cette vidéo ? Qui vous a payé pour le faire ?

•Vous êtes des fils à papa. Nous n’avez pas le droit de vous apitoyer sur le sort des villageois.

•Vous voulez vendre la misère de Bonouko aux Blancs.

•Il y a des nécessiteux partout.

•Aucune localité du Bénin n’est à ce stade.

•C’est un montage.

•Ce sont de vielles images.

•Vous avez manipulé la vérité.

•Vous cherchez à prendre de l’argent chez les gens.

•Le village de Bonouko a de l’eau.

•Le village de Bonouko n’est pas un village, c’est un campement.

•Le village de Bonouko a un puits.

•Le village de Bonouko a une pompe.

  • Si vous voulez aider votre pays, ne montrez pas ça.

M. Gaston Yamaro, auteur de la video du chef du village, a dit qu’il était de bonne foi. Il nous a répété la même chose dans sa réponse a notre message privé pour avoir plus d’informations. Mais regardez cette capture.

Notre réponse ? Voici un assemblage chronologique et non traité de nos échanges avec les villageois.

Que fait Irawo à présent ?

Rien. Nous avons voulu attirer l’attention sur ce village et ses problèmes. Nous avions voulu prendre les devants et récolter de l’argent pour que des ONG s’occupent de l’eau de Bonouko. Aujourd’hui, face à cette déferlante campagne de discrédit et à cette acrimonie injustifiée que nous ne comprenons pas, nous avons décidé de nous en tenir là. Les réactions qui ont suivi notre vidéo ont atteint leur but. Toutes ces actions ont eu leur conséquence. Mais pas sur nous. Plutôt sur l’avenir de ce village, qui est et reste notre préoccupation première.

Que deviendra ce village ? Là est la question. La question n’est pas où est la vérité vraie vraie, où sont les coupables, où sont les Béninois de la béninoiserie. Non, la question n’est pas là. Les images que nous avons montré sont réelles. Les habitants nous ont montré leur source d’eau. Nous persistons et signons : ce village nous a dit avoir besoin d’eau, souffrir de maladies et manquer d’énergie.

Les vraies questions qui nous préoccupent en tant qu’êtres humains sensibles aux réalités quotidiennes de ces villageois sont autres. Ont-il suffisamment d’eau potable et de bonne qualité à boire et pour tous leurs autres besoins quotidien ? N’y a-t-il pas beaucoup parmi eux qui souffrent de maladies ? Ont-ils besoin d’électricité ? Que faisons-nous pour eux ?

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