Comment j’ai planté ma première startup I-DISPO après 10 ans d’existence?

Ismael Nzouetom
Ismael Nzouetom
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32 min readOct 3, 2020
lancement windows phone 7 France — 2011
Lancement windows phone 7 en France — Octobre 2011

Il y a 10 ans, je quittais Microsoft après 5 années d’expériences professionnelles, pour lancer I-DISPO avec 4 associés. La photo ci-dessus marque ce lancement (remerciement à Julien Codorniou, à l’époque Directeur de l’écosystème Microsoft France qui me l’as envoyé en notant : « pour tes petits enfants… dans 40 ans » 😊).

Ce jour, I-DISPO a l’honneur d’être sélectionnée parmi plus de 250 candidats pour faire un pitch devant un public de près de 300 personnes et un jury d’exception jamais constitué en France pour l’époque : Steve Ballmer (Ancien patron de Microsoft), Xavier Niel (Fondateur de Free), Jacques-Antoine Granjon (fondateur de Veepee ex Vente-privée.com), Marc Simoncini (fondateur de Meetic), Jean-Marie Culpin (Direction Marketing Orange), Pierre Olivier Carles (Investisseur) et feu Bruno Vanryb (Avanquest), paix à son âme.

Vous vous imaginez ? Moi, l’enfant de Nlongkak (quartier populaire de Yaoundé-Cameroun), l’adolescent vendeur de verres d’eau glacé lors des tournois de football sportifs dans mon quartier et de poissons fumés au marché de manguier (marché populaire de la ville de Yaoundé). Me voila, devant ce jury d’exception et cette foule à faire une démonstration de ce que nous ambitionnons de devenir le futur de la prise de rendez-vous en ligne…

extrait vidéo présentation I-DISPO lors du lancement de Windows Phone 7 en France en 2011

Après ma présentation, quand j’ai vu la standing innovation du public ce jour et écouter les avis des membres du jury notamment Steve Ballmer, Xavier Niel, Jacques Antoine Granjon … j’étais tellement ému … que je me suis dit « rien n’est impossible ».

Je ne m’imaginais pas qu’après un lancement en aussi grande pompe, après avoir levé plus d’1 million de dollars auprès d’investisseurs de renom tels que Xavier Niel, Jacques Antoine Granjon, Fabrice Grinda, après avoir déployé nos solutions dans 3 continents et plus de 10 pays, connu une croissance de 0 à 20 salariés et de 0 à 1,5 millions d’euros de chiffres d’affaires en moins de 2 ans, séduit des clients de l’importance de Renault, April, Orange, MTN, Airtel, Microsoft, reçu de nombreux prix et distinctions en France et à l’international, j’étais loin de m’imaginer, 10 ans plus tard, devoir clore cette aventure par une liquidation, laissant au passage des employés sur le carreau, de l’argent et la confiance de certains de mes amis qui avaient investi dans la société, sans parler de l’impact sur ma vie personnelle telle qu’un divorce …

Eh oui ! j’ai vécu mon premier gros échec et ceci 6 mois avant le Covid-19. Je ne vais pas cacher qu’il s’agit d’une épreuve très difficile, que ce soit pendant ou après la chute. Mais avec un recul de près d’une année, et dans le contexte sanitaire actuel qui nous amène à relativiser certaines choses, je tenais à partager avec la communauté cette aventure de dix ans..

J’ai essayé, dans les lignes qui suivent, d’être le plus transparent possible et de donner mon analyse sur nos succès, mais surtout sur nos erreurs, car nous en avons commis de nombreuses. J’espère que ce partage d’expérience évitera à certains d’entre vous de les reproduire. Aux entrepreneurs actuellement en difficulté ou à ceux qui hésitent à se lancer, je veux également dire que la fin a certes été très rude, mais que l’aventure était incroyable et extrêmement enrichissante.

Aujourd’hui, je travaille sur un nouveau projet entrepreneurial. L’un des facteurs-clés qui m’ont stimulé et donné l’envie d’aller de l’avant, y compris de rédiger cet article, est constitué par les messages d’encouragement que certains de mes investisseurs, eux aussi passés par des échecs, m’ont transmis. Je voudrais en citer ici quelques-uns, en espérant qu’ils vous inspirent également :

« Il faut échouer pour réussir » Fabrice Grinda (Olx, Zingly)

« On apprend de ses échecs. Et crois moi , j apprends tous les jours des miens …» Jacques-Antoine Granjon (Veepee)

« C’est la vie de l’entreprenariat… bravo pour ta persévérance » Jean-David Blanc (Molotov, Allocine)

J’ai choisi de découper mon récit selon l’anatomie du cycle de vie de la startup. On dit généralement : « Entreprendre » est une belle aventure faite de hauts et de bas. Une montagne russe émotionnelle où parfois “nous sommes au sommet et d’autres jours, au fond du trou”.

Pour I-DISPO, j’ai identifié 5 phases phares que je résume ici :

1) La phase de « Naissance/lancement » : c’est la phase où toute l’équipe est motivée à fond avec une forte excitation … On se dit dans la tête « j’ai hâte de présenter idée de génie au grand public et de voir des milliers d’utilisateurs se jeter dessus ».

2) La phase « Post lancement » : là on se rend compte que les résultats phénoménaux qu’on avait prévu ne sont pas au rendez-vous et l’excitation du début redescend. On commence à voir le cash fondre progressivement et s’approcher du premier risque de faillite

3) La phase de « Pivot » : dans le domaine de “l’économie digitale” le terme de pivot est généralement utilisé pour désigner le fait qu’une start-up change son business-model et / ou son offre de produits ou services. Dans notre cas, on était à 3 mois de la faillite et on a dû faire un grand changement de la solution initiale

4) La phase de croissance : le pivot a plutôt été un succès, premiers clients payants, forte croissance du chiffre d’affaires, croissance du nombre de salariés, deuxième levée de fonds… Là l’excitation était à son paroxysme.

5) La chute : cette phase est la plus terrible bien évidemment. Après avoir connu ce début de croissance rapide, pour différentes causes externes et internes nous avons connu une descente progressive vers la faillite…

Voyez cet article comme une lettre ouverte où j’ai essayé de parler avec mon cœur. J’ai volontairement éviter qu’on me relise ou que l’on me donne du feedback 🙈. Vous y trouverez sans aucun doute des fautes d’orthographes ou de vocabulaires, des répétitions … je demande votre compréhension mais j’espère que malgré tout cela chaque lecteur à son niveau en tirera quelque chose.

Avant de commencer l’article, je voudrais que vous preniez 5 minutes pour regarder cette vidéo. Vous y verrez nos débuts, la vision qu’on portait et surtout vous pourrez y voir toutes les personnes qui ont participé au démarrage de cette aventure : mes associés à qui je ne dirait jamais assez merci pour m’avoir suivi dans cette course folle vous verrez par la suite comment ils ont été incroyables, nos premiers partenaires, investisseurs et employés. Je profite pour vous dire merci. Mention spéciale à Joris Kouevi de l’agence DeLaCrème qui a réalisé cette vidéo.

Phase 1 : Lancement / Naissance

I-DISPO est née d’une situation personnelle en début 2010. Je souhaitais prendre rendez-vous avec un dentiste (à l’époque Doctolib n’existait pas …). J’ai dû passer 14 coups de fils pour trouver finalement un dentiste qui était disponible à un créneau horaire qui me convenait.

Je me suis dit alors : « Mais ne serait ce pas génial s’il pouvait avoir une plateforme où on pouvait agréger toutes les disponibilités de professionnels de proximité : médecins, garagistes, instituts de beauté, restaurants … et que en quelques clics on puisse réserver un rendez-vous avec ces derniers sans avoir à passer le moindre coup de fil». C’était le début.

Pour faire murir du coup cette idée, j’ai la chance d’intégrer en mars 2010, la première promotion du Founder Institute en France (le Founder Institute est, le plus actif incubateur d’idées au monde, dont le siège est dans la Silicon Valley aux USA). L’incubateur vous permettait de faire maturer votre idée tout en gardant votre travail grâce à des cours et des présentations le soir sur différents domaines de la vie d’une startup digitale délivrés par des entrepreneurs à succès français et américains.

Je me rappelle à l’époque d’avoir pu écouter et échanger avec des personnalités pour moi telles que Phil Libin le fondateur d’Evernote, Christophe Cremer le fondateur de Meilleurstaux.com ou encore Jonathan Benassaya le co-fondateur de Deezer. Toutefois, pour être « Graduate » de l’incubateur, il fallait créer juridiquement sa société avant la fin de la formation de 6 mois. Ces 6 mois ont tellement été passionnants que j’ai décidé d’y aller.

La première étape a été de constituer l’équipe fondatrice : Abdou Diop pour la partie technique qui était un ami de longue date et collègue chez Microsoft ; Laurent Lecoeur pour la partie commerciale qui avait un background d’entrepreneur et de commercial dans des grands comptes que j’ai rencontré lors d’une prospection chez un potentiel partenaire ; Sylviane Kamga, une amie qui à l’époque voulait lancer une entreprise pas trop éloignée d’I-DISPO et qui décidait de nous rejoindre. Nous serons rejoints un peu plus tard par Michel Rotteleur, un Architecte informatique avec plus de 20 ans de développement ancien collègue de Microsoft.

Après une première levée de fonds « Love Money » de 45 000€ auprès d’amis, famille et collègues, on pouvait démarrer.

Notre première version cible était le développement d’une solution capable de pouvoir discuter avec n’importe quel type de calendrier ou système de réservation et afficher les disponibilités sur n’importe quel support. Une sorte de Doctolib mais capable de s’interconnecter à n’importe quel type de système de réservation disponible chez différents professionnels de proximité médecins mais également instituts de beauté, garagistes … Avec le recul je me dis que c’était quand même très très ambitieux …

Erreur : « même si vous pensez grand, commencer petit », le fameux « Think big, start small ».

Ma recommandation : Commencer par une niche (généralement celle où la douleur des clients est la plus forte) et dites-vous je vais être plus rapidement le leader de cette niche, apprendre et étendre potentiellement à d’autres niches. Si nous avions appliqué cette méthode en commençant par la santé, peut-être aurions-nous été l’actuel Doctolib 😊.

Petite anecdote : en 2012 dans le cadre de ma recherche de levée de fonds, j’ai eu l’occasion de rencontrer Stanilas Niox-Chateau, le fondateur de Doctolib. Il travaillait à l’époque pour le fonds SmartBox Ventures, à l’origine du site Lafourchette.com. Il n’avait pas souhaité participer à notre tour de table pour la raison qu’eux ne croyaient pas à la capacité d’une seule société à réaliser un “la fourchette de tous les métiers”. Par rapport à leur expérience avec lafourchette sur la quantité d’efforts à fournir, il pensait qu’il devait avoir des leaders par métier : un lafourchette de la beauté ou encore un lafourchette de la santé, ... En 2013, il créait Doctolib que tout le monde connait, une des 13 licornes françaises (société valorisée à plus d’1 milliard d’euros) . Bravo Stanilas.

Bref nous commençons donc le développement de la solution en mode allégé (tous les associés avaient gardé leur travail et on travaillait donc sur I-DISPO le soir et le week-end ou quelques après-midis pour des rendez-vous de prospections 😊).

Le premier point marquant de cette phase de naissance/lancement c’est le 07 octobre 2010 lors du lancement de Windows Phone 7 en France. Le fameux concours dont j’ai parlé à l’introduction de cet article où I-DISPO faisait partie des 7 lauréats sur 250 candidats à pouvoir présenter leur application. Une sorte de « Nouvelle star des applications mobiles », titrait le journal Le Monde à l’époque (voir image ci-dessous).

Comme je le disais plus haut vous imaginez ce que représentais ce jour pour nous, pour moi en particulier. Me retrouver devant ce jury et une foule de plus de 400 personnes dont ma famille, mes amis, mes anciens collègues de Microsoft. L’excitation était au point culminant.

lancement windows phone 7 France — 2011

Ce jour-là, nous arrivions à la quatrième place du concours. Quelques mois après nous réalisions notre première vraie levée de fonds de 200K€ dont participait : Xavier Niel via Kima Ventures, Jacques-Antoine Granjon, Fabrice Grinda et le fond d’investissement Nestadio Capital. C’était magique ! Nous avions des grands noms de l’entreprenariat français dans notre société. Et je tiens à remercier Jérémie Berrebi, l’associé de Xavier Niel dans le fonds Kima Ventures car c’est lui qui a mené ce premier tour de table. Merci également à Jean Eudes Queffelec du fonds Nestadio Capital. Le genre d’investisseurs qu’on appelle vraiment “Smart Money”, au delà de l’argent ils nous as apporté tellement de choses comme vous le verrez par la suite.

Fort de ces 200K€ et de différents prêts d’honneur et subventions d’une valeur de 100K€ environ, nous pouvions nous lancer le développement de la première version grand public de notre solution et démarrer les prospections de partenaires.

Nous avons alors prise la décision que certains associés démissionnent de leur travail pour rejoindre à temps plein dans l’entreprise et nous avons recruté une équipe de plus de 4 développeurs pour développer cette première version qui a mis près de 7 mois. Soit un budget total proche de 400K€.

Erreur : nous avions trop de charges par rapport au stade où était notre entreprise. (“cash burn” trop important)

Ma recommandation : appliquez les principes du Lean Startup que nous avons appris bien plus tard dans la vie d’I-DISPO. Je reviendrais dessus et j’invite vivement tout entrepreneur dans le digital à apprendre cette méthodologie. Pour faire court, pour ceux qui ne connaissent pas, le Lean Startup va du principe qu’une startup est une entreprise pour objectif de créer de nouveaux produits ou prestations dans des conditions qui sont incertaines. Ainsi Le Lean Startup consiste à construire sa startup par itérations : lancer une offre minimum, tester le marché, ajuster son produit, et recommencer jusqu’à trouver la meilleure idée à vendre. Et à chaque étape, il faut utiliser le minimum de ressources jusqu’à ce que l’on soit sûre que le produit ait vraiment rencontré son marché. Dans notre cas, avec le recul avec moins de 100K€ on aurait pu lancer une première version minimum, analyser les résultats et ajuster les choses. Pour faire référence à une web conférence délivré par Fabrice Grinda récemment aujourd’hui avec moins de 20K€ on peut lancer et tester une idée. Moi je dirai même dans certains marché avec moins 5K€.

Playing With Unicorns — Episode 2: Build a MVP for less than $20k

A court de cash, nous avons dû organiser une levée de fonds supplémentaires d’environ 250K€ auprès de business angels et un pool de plus de 30 amis , anciens collègues, famille que nous avons logé dans une holding “I-DISPO Love Money”. Désolé pour les lecteurs non concernés mais je voudrais faire une pause ici pour les remercier particulièrement au nom de tous mes associés. Je sais que certains y ont mis même toutes leurs économies … Je veux vous dire que si j’ai tenu autant longtemps malgré les moments très difficiles c’est parce que quelque part dans ma tête

Je me disais : “Je ne peux pas me permettre échouer avec toute la confiance qu’ils ont mis en moi …”.

Je voudrais vous dire merci. Merci particulier à Laurent Delaporte (lui si on avait suivi ses conseils à un moment donné on aurait crée Doctolib en 2012), merci à Gerard Chevée (il nous a ouvert les portes d’Orange plus tard). Merci à mes anciens collègues Carmen Chamorro, Thomas Serval, Jean Francois Coste, Julien Peyridieux, Mickaël Locufier, Guillaume Kieffer, Antoine Haber, Stephane Gonzalez, Helene Lemaitre, Florent Benoit et j’en manque. Merci à mes amis Mike Issa, Ghislain Kapssu et sa famille, Vincent Guillaume, Théophile Hazebroucq, Aurelien Verrier (spécialement à toi Aurelien, on ne se connaissait pas depuis longtemps mais tu as toujours répondu présent à chaque fois que l’on était dans le trou… Merci), Jerome Gratelle pour nos longues discussions sur la stratégie de la société et pour tes exigences sur la gouvernance de la société. Merci à ma famille mes soeurs, Liliane Mpondo, mes mamans de la tontine “Flambeau”. J’oublie certainement plusieurs. Je n’ai pas pu tous vous citer mais on vous dit merci.

Grâce à cette levée, nous avons donc pu continuer le développement. Juin 2011, nous étions prêts à lancer la première version grand public de notre application en France.

Imaginez notre satisfaction, notre superbe plateforme avec un système innovant de comparaison de disponibilités de calendriers en une fraction de secondes que notre expert Michel Rotteleur avait développé et qui devait révolutionner la prise de rendez-vous en ligne était lancé !

De plus, nous avions trouvé un positionnement astucieux pour avoir une forte audience de potentiels utilisateurs rapidement, car au lieu de développer un portail propre à nous, nous avions conclus des partenariats avec des portails/annuaire (Microsoft Bing, 118218, justeacote.com, …) ou des parcs de professionnels déjà existants (Axilog leader des solutions) . Ainsi les partenaires types portails ou annuaires n’avaient qu’à installer un script sur leur page qui rajoutait automatiquement devant chaque numéro de téléphone un bouton, « click-to-book » qui permettait à l’utilisateur de soumettre une demande de réservation aux professionnels. En back office, une équipe de téléopérateurs basés à Paris et au Cameroun appelaient le professionnel et profiter de la demande de réservation pour l’inscrire à la plateforme.

exemple d’une fenetre click-to-book sur un annuaire partenaire www.justeacote.fr

Départ pour les USA, la Silicon Valley pour le lancement à l’international

2 mois après la France, nous prenions notre envol vers la Sillicon Valley, terre des startups, pour le prestigieux concours des startups organisé par le Founder Institute : « Le Founder Showcase ».

Là je voudrais faire une pause que tout entrepreneur tech comprendrais. Imaginez vous : 9 mois après avoir lancé notre produit en France. Je me retrouve dans la Silicon Valley, le temple des nouvelles technologies, dans un amphi du prestigieux centre de conférence « Mission Bay Convention Center » de San Francisco, devant plus de 500 personnes et un jury impressionnant, pour présenter I-DISPO et par la même occasion annoncer notre lancement à l’international avec mon anglais de M… Je vivais un rêve d’enfant.

vidéo de la présentation au concours “Founder Showcase edition 8” à San Francisco

Nous avons fini finaliste et élue meilleure présentation par le public.

La presse nous encensait, les prix et distinctions pleuvaient :

  • I-DISPO Sélectionnée par Microsoft comme l’une des 15 start-ups les plus prometteuses d’Europe
  • I-DISPO classée « Entreprise européenne la plus performante d’Europe » par le Founder Institute
  • I-DISPO plébiscitée « Meilleur service innovant » par les internautes français lors des Grands Prix de l’innovation 2011 de la Ville de Paris
  • Ismaël Nzouetom dans le top 13 des 50 qui vont faire la France de demain par le Magazine Optimum

Mention spéciale à Roxanne Varza, Directrice de Station F, pour cet article qu’elle écrivait sur nous en 2011

Mais revenons à l’essentiel d’une startup, au-delà de ses prix, distinctions, couvertures médias, quels étaient les résultats réels ? Avions-nous les centaines de réservations par jour que nous attendions ? Les professionnels s’abonnaient-il par milliers à la plateforme ?

Je vous raconte la suite dans la deuxième partie : la phase « Post lancement/Naissance».

Phase 2 : phase post lancement/naissance

Comme indiqué à la phase précédente, nous étions donc lancés et déployés dans 5 pays. Et vous vous rappelez, que nous nous attendions à commencer à recevoir des centaines voire milliers de réservations/jour surtout avec la couverture média que nous avions eu. La réalité fut toute différente … comme ça arrive très souvent. Nous avions à peine 10 réservations par jour et un taux de conversion très faible de professionnels en abonnés qui en plus souhaitait payer uniquement à la réservation. L’euphorie et l’excitation du lancement commençait à descendre.

Nous commencions à nous rendre compte que nous avions passé 7 mois et dépenser plus de 400K€ à construire une solution qui ne répondait pas vraiment aux attentes des utilisateurs.

“Une des top 5 causes d’échecs de beaucoup de jeunes entreprises. Ce syndrome est souvent la cause de la course vers l’avant que s’impose certains startupers une fois convaincus que leur idée relevait du génie.”

Erreur : Ne perdez pas de l’énergie, du temps et de l’argent pour développer une solution que personne ne veut et qui ne peut pas faire vivre la société

Ma recommandation : Lean, Lean, Lean! Dans le jargon du Lean Startup cette adéquation produit/marché est appelé « Product Market fit ». La plupart du temps, c’est du côté produit qu’il y a un problème : il n’est indispensable pour personne. D’un autre côté, plus occasionnellement, c’est dans la compréhension du marché que le problème se situe : il est indispensable pour une certaine audience mais l’entreprise ne la cible pas suffisamment. Soit son approche est large dès le début au lieu de commencer par se concentrer sur une niche plus étroite, soit elle se trompe de cible. Nous étions dans les deux cas.

Il existe deux moments bien différents dans la vie d’une jeune entreprise. Tout ce qui précède le product-market fit et tout ce qui le suit.

Avant, l’objectif est unique : déterminer pour qui et pourquoi votre produit a de la valeur, c’est-à-dire déterminer votre product-market fit. Pour cela, il faudra itérer à partir des informations collectées sur un petit nombre d’early-adopters. Après, l’objectif est unique : croître.

Mais à cette époque, personne de nous ne connaissions cette méthodologie …

Mais à cette époque, personne de nous ne connaissions cette méthodologie …

Nous avons donc commencé à tester différents modèles économiques mais qui ne marchait pas. Pendant ce temps, rappelez-vous nous avions fait l’erreur de salariser les associés et de recruter 3 développeurs, donc le cash allait très vite. Une chance que nous étions hébergé gratuitement dans les locaux de Microsoft (spécial remerciement à Fréderic Aatz qui nous as accordé ce privilège à l’époque).

En avril 2012, il nous restait à peine 3 mois de trésorerie. Grâce à un de nos investisseurs, Nestadio Capital par le biais de Jean-Eudes Queffelec, on a pu financer mon déplacement aux USA pour le Black Box Connect, un programme d’immersion dans la Silicon Valley, où pendant 2 semaines, 20 fondateurs internationaux vont perfectionner leurs arts de l’entreprenariat auprès d’experts et entrepreneurs à succès américains. Merci Jean-Eudes, ce séjour à changer ma vie d’entrepreneur.

J’y ai notamment appris le fameux « Lean startup » et eu la chance de rencontrer Steve Blank, une personnalité de la Silicon Valley, Blank est reconnu pour avoir développé la méthode de développement orienté client (« customer development en anglais) qui a lancé le mouvement lean startup.

BlackBox Connect 2

De retour en France, j’étais convaincu qu’il fallait faire un changement, on devait changer de cap, faire un « Pivot » dans le jargon du Lean Startup. C’est que je détaille dans la troisième phase 3 : “le Pivot”.

Phase 3 : le Pivot

Ainsi de retour en France, j’ai réuni mon équipe et j’ai dit «écoutez, on va quasiment jeter tout ce qu’on a développé jusqu’à présent et nous allons « pivoter » vers une autre solution : un assistant personnel virtuel qui est capable de répondre à tout type de demande d’un client au delà de la prise de rendez-vous : recherche de cadeaux, organisation de voyages … en gros un concierge personnel pour monsieur et madame tout le monde». Le business model s’inspirerait de celui des conciergeries de luxe : pour le particulier individuel un abonnement mensuel et pour les entreprises une inclusion dans leurs produits à destination de leurs clients. C’était la naissance de « Sara ».

Je leur ai tous envoyés la version pdf de Lean Startup en leur disant que ce sera désormais sur ces principes que nous allons développer la boite.

Je leur remercie encore de m’avoir suivi. Ça n’a pas été facile, nous avons dû nous séparer de développeurs, tous les associés sont repassés au chômage, il a fallu suspendre nos partenariats avec les annuaires/portails …

Nous avons essayé d’organiser une autre levée de fonds mais en pleins pivots c’était très compliqué. Nous avons réussi à mettre en place avec nos avocats un système de levée de fonds ouverte et progressive ainsi qu’une option de prêt avec un fort intérêt à rembourser sous 24 mois. Nous avons pu ainsi collecter autour de 50K€ complété par un prêt à l’innovation OSEO (maintenant BPI) de 100K€. Merci à tous mes investisseurs qui ont remis un peu au pot pendant cette période très compliquée : merci à Fabrice Grinda (dans un autre post sur la levée de fonds, je vous raconterai l’anecdote de l’entrée dans mon capital de Fabrice … C’est vraiment une personne exceptionnelle).

Malgré toutes ses difficultés, nous retrouvions la flamme et l’excitation du début car on était enthousiaste par rapport à ce nouveau produit.

Nous avons donc commencé le développement de « Sara » en essayant d’appliquer les principes du lean startup. Je me rappelle la première version de Sara que nous avons lancer en moins de 2 mois était juste une page avec la possibilité pour le client de remplir un email et de laisser un message vocal avec sa demande. En back office, les demandes étaient renvoyées à notre plateau de téléopérateurs basé chez notre partenaire Rhemedia au Cameroun qui les traitaient manuellement et communiquait avec le client par mails. Ceci nous a permis en itérant progressivement auprès de béta utilisateurs de valider l’appétence du service.

Le 27 septembre 2012, nous lancions la première version ouverte au public : la première assistante personnelle virtuelle hybride accessible via une application iphone, facebook messenger, mail capable de réaliser toutes sortes de tâches de quotidien : faire réservation, confirmer une livraison, organiser un voyage, trouver un plombier, comparer des prix d’un produit sur internet… En arrière plan une première version d’un CRM avait été développé et les demandes étaient traitées complètement par les télé opérateurs. Effectivement 0 intelligence artificielle. On a dit : lean, lean lean !

Recommandation : en effet, nous avions appris de notre première erreur. Si on était encore aux débuts d’I-DISPO, comme bon nombre d’entrepreneurs que j’ai l’occasion de coacher, avant même d’avoir validé l’adéquation produit/marché, nous aurions perdu du temps, de l’énergie et beaucoup d’argents à développer grâce à l’intelligence artificielle à automatiser le traitement des demandes en imaginant que des milliers des personnes devaient nous solliciter par jour. Or ne l’oublions pas comme je l’ai indiqué plus haut la première phase de développement d’un nouveau produit innovant est la recherche du product/market fit en développant des versions itérations minimaliste du produit (« MVP » dans le jargon lean startup, le produit minimum viable en français).

« Le MVP est la version d’un nouveau produit qui permet à une équipe de collecter sur les clients early adopters le maximum d’enseignements validés, et avec un minimum d’effort ».

En d’autres termes, il s’agit d’expérimenter une idée de produit en proposant la plus petite version possible (créée avec le moins de ressources et de frais possibles), auprès d’utilisateurs finaux pour récolter un feedback rapide et mesurer de manière empirique les chances de succès du produit.

Dans le livre lean startup vous créer plusieurs types de façon de développer un MVP. J’en cite quelques uns ici pour que vous puissiez vous en inspirer :

· L’email : présenter par exemple son produit dans une présentation envoyée par mail et mesurer le taux d’intérêt

· La vidéo démo MVP : une vidéo expliquant les nouvelles features disponibles sur le produit (même si bien sûr elles n’existent pas encore). L’exemple du livre est Dropbox qui a démarré ainsi.

· Le magicien d’Oz MVP (en référence à l’imposture du magicien dans le livre éponyme) : Simuler une impression de tout automatisé. L’utilisateur a l’impression d’avoir affaire à un service tout automatisé mais en réalité toutes les fonctionnalités sont réalisées manuellement. L’exemple le plus célèbre est celui de Zappos.com. A ses débuts, la plateforme de vente en ligne de chaussures n’était qu’un simple site où le fondateur avait lui-même photographié les chaussures dans les magasins de San Francisco et se chargeait d’acheter et d’envoyer lui-même les articles au client. Ça y’est les catalogues de vente de chaussures en ligne était né !

C’est cette dernière technique que nous avions appliqué. Elle est un peu similaire au principe du « Fake it until you can make it » chère aux startups de la Silicon Valley. Attention, je ne pas confondre avec « mentir aux clients » mais « Il faut savoir vendre un produit, une idée avant même qu’elle soit développée. La force de cette stratégie est de valider l’existence d’un marché grâce à une Preuve de Concept (POC), le fameux MVP.

Nous avons donc lancé cette première version grand public.

Sur cette première version nous avons testé les deux modèles économiques :

- Une offre B2C en modèle freemium : pour un usage limité dans les domaines du shopping, du bien-être, de la restauration, etc. et 9,90€/mois pour un usage illimitée

- Une offre B2B2C où l’on facture aux clients une licence d’inclusion du service d’assistant dans leurs produits un peu comme le faisait déjà les conciergeries de luxe sur des produits premium.

L’offre B2C a été rapidement supprimée car le coût d’acquisition client était très élevé comparé à la rentabilité sachant que la courbe d’automatisation progressive des demandes devaient être longue.

Par contre l’offre B2B2C avait du succès. Nous avions atteint notre product/market fit : le pipe commercial grossissait, les premiers clients étaient signés, le chiffre d’affaires commençait à décoller.

Le premier effet a été le bouclage de notre plus grosse levée de fonds en y intégrant notamment des personnalités de renom africaines telles que Albert Kouinche, fondateur d’Express Union, le pionnier du transfert d’argent électronique en Afrique centrale, Georges Wega anciennement Directeur d’UBA Banque et actuellement Directeur régional Afrique de l’Ouest de la Société générale. Un merci particulier à Georges Wega, un investisseur en Or qui ne vous apporte pas que de l’argent.

On renaissait. l’excitation était forte. On rentrait dans la phase 4 que j’ai appelé “la croissance” que je décrit à la partie suivante.

Phase 4 : phase de croissance

Cette phase reste la plus excitante de notre aventure même si elle ne s’est pas faite de façon linéaire mais avec aussi des montagnes russes que je vais détailler.

N.B: Pour des raisons de confidentialité signées avec des clients je ne peux malheureusement pas citer des montants précis mais j’essaierai de rester macro afin que vous puissiez apprécier l’évolution.

Ainsi comme indiqué plus haut, le modèle B2B2C as reçu un bon accueil du marché. Nous devions donc prospecter des entreprises vendant à des particuliers des solutions sur des marchés fortement concurrentiel avec une faible différenciation produit et où le fait de rajouter un service à forte valeur ajoutée comme Sara pouvait leur permettre de se différencier des concurrents et de fidéliser davantage leurs clients : assurance, banque, télécoms, automobile …

Dès le lancement, le pipe commercial commence à grandir et nous commençons à signer des contrats commerciaux :

  • Un partenariat avec Renault pour distribuer une version vocale de Sara dans leurs futures voitures connectées avec la promesse d’être embarqué dans le pack digital des voitures. Donc avec le parc potentiel de véhicules connectées potentiels équipées proche de 200 000 et à 12€/an la licence d’inclusion, le potentiel de ce contrat était de 2,4 millions d’euros / an pour I-DISPO à partir du début de la commercialisation des véhicules prévue en 2015
  • Un contrat avec April Marine, filiale du courtier en assurance April, un des plus gros grossiste/courtier au monde. Le courtier va inclure Sara dans plusieurs formules de ses offres d’assurance un contrat substantiel autour d’une centaine de milliers d’euros. Mais en plus sachant que tout le groupe April possède un parc de près d’1 million d’assurés, on y voit à l’époque un potentiel de 12 millions d’euros/an sur le groupe. Je tiens à remercier particulièrement Lionel Boismery le président d’April Marine qui a cru en nous dès la sortie de Sara et a joué l’ambassadeur pour son adoption dans tout le groupe April. Merci pour le déjeuner avec Bruno Rousset, le fondateur du groupe April dont le parcours est à saluer.
  • mais la première grande surprise et complètement par opportunisme : un contrat très important autour du demi million d’euros signé avec l’opérateur de téléphonie mobile MTN Cameroun, filiale du groupe MTN, dans le top 2 des opérateurs de téléphonie mobile en Afrique présent dans 22 pays en Afrique. En effet lors d’une mes visites de notre partenaire call center au Cameroun, Roger Wandji, le gérant, ancien de MTN Cameroun, identifie que ça pourrait les intéresser et organise un rendez-vous. Trois mois après on signait un contrat d’un demi million d’euros. Merci à toi Roger pour tous ce que tu as fait pour nous pour ce contrat et pour la suite. Vous vous imaginez notre joie, nous la startup de moins de 15 mois à peine, qui avons été au bord du précipice, on signait un premier gros contrat d’un demi-million d’euros avec une grande entreprise filiale d’un grand groupe. Quelle fierté, j’avais personnellement de part mes origines de voir ses panneaux publicitaires sur le service dans les villes du Cameroun

Je me rappelle encore d’un échange mail avec un de mes gros investisseurs français où je lui parlais de cette opportunité et des montants envisagés. Il me répondit « Ismaël, une grande entreprise ne signera jamais un montant de ce type d’un coup à une jeune entreprise comme vous, au mieux ils feront un pilote ». Et non nous avions signé pour un an de contrat renouvelable.

Je profite pour passer un message aux entrepreneurs tech en France quelque soit leur origine : L’Afrique est une terre d’opportunités et tout est quasiment à faire notamment dans le digital”

“En 2050 une personne sur 4 dans le monde sera africain car le continent devrait doubler sa population d’ici à 2050, passant d’un milliard d’habitants aujourd’hui à près de 2,4 milliards.” (source AFD)

C’est vrai que si on ne maitrise pas assez bien le marché, on peut y laisser ses plumes comme cela nous est arrivé. On le verra à la suite. Mais dans comme mon professeur d’économie disait : “Plus le risque est grand plus le gain est important”.

Nous voila donc entrain de signer le premier gros contrat de notre société mais même si à l’époque ce contrat semblait un énorme succès dans la vie de notre startup il va s’avérer que ça été la première cause de crise lors de cette phase de croissance et je dirai même peut être déterminante dans le chemin pris par la société. Je reviendrais dessus plus tard.

Mais c’était notre moment de gloire. J’étais invité à plusieurs journaux TV. Ci-dessous un extrait par exemple du journal Canal 2 (deuxième chaine d’information au Cameroun)

Ismael Nzouetom, invité du journal de Canal 2 International

Et ça ne s’arrêtait pas la. En parallèle de la France et l’Afrique, nous nous lançons à la prospection des USA. Nous avons la chance sommes sélectionnés par Ubifrance pour participer au French Tech Tour USA en 2012 qui nous offraient la possibilité d’aller à San Francisco et d’être assister par le bureau US d’Ubi France dans l’organisation de rendez-vous qualifié avec des prospects américains. Nous avons eu ainsi la chance d’avoir des rendez-vous chez AT&T, Panasonic, Tesla, Vodafone …

De notre prospection aux US, même si nous avons marqué un fort intérêt des prospects, nous avons noté que sans antenne locale à San Francisco ça aurait été très compliqué de conclure des partenariats.

Erreur : poursuivre très tôt plusieurs marchés surtout quand on est dans le B2B

Recommandation : mon avis subjectif est qu’il est préférable de se concentrer sur son marché initial sur lequel vous avez valider votre product/market fit, croitre progressivement, apprendre, industrialiser les process opérationnels et de vente, avant d’étendre vers d’autres marchés. Notre expansion en Afrique était certes opportuniste surtout au vu des espérances en CA mais rétrospectivement c’était une erreur car nous que le produit n’avait pas été initialement pensé pour ce marché et que nous n’avons pas su faire le différence comme beaucoup d’entrepreneurs entre l’opportunisme et le focus. Je reviens dessus plus bas.

Bref, nous nous étions dans une pente ascendante avec les voyants au vert : le chiffre d’affaires augmentaient, tous les associés étaient réintégrés dans les équipes, le plateau des télé opérateurs grossissaient. La presse nous encensait.

En plus, l’expérience de MTN Cameroun remonte positivement au niveau du groupe MTN basé en Afrique du Sud qui souhaitait donc généraliser le service sur toutes ses filiales. Vous imaginez, 22 pays, 250 millions d’abonnés potentiels, nous nous mettions à rêver. Nous sommes short listés avec deux autres entreprises et conviés à une présentation en Afrique du Sud. Le groupe a finalement sélectionné une entreprise sud africaine

La crise va commencer en janvier 2013 avec le non renouvellement du contrat avec MTN Cameroun. Du coup on se retrouve du jour au lendemain plus de 70% de notre CA amputé.

Première Erreur : nous n’avions pas anticipé ce non renouvellement même si jusqu’à la dernière minute le client nous disait qu’il était OK pour le renouvellement, les avenants au contrat initial avait même été discutés et écrits pour un renouvellement sur une période de 2 ans.

Recommandation : Même si c’est avec du b.a.-ba, lorsque vous êtes en B2B insister pour avoir la durée de contrat la plus longue possible, idéalement 3 ans et même si pour une raison le client ne souhaite pas renouveler intégrer un préavis suffisamment long pour vous permettre d’anticiper. Également il faut garder en tête que « tant que c’est pas signé, c’est pas sur » malgré toute la sympathie que peux vous afficher vos interlocuteurs chez le client ou partenaire.

Deuxième erreur : perte de focus. En effet comme je l’indiquais déjà si au départ au vu du CA l’expansion en Afrique avec ce premier contrat MTN Cameroun était une belle opportunité. Ceci nous a fait perdre le focus. Car la solution de « Sara » que nous avions développé correspondait à un marché et à un positionnement précis, un concierge digital pour tous donc à l’opposé des conciergeries de luxe type John Paul (racheté depuis par le groupe Accor) avec donc un business model mature. Le besoin des clients en Afrique était différent car le marché est vierge et il recherchait plutôt une conciergerie de luxe pour leurs clients Premium. Ainsi on a dû un peu dénaturé la solution initiale pour répondre à leurs besoins et intégrer des services non digitaux qui engendrait des lourdeurs opérationnels. Tout cela a mobilisé une bonne partie des ressources de la société sur ce projet pour répondre aux exigences de ce gros contrat, pénalisant ainsi les autres activités tels que la prospection/contractualisation des contrats en France.

Recommandation: concentration, concentration, focus ! il est absolument important lorsqu’on développe une startup de rester concentrer sur un plan. Rester concentrer ne veut pas dire manque d’adaptation ou saisie d’opportunités mais il faut absolument être capable d’avoir les contours des opportunités, anticiper les impacts que ça peut avoir sur le développement du plan initial et savoir dire non. Dans les principes du Lean startup tels que décrit précédemment, même lorsqu’on a atteint le product/market fit et qu’on doit passer à la phase de croissance « scale en anglais », il est important de garder cette culture du : “build-mesure-learn”. Peut être dans notre cas, une des options pour saisir ces opportunités de marché sur l’Afrique aurait été de créer une entité autonome qui aurait capté cette demande sans que cela ne pollue l’entité France. C’est un débat ouvert et je n’ai pas la réponse.

Troisième erreur : simplifier le cycle de durée de signature de nouveaux contrats chez les clients grands comptes

Recommandation : là encore c’est du b.a.-ba mais il faut anticiper les cycles de vie et imprévus de signature des contrats chez les clients grands comptes d’où une bonne gestion de son pipe commercial et sa concrétisation.

Ainsi avec 70% de notre CA amputé et sans visibilité sure sur la contractualisation de nouveaux contrats de notre pipe, un long parcours de combattant démarrait : nous avons dû vivre au moins 10 mois sans salaires pour les associés, rompre le partenariat avec le centre d’appels car nous ne pouvions plus le payer, traiter nous même les demandes des clients des clients France existants April et LeasePlan … Ce qui nous donnait de l’espoir et nous faisais tenir c’était les discussions avancées que l’on avait avec Airtel RDC et les filiales d’Orange Sénégal, Côte d’Ivoire et Cameroun après une recommandation par Orange EMEA grâce à un de nos investisseurs Gérard Chevé que je tiens à remercier. Je veux dire que c’est lui qui nous as ouvert les portes de notre croissance folle que l’on verra dans la suite.

Et donc Boum! mi 2014, les choses se sont accélérés on signe tour à tour Orange Côte d’Ivoire, Airtel RDC, Orange Sénégal, une version B2C avec Renault via leurs voitures connectées, Orange Cameroun, SCB Cameroun. Le pic c’est fin 2015 où on fini l’année avec un CA de 1,5M€ et près de 20 salariés avec des clients.

On était dans notre période de gloire. mais progressivement la croissance a commencé à diminuer sans que nous n’ayons jamais pu redresser la barre jusqu’à la faillite.

Je donne une analyse rétrospective de cette chute dans la dernière partie.

Phase 5 : la Chute

Rétrospectivement je dirai que nous n’avons pas pu maintenir le cap pour deux types de raisons.

Les raisons externes qui ont surtout eu un impact financier :

  • Non renouvellement des contrats : pour moi ceci est lié à la nature du business model de la distribution des services de conciergerie en inclusion. En effet, ce modèle crée une friction entre le client et le fournisseur du service car le premier maximiser le taux d’usage quand le deuxième veut l’optimiser pour maitriser sa marge. C’est un problème global mais autant dans les pays développés, la maturité de ce modèle fait que le client arrive à pouvoir mesurer d’autres impacts autre que le taux d’usage (impact sur l’acquisition client, impact sur la rétention …) autant en Afrique nous n’avons pas réussi à trouver des points d’attente et les contrats n’ont jamais été renouvelés en Afrique.
  • Non respect des accords financiers signés au départ : ceci a été terrible pour nous. Il n’y a rien de pire que de signer un projet avec des conditions financières fermes, donc d’investir par exemple en recrutement sur la base de ces conditions et en cours de route le client demande de changer les termes jusqu’à parfois de 70% sans contre partie. Là-dessus nous avons eu à prendre la décision soit d’attaquer en justice le client ou de trouver un accord. Peut être à tort nous avons à chaque fois accepté un accord à l’amiable qui ne nous convenait pas créant ainsi un passif en dettes qui ont par la suite accéléré notre chute.

Les raisons internes : l’exécution !

L’exécution est un élément clé dans la réussite d’une startup. Une expression dit généralement : « une idée de startup ne vaut rien sans une bonne exécution ». Selon l’étude intitulée The Startup Genome (Marmer & Al., 2011) deux facteurs jouent un rôle essentiel dans une exécution réussit :

  • la capacité de la startup à suivre correctement des étapes clefs de progression
  • la capacité de la startup à réaliser un processus d’apprentissage continu

Pour de nombreuses startups comme nous qui rencontrent leurs premiers succès et connaissent une croissance forte, la question de faire évoluer la structure de la start-up se pose. L’adaptabilité, la capacité à s’inventer et innover, le dynamisme, sont les atouts usuels de la start-up tels que nous l’avons mis en œuvre pour pivoter et arriver au produit Sara.

L’enjeu était de conserver ces atouts tout en assurant le bon développement pour atteindre avec succès le statut de ce que l’on qualifie de « scale-up » (des entreprises qui ont réussi à transformer leur produit innovant en business rentable et pérenne).

Je n’ai pas su conduire cette transition et nous avons mal géré cette croissance rapide, nous avons perdu en agilité, nous avons perdu en concentration/focus tels que je l’ai déjà expliqué plus haut, nous n’avons également pas pu intégrer des profils clés qui nous auraient aidé à passer cette étape.

Et une erreur très importante que j’ai commise : la gouvernance et la transparence vis à vis des ses actionnaires. Pour Je dirai que c’est un défaut lié à ma personnalité. Je n’aime pas annoncer les mauvaises nouvelles et ça m’a été fatale. Je n’ai pas suffisamment utiliser la richesse que nous avions d’avoir autant de personnes exceptionnels comme actionnaires qui auraient pu nous aider au delà de l’aspect financier par leur expérience et conseils quand on était dans la difficulté.

Recommandation : Mettez très tôt dans votre société un “Advisory Board” constitué de personnes expérimentés même si ce ne sont pas vos actionnaires avec des réunions régulières au minimum tous les 3 mois. Ceci vous permettra dans les situations difficiles, les choix complexes, les prises de décisions, pour prendre du recul ou tout simplement pour le besoin d’une oreille attentive. Ceci vous forcera également à mettre en place très vite des éléments de bonne gouvernance (KPI, reporting …)

Si vous avez tenu jusqu’à la fin de cet article. Je vous dit bravo. j’espère que ce récit a été enrichissant pour vous et que ce type d’articles motiveront d’autres entrepreneurs à faire de même. Car comme le dit :

“Quand on entreprend 80% des erreurs peuvent être évitées et généralement on apprend des erreurs des autres” (The Family)

Malgré cet échec, j’ai appris tellement de choses et je me sens aujourd’hui plus armé pour démarrer mon futur projet entrepreneurial qui va justement tirer partie de pas mal d’enseignements et de vécues d’I-DISPO.

Je tiens encore à remercier toutes les personnes qui m’ont permis de vivre cette aventure incroyable : mes associés une fois de plus, mes collaborateurs, mes partenaires, mes investisseurs, mes clients.

Sebastien Vandescateele notre CTO, qui a été tout simplement magnifique malgré les difficultés, les retards de salaire … Merci Seb.

Maguette, Seynabou, Christelle… nos télé concierges, des personnes incroyables qui croyaient à notre idée souvent plus que nous même.

Je ne peux pas citer tous les noms mais ils se reconnaitront. Merci.

Je m’excuse également pour toutes les personnes que j’ai pu choqué, blessé, déçu.

Je reste disponible sur mon e-mail : ismael.nzouetom@gmail.com, pour toute personne qui aurait des questions supplémentaires

UPDATE : Je me suis relancé depuis le 20 decembre 2020 dans une nouvelle aventure : www.agacare.io dans le domaine du bien-être mental.

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