3 questions à Julie Mayer, sociologue à l’agence ProtéinesXTC

It’s Wonderfood
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3 min readApr 21, 2020

En cette période de confinement où l’alimentation reprend un rôle et une place bien particuliers, l’équipe de It’s Wonderfood est allée interroger la sociologue de l’agence Julie Mayer sur l’évolution des comportements alimentaires. Une réflexion qui est aussi présentée au prisme des réflexions qu’elle a eu l’occasion de mener pour établir le rapport Food Vision 2020.

1. Penses-tu que les madeleines de notre enfance marquent nos comportements alimentaires en tant qu’adulte ?

Lorsque Proust parle des madeleines dans « À la recherche du temps perdu », il décrit non seulement l’aliment mais aussi tout l’univers autour des madeleines, dont il se souvient avec nostalgie : la pièce, les odeurs, les sons, les personnes présentes à ce moment-là… Et en effet, l’alimentation fait appel à tous les sens et à notre mémoire à long terme. Une étude de l’université de Dijon a montré que des enfants suivis jusque à l’âge adulte avaient en grande majorité gardé les mêmes préférences alimentaires(1). Cela montre à quel point les préférences et habitudes alimentaires se forgent dans la petite enfance. D’autres études montrent même qu’elles se forgent in-utero et pendant l’allaitement, selon ce que mange la mère(2),(3).

La madeleine de Proust fait enfin penser à ce qu’on appelle les « aliments-doudous », qui nous réconfortent et nous consolent. Ce sont souvent des aliments riches et les psychologues pensent qu’ils sont effectivement liés aux nourritures « récompenses » ou réconfortantes de notre enfance.

2. Peux-tu nous dire quelques mots sur le projet food du moment qui t’a le plus marquée ?

En ce moment, c’est-à-dire en plein période de Covid-19, je pense à toutes les initiatives permettant d’avoir accès à plus de savoir-faire en cuisine, via la télé, en live sur les réseaux sociaux etc. Je trouve ça super, et même si tout ce qu’on peut cuisiner actuellement ne créé pas forcément des habitudes pour demain, c’est un moment privilégié pour expérimenter et s’apercevoir qu’on peut aller un peu plus loin dans le faire soi-même, et partager ça en famille.

3. Tes pronostics sur la tendance food majeure de demain ?

Le local +++ ! L’attrait pour une alimentation produite localement était déjà une tendance mais alors avec la crise que nous vivons, la manière dont nous sommes en train de repenser notre alimentation, de changer nos modes d’approvisionnement, d’être réquisitionnés pour travailler avec les agriculteurs… Nous voyons aussi en ce moment très concrètement les effets d’une moindre pollution sur la planète. Je pense que le souci de manger local en sera d’autant plus prégnant demain.

Sources

(1) Nicklaus S, Boggio V & Issanchou S. Food choice at lunch during the third year of life: high selection of animal and starchy foods but avoidance of vegetables. Acta Paediatrica, 2005; 94: 943–51.
Nicklaus S, Boggio V, Chabanet C & Issanchou S 2004. A prospective study of food preferences in childhood. Food Quality and Preference, 2004, 15, 805–18.

(2) Schaal B, Marlier L, Soussignan R: Human foetuses learn odours from their pregnant mother’s diet. Chem Senses 2000, 25:729–737.

(3) Mennella JA, Jagnow CP, Beauchamp GK: Prenatal and postnatal flavor learning by human infants. Pediatrics 2001, 107:e88.

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