Préjugés sur les Market makers

Pascal Tallarida
Jarvis Network (France)
9 min readDec 17, 2019

Les Market Makers (MM) jouent un rôle crucial sur les marchés , mais sont, dans l’imaginaire des traders particuliers, associés à des pratiques douteuses.

Dans le monde du Forex et des CFDs, on recommande de rester éloigner d’eux, car ils feraient en sorte que leurs clients perdent, et de préférer des courtiers dont la majorité s’affuble d’acronymes comme NDD, STP, DMA etc. Dans le monde des crypto-monnaies, les MM sont associés au wash trading, une activité qui vise à gonfler artificiellement les volumes de transactions sur les plateformes d’échange pour tromper le chaland.

Puisque les protocoles développés par Jarvis permettent à tout le monde de devenir MM (que l’on préfère appelé fournisseur de liquidités), il nous est paru important de différencier les mauvais acteurs de ceux qui apportent de la valeur, et de comprendre le vrai rôle des MM.

Par commodité, nous nous sommes permis beaucoup de simplifications.

Un peu d’histoire

Il fut un temps, les marchés étaient bien différents et peu liquides, rendant difficile la tâche de trouver un acheteur au prix auquel vous souhaitiez vendre, et cela pouvait ruiner votre stratégie.

Pour pallier ce problème, des participants du marché ont commencé à travailler avec les échanges pour faire du market making, une idée qui consistait à devenir la contrepartie des investisseurs, à quasiment tous les prix, pour quasiment toutes les quantités. Le rôle principal du MM est donc d’apporter de la liquidité, condition sine qua none pour attirer et garder les investisseurs sur sa plateforme. Pour attirer les MM sur leurs plateformes, les échanges peuvent partager avec eux les commissions que leurs clients payent sur leurs transactions.

Les MM prenant un risque en devenant contrepartie, ils ont développé un arsenal de stratégies pour l’optimiser voire le réduire. La plus basique encore utilisée de nos jours, consiste à proposer le meilleur prix à l’achat et le meilleur prix à la vente en même temps ; si un acheteur et un vendeur prennent position aux meilleurs prix, le MM sera à la fois vendeur et acheteur, donc neutre, et encaissera la différence. Bien sû ce n’est pas aussi simple, plusieurs MM concourent avec la même stratégie sur le même marché, il faut donc constamment modifier ses ordres, et il se peut qu’un seul des ordres ne soit pris, exposant le MM aux mouvements du marché. Il existe d’autres stratégies plus sophistiquées, comme l’arbitrage ou le « profilage » qui seront décrite plus tard.

📉 Forex et Market Makers

Comment fonctionne un MM dans le monde du Forex et d’où vient leur sale réputation ?

Votre broker a lui-même son propre broker, un fournisseur de liquidités pour être plus précis. Le broker ouvre un compte chez ce fournisseur, qui peut être encore un autre broker qui a lui aussi un fournisseur de liquidités, une banque, un hedge funds, ou un échange institutionnel.

Lorsque vous ouvrez une position, votre broker a deux options : soit il se comporte comme un broker NDD soit comme un broker DD (on parlera alors de MM).

No Dealing Desk (NDD)

Lorsque vous ouvrez une position via un broker NDD, il agit en tant qu’intermédiaire entre vous et votre contrepartie (son fournisseur de liquidités). Il facture une commission ou rajoute un peu de spread pour faire son beurre. Il n’y a donc pas de conflits d’intérêts : que vous gagniez ou perdiez, le broker encaisse sa commission.

Dealing Desk (DD)

Le DD du MM est en fait un algorithme qui va analyser les positions de ses clients, pour déterminer leur niveau, et estimer s’il est plus profitable d’être leur contrepartie et donc d’encaisser leurs futures pertes (on parle alors de B Book), ou de chercher à rester neutre et de n’encaisser que le spread tel un NDD (on parle de A Book).

Fun fact 1, pour un MM, un client a risque, ou toxique, est soit un trader gagnant, qui utilise un robot, ou qui est un scalpeur.

Fun fact 2, les données des clients peuvent aussi servir à entraîner des algorithmes via le machine learning pour mieux anticiper les mouvements de marché ou comprendre comment la foule des investisseurs particuliers réagit face à tel ou tel mouvement. Pas pour la science, mais plutôt pour en tirer profit. C’est d’ailleurs le buisness model Robinhood, qui vend les données de ses clients à des MM comme Citadel.

Que le MM soit la contrepartie peut créer un conflit d’intérêt. Pour autant, ce n’est pas une mauvaise chose en soi ! Puisque la plupart des traders sont perdants, que le MM soit la contrepartie ou pas, à partir du moment où il ne manipule pas sa plateforme pour faire perdre son client, pourquoi devrait-il s’en priver ?

On n’a aucun problème à aller au casino, jouer contre la maison, à partir du moment où l’on sait qu’elle ne triche pas.

Cela permet aux MM de faire plus d’argent qu’un broker NDD, et donc d’avoir un meilleur service ; de plus, puisque seule une petite partie des trades est externalisée, le MM peut proposer ses propres prix, avec de meilleurs conditions et une meilleure exécution ; voire même aucune commissions.

Pour autant ce système a des limites

Si un broker gère mal le risque de son B Book, dans le cas par exemple ou les traders gagnent plus qu’ils ne perdent, et que la capacité financière du broker ne peut pas absorber ces gains, il peut perdre de l’argent voire faire banqueroute.

C’est ce qui s’est passé en 2017 lorsque la plupart des MM fournissaient du Bitcoin en CFD ont frisé la faillite. Au lieu de se couvrir sur des échanges, ils pariaient à la fois sur la baisse du BTC et contre leurs clients….

A noter que dans le cas où l’exposition du B Book commence à être dangereuse, le MM a différentes possibilités comme réduire son exposition sur un instrument où il perd beaucoup d’argent. Certains MM vont même jusqu’à emprunter de l’argent afin de maintenir leur exposition… Moins fréquent, mais très utile, il peuvent utiliser le concept de la perte mutualisée : il s’agit de réduire les gains des gagnants d’un pourcentage indolore, afin de réduire les pertes voire de les annuler.

Une autre limite au système est la cupidité : en pratique, rien ne les empêche de manipuler leur plateforme pour gagner plus d’argent, d’où les conflits d’intérêt et leur réputation…

A un pas d’une arnaque…

Certains MM dans le secteur du Fx et des CFD ont commencé à être attirer par le gain facile, et à utiliser des méthodes amorales ou totalement illégales pour gagner leur vie.

Les sociétés qui développent des interfaces et plateformes de trading ont ajouté des fonctionnalités permettant au broker de modifier leur spread si le stop d’un client est proche, de ralentir le flux du prix s’il utilise un robot, ou à geler la plateforme en cas de gros décalage des prix. Les MM peuvent jouer avec un grand nombre de paramètres afin d’altérer les conditions de trading des utilisateurs.

Si on ajoute les nombreuses arnaques qui ont sévit lors de l’explosion du trading en ligne (option binaire, faux gestionnaire de compte, faux broker etc.) les raccourcis et les amalgames ont vite été faits, et ont à jamais marqué, dans l’imaginaire collectif, les mots Market maker et Dealing desk au fer rouge.

Les market makers en crypto

Comment fonctionne un MM sur le marché des cryptos et d’où vient leur réputation ?

Dans le monde des crypto-monnaies, les MM ont pour noble rôle d’apporter de la liquidité. A l’inverse du Forex et des CFDs, qui sont des marchés très liquides, les crypto-monnaies sont encore immatures et illiquides et se traitent de gré-à-gré via des échanges (voir notre article broker vs exchange) ; l’explosion du nombre d’échanges a d’ailleurs fragmenté une liquidité déjà pauvre, créant un marché inefficient.

De fait, le rôle des MM est de corriger ces inefficiences en fournissant de la liquidité. Soit en réduisant le spreads sur les échanges (comme expliqué plus haut), soit en arbitrant les différences de prix : en effet, à l’inverse du prix d’une action, qui est fixé de manière centralisée et qui est le même sur toute la planète, le prix des crypto-monnaies varient d’un échange à un autre en fonction de l’offre et de la demande sur leur plateforme ; un MM apportera de la liquidité à ces deux échanges en vendant sur l’un et achetant sur l’autre, encaissant la différence.

Pourtant, le terme market making est entendu comme quelque chose de néfaste… la faute à certains échanges et certains projets ayant conduit une ICO, amateur de wash trading

Wash trading

Techniquement, le wash trading est simple à mettre en place : deux robots achètent et un vendent plusieurs actifs entre eux, les pertes de l’un vont chez l’autre. Aucune commission n’est payée grâce à la complicité de l’échange, et c’est ainsi que de faux volumes sont génères sans que cela nous coute un kopek, sinon les coûts du service ou du robot fournis par des MM peu scrupuleux, et qui n’ont de MM que le nom (souvent trois développeurs dans leurs chambres planques en Ukraine ou en Chine).

Le but est de donner l’impression que l’échange a une grosse liquidité et beaucoup d’utilisateurs. Cela permet d’apparaitre en tête de classement des sites listant les échanges, s’assurant une publicité à moindre coût pour attirer plus d’utilisateurs ; une fois les utilisateurs sur la plateforme, ils payent des frais de dépôt, de retrait, et bien sur des commissions sur leurs transactions, assurant des revenus aux échanges. Cela permet aussi d’attirer les projets ayant émis un token lors d’une ICO ; bien souvent ils ont pu lever plusieurs millions, et peuvent payer de 15,000 a plus d’1,000,000 de dollars pour être listé sur un échange en tête de gondole, avec beaucoup de liquidité et d’utilisateur, pour rassurer leurs investisseurs et espérer que leur token visite la lune.

Alors que le wash trading est un service offert par des pseudo-MM aux échanges, certains ont aussi commencé à s’adresser directement aux ICO, proposant leur service de « market making » une fois le token listé (on a reçu au moins 3 propositions par jour pendant notre ICO) ; en effet, beaucoup d’échanges menacent de délister votre token s’il n’engrange pas assez de volume, alors recourir à ce type de service permet d’éviter ce type de sanctoin.

Pour conclure…

Tous les secteurs d’activités sont confrontés à des bons et a des mauvais acteurs, et on retient souvent les mauvais ; les plombiers, carrossiers et serruriers exagéreraient leurs prix pour escroquer les gens, les députés et les sénateurs seraient des fainéants grassement payés, ou les policiers seraient des milices uniquement bonnes à mettre des contraventions.

Ne laissez pas les on-dit et les cas isolés entâcher toute une corporation : les MM sont un élément indispensable du secteur financier et le resteront.

Dans le prochain article, nous verrons le rôle des fournisseurs de liquidités et des MM dans notre Margin Protocol.

Pascal.

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