Sortir de l’Euro.Une absurdité économique mais aussi une absurdité énergétique.

Philippe Charlez
4 min readApr 13, 2017

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Les évolutions implacables de la démographie et de la distribution de la richesse mondiale ont profondément affaibli les Etats Nations qui, individuellement, n’ont plus les moyens de peser comme par le passé sur l’organisation du monde. Le PIB de la France représentait au début des années 80 6% de la richesse mondiale. Il pèse aujourd’hui pour moins de 3%. L’Europe « Médiévale des Nations » si chère à la présidente du FN n’est pas seulement une absurdité économique. C’est aussi une absurdité énergétique.

Figure 1 — Déficit de la balance commerciale française en fonction du prix du pétrole[1] Dette européenne en fonction de la facture pétrolière et gazière[2]

Depuis le milieu des années 80, la facture énergétique de l’Europe s’est accrue de façon impressionnante. Elle apparaît aujourd’hui comme un contributeur majeur à sa dette souveraine. Dette et facture énergétique sont étonnamment corrélées (Figure 1 — droite). Fin 2014 la dette européenne frôlait les 10000 milliards d’Euros; sa facture pétrolière et gazière cumulée depuis 1987 atteignait 7500 milliards d’euros. Entre 1993 et 2010[1], la dette de la France augmentait de 1000 milliards d’Euros[2]. Durant la même période, ses importations de pétrole et de gaz ont représenté 750 milliards d’Euros. En 2012 la seule facture pétrolière et gazière contribuait pour près de 90% du déficit commercial de l’Hexagone c’est-à-dire l’équivalent de 3% du PIB (Figure 1 — gauche). A système social constant la dette n’est finalement que de la somme des achats d’hydrocarbures et du remboursement de la dette.

Le retour au Franc voulu par Madame Le Pen s’accompagnera inévitablement d’une forte dévaluation de la nouvelle monnaie nationale que les experts estiment entre 20% et 40%. La facture pétrolière et gazière libellée en dollars augmentera donc mécaniquement du même ordre de grandeur. Inflation, récession et explosion de la dette en seront les inévitables conséquences. La hausse de la facture pétrolière et la hausse des taux d’intérêt conduiront donc inévitablement à une explosion incontrôlée de la dette et à la ruine d’un outil industriel aujourd’hui en grand danger.

A cette question la présidente du FN répond de façon évasive : « pour le citoyen rien ne changera. Il payait son litre d’essence un Euro, il le payera dorénavant…un franc ». Sa grande naïveté la conduit-elle à croire qu’après une sortie tonitruante de l’Euro, le baril de pétrole se négocierait en francs nouvelle « monnaie de singe » de la planète? Est-elle candide au point de penser qu’au nom de la grandeur de la France, le Qatar effacera d’un trait de crayon la créance française ou la libellera en nouvelle monnaie nationale? Son innocence lui commande-t-elle à espérer que son nouvel ami Vladimir Poutine lui offrira, toujours en francs français, des conditions préférentielles sur les futurs contrats gaz qu’elle devra inévitablement signer avec la Russie?

Au-delà de la sortie de l’Euro, les visions énergétiques européennes de Madame Le Pen et du candidat de la « France Insoumise » sont particulièrement convergentes. Tous deux souhaitent mettre un terme à la libéralisation des marchés européens de l’électricité en abrogeant la loi NOME, renationaliser à 100% EDF et ENGIE (ex GDF- Suez) considérant que cette libéralisation désorganise la filière et conduira à terme à la ruine d’EDF. Pour des raisons idéologiques différentes, tous deux considèrent que l’énergie est un bien public national qui en aucun cas ne peut être privatisé ni surtout mutualisé avec les autres pays de l’Union. Une proximité stupéfiante pour ceux que l’on présente comme souvent comme des opposés politiques séculaires. Quand on prend le temps de l’analyse, il y a bien convergence des extrêmes.

Pourtant, l’Europe est le véritable espace naturel d’ouverture dans lequel doit s’inscrire la transition énergétique. Protection de l’Euro par rapport au Dollar, règles et normes communes, coordination de l’action des Etats membres, sécurité énergétique grâce à l’interconnexion des réseaux de gaz et d’électricité, mutualisation de la R&D sur les renouvelables, le stockage de l’énergie et la captation/stockage du carbone sont autant de thématiques structurantes capables de relancer le projet européen.

Européen convaincu, le candidat d’En Marche apparaît de loin comme le mieux placé pour mettre en œuvre cette nouvelle Europe de l’Energie.

[1] Sources : Energy Funds Advisors

[2] La dette souveraine française est aujourd’hui supérieure à 2200 milliards d’Euros soit près de 100% du PIB.

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Philippe Charlez

Philippe Charlez est un expert énergéticien mondialement reconnu auteur de nombreux papiers scientifiques et de plusieurs ouvrages.