Diamants de conflits — Histoire ancienne ou réalité ?

Le film “Blood Diamond” sorti en 2006 avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Connelly et Djimon Hounsou a eu le mérite de marquer les esprits et d’éveiller les consciences aux problèmes liés à l’extraction des diamants.

15 ans plus tard un état des lieux s’impose, les diamants de conflits histoire ancienne ou réalité ?

Crédit : “Blood Diamond” — Film d’Edward Zwick, sorti en 2006.

LE PROCESSUS DE KIMBERLEY

Si vous vous intéressez au sujet des diamants de conflits vous avez déjà entendu parler du Processus de Kimberley (PK).

Créé en 2003 par les Nations Unies sur la base d’un rapport de Robert Fowler, diplomate Canadien, en collaboration avec les ONG Global Witness (UK) et Impact (Canada — anciennement PAC — Partenariat Afrique Canada), le Processus de Kimberley vise à endiguer la commercialisation des diamants de conflits sur les marchés internationaux en interdisant le commerce du diamant à certains états.

On notera que le Processus porte le nom de Kimberley, ville d’Afrique du Sud où a été signé l’accord, où ont été découverts les premiers diamants alluviaux en Afrique et qui a donné son nom à la roche volcanique dans laquelle se trouve les diamants bruts (la kimberlite).

Définition des diamants de conflits d’après le PK :

Les diamants des conflits, également dénommés « diamants du sang » ou « diamants de la guerre », sont des diamants bruts utilisés par les mouvements rebelles ou leurs alliés afin de financer des conflits armés visant à déstabiliser des gouvernements légitimes.

Aujourd’hui tous les diamants que vous trouverez en Europe en joaillerie ou bijouterie sont certifiés Processus de Kimberley, parfait, problème résolu… vraiment ?

DROITS DE L’HOMME, CORRUPTION, FRAUDE FISCALE & BLANCHIMENT D’ARGENT

Crédit : Time.com — Les diamants de sang. Pays associés aux diamants de conflits.

La définition d’un diamant de conflit ci-dessus ne prend pas en considération certains aspects de l’industrie du diamant tels que les conditions dans lesquelles ces diamants sont extraits, la façon dont ils ont intégré le marché et ce qu’ils servent à financer. De plus le PK ne prend en compte que les diamants bruts, dès lors qu’ils sont taillés, échappent au Processus de Kimberley.

Chronologie du Processus de Kimberley

  • 2003 : Création du Processus de Kimberley à l’initiative des ONG Global Witness et Impact qui rejoignent le PK
  • 2009 : Impact représenté par Ian Smillie quitte le PK sur ces belles paroles “Le régulateur a échoué dans sa régulation, je ne souhaite plus continuer à prétexter que l’échec est une réussite”
  • Juin 2010 : Le site d’extraction de diamants de Marange au Zimbabwe est admis dans le PK pour commercialisation de leurs diamants bruts. Global Witness commente “Malgré tous les outils en place, le Processus a échoué, et ne résout pas les problèmes de contrebande, de blanchiment d’argent et d’abus des droits de l’Homme dans le monde… du diamant”. Les deux ONG appellent à une redéfinition de ce qu’est un diamant de conflit.
  • Août 2010 : Le Dr. André A. Jackson, surnommé le boss du diamant africain, à la fois plus haut dignitaire de l’industrie du diamant via l’African Diamond Council (ADC) et président de l’African Diamond Producers Association (ADPA), réalise un spot TV pour expliquer les coulisses du diamant, le quasi monopole de De Beers et dénonce le PK et ses lourdeurs administratives en ajoutant “ce système a échoué à contrecarrer le commerce de diamants résultant de la souffrance humaine
  • Août 2011 : La BBC publie un documentaire radio sur les diamants du Zimbabwe et les camps de torture sur les sites d’extraction. Interrogés sur le sujet les représentants du PK admettent qu’ils n’en avaient jamais entendu parler avant l’enquête de la BBC… à retrouver dans les sources en bas de l’article
  • Novembre 2011 : Global Witness abandonne le PK à son tour et déclare “Il n’y a aucune garantie que les diamants certifiés par le Processus de Kimberley ne soient pas des diamants de conflits. Il est commun que les autorités de gouvernements corrompus, en échange d’un pot-de-vin de 50$ ou 100$ par jour rédigent les certificats déclarant que des diamants de conflit sont Processus de Kimberley et intègrent les marchés internationaux”
  • Décembre 2013 : deux journalistes d’investigation Khadija Sharife et John Grobler publient un article qui dénonce le détournement de plus de 3.5Mds $ de diamants provenant d’Angola et de RDC. Sous-facturés à des ports francs tels que Genève ou Dubai, où, protégés par le secret bancaire, ces diamants ont pu réintégrer le marché légal. L’opération de détournement a été organisée entre autre par un vendeur d’armes russe Arcadi Gaydamak et le magnat du diamant Lev Leviev, la CIO (Central Intelligence Organization)
  • Été 2016 : l’embargo sur le commerce de diamant en RCA et partiellement sur l’Ouest du pays, Global Witness mène une enquête qui démontre que les diamants à l’Est du pays et de pays voisins non certifiés par le PK réintègrent les marchés légaux en raison de la corruption en Centrafrique qui rend les frontières “poreuses”

Dernières actualités sur le Processus de Kimberley

Février 2019 — L’Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé son « appui ferme et constant » au processus de Kimberley. Selon l’ONU, ce système aurait permis de passer des « diamants de sang » aux « diamants de paix ».
D’après l’Union Européenne, les diamants de guerre seraient passés de 15% à 1% du commerce mondial.

Mars 2019 — Le PK continue d’être lourdement critiqué. Dans un communiqué, la Coalition de la Société Civile du Processus de Kimberley, observateur connu du PK, indique « Les “dommages“ font, selon les termes du PK, uniquement référence aux situations où les diamants financent des rebelles combattant les gouvernements. Le PK ferme les yeux sur toutes les autres formes de violences telles que les violations des droits de l’Homme, la torture, les traitements inhumains ou dégradants, la dégradation de l’environnement et les crimes économiques. »
Le communiqué dénonce ainsi un fort potentiel inexploité par le Processus de Kimberly, qui pourrait, du fait des importantes institutions qui y siègent, créer un réellement changement et une véritable régulation du marché du diamant.

2021 — Soumis à une présidence tournante chaque année, en 2021 c’est la Russie qui endosse ce rôle, avec comme vice-président le Botswana.
Une des mesures préconisées par la Russie est l’assouplissement les règles du PK notamment en Centrafrique, où elle a obtenu des autorisations d’exploitation. Dans le même temps le Lobaye, une entreprise Russe, est accusé d’avoir commencé un commerce de diamants avec des groupes non-autorisés par le PK, ce que la société et le ministère des Affaires étrangères de Russie ont démenti.

De nouveaux éléments qui fragilisent encore un peu plus cette certification déjà très critiquée et depuis longtemps dénoncée comme insuffisante.

LES DIAMANTS VERTUEUX

Si l’industrie du diamant reste une industrie minière, avec ce que cela peut impliquer, certains pays tirent leur épingle du jeu et valorisent leurs ressources naturelles pour le bien commun.

Le Botswana

Crédit : Vittorio Bettini. Visite d’une mine de diamant au Botswana.

Avant 1966, le Botswana compte 9km de routes et ses habitants vivent dans des conditions de pauvreté sous l’Empire Britannique. La prise d’indépendance du pays et la découverte des gisements de diamant, couplée à l’intelligence et à l’intégrité de son dirigeant Seretse Khama, ont permis de dégager des richesses importantes qui ont été réinvesties dans des infrastructures publiques tels que des hôpitaux, des écoles, des routes (aujourd’hui le pays compte 10.000 km de routes). Le diamant au Botswana emploie aujourd’hui plus de 25% de la population et le Botswana se classe comme le pays le moins corrompu d’Afrique.

Le Canada

Crédit : Gouvernement du Canada — Mine de Diavik.

Découverts dans les années 90, les gisements de diamants du Canada ont été immédiatement encadrés par une législation forte incluant des normes très strictes en matière d’environnement, de droit du travail et de traçabilité. C’est le seul pays qui impose une transparence totale sur l’origine de ses diamants à l’industrie et qui contribue à changer les règles du jeu.

LA RESPONSABILITÉ DU CONSOMMATEUR

Les diamants de conflits ont probablement disparus du marché pour la simple raison que la majorité des guerres civiles d’Afrique sont terminées. Pour autant l’industrie du diamant est loin d’être propre !

Contrairement à ce que vous pourrez parfois entendre, il est possible de connaitre le pays d’origine de votre diamant, la mine dont il provient et les conditions dans lesquelles il a été extrait puis taillé.

Posez des questions, exigez d’être informés, pour mieux savoir ce que nous achetons… et ce que nous finançons.

Pour aller plus loin

--

--