Donnez des super-pouvoirs au marketing

Younès Rharbaoui
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Published in
9 min readFeb 19, 2019

Il y a quelques années, beaucoup de grandes entreprises ont commencé à s’intéresser de près au Growth Hacking et aux méthodes utilisées par les startups pour transformer les compétences de leurs départements marketing digital.

Avec un peu de recul, on peut aujourd’hui, une fois l’effet de mode dissipé, tenter de comprendre ce qu’il est pertinent de retenir dans ces méthodes de startups, une fois qu’on l’adapte au contexte d’une grande entreprise.

Non, il n‘est pas possible de doubler la croissance d’une organisation mature tous les mois ou de multiplier sa base d’utilisateurs par 10. En revanche, il est tout à fait possible de donner des super-pouvoirs aux départements marketing, et de faire bien plus en dépensant beaucoup moins ! C’est d’ailleurs pour transmettre ces super-pouvoirs que nous avons créé chez Lion la formation Data-driven Marketing.

Le Growth Hacking n’est pas fait pour les grands groupes ;)

Growth Hacking, kezaco ? Il s’agit d’une méthodologie, inventée par les startups pour étendre leur marché et croître, qui s’écarte du marketing traditionnel. Littéralement le Growth Hacking est du “piratage de la croissance”.

Est-il plus efficace que le marketing traditionnel ? Pas nécessairement. Seulement, c’est une méthode adaptée à la réalité des startups : pour tenter de croître avec un budget restreint, il faut emprunter des canaux d’acquisition moins saturés et employer des méthodes moins orthodoxes. Là où le marketing traditionnel est planifié et repose sur des études de marché, le Growth Hacking est plus empirique et spontané.

C’est un immense avantage pour les grands groupes de ne pas avoir besoin d’avoir recours à ces techniques : cela signifie qu’ils ont des départements marketing équipés de budgets et de ressources suffisantes pour croître. Pas la peine donc, de courir après les méthodes roublardes des startups, quand on peut aisément s’en dispenser.

En revanche, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de choses à prendre dans la manière qu’ont les startups de croître pour booster ses propres compétences marketing. En l’occurrence, il y a 3 supers-pouvoirs que les départements marketing peuvent venir chercher en s’inspirant du growth hacking : une méthodologie pour rendre la croissance systématique, une lecture fine des données, et des nouvelles compétences clés. La vertu supplémentaire de ces pouvoirs est de faire économiser énormément d’argent aux départements marketing !

Vision laser— Un modèle de croissance systématique

Commençons par briser un mythe : non, le growth hacker n’est pas un magicien qui double ou triple les chiffres de croissance d’une startup en quelques jours et sans budget. C’est une personne qui, à force d’expérimentations, est capable de trouver des filons de croissance exploitables pour un temps limité. C’est surtout quelqu’un qui doit définir des méthodes systématiques pour que la startup continue à croître même si un hack particulier s’épuise.

Pour cela, il s’appuie sur un framework central : le modèle AARRR, pour Acquisition, Activation, Rétention, Recommandation et enfin Revenu. On peut le voir comme un tunnel par lequel passe tout nouvel utilisateur ou client de son service. D’abord, il visite le site (ou l’application), puis il s’inscrit et commence à utiliser, puis il revient fréquemment, il recommande à des proches, et enfin on peut générer du revenu grâce à cet utilisateur.

Le modèle AARRR : un funnel de conversion de ses utilisateurs

L’utilisation de ce framework permet de construire un système de croissance pérenne.

Première étape : la viralité (-ARR-)

C’est contre-intuitif, mais il faut se rendre compte que le growth hacking n’est pas une panacée : il ne suffit pas à croître si le produit n’est pas au niveau. En revanche, il viendra soutenir efficacement la croissance d’un bon produit qui plaît aux utilisateurs.

Pour cela, il faut commencer par construire un produit qui engage et qui est en croissance organique, et donc se concentrer sur l’Activation, la Rétention et la Recommandation. En effet, rien ne sert de dépenser du temps, de l’énergie et de l’argent à acquérir de nouveaux clients si ceux-ci n’utilisent pas la solution une fois sur la page : il faut être sûr d’avoir construit son moteur avant de mettre de l’essence dedans.

Les techniques des startups pour maîtriser cette boucle de croissance organique sont nombreuses : développement customer-centric pour comprendre les fonctionnalités essentielles attendues par les clients, AB-testing pour optimiser l’engagement sur un produit, construction de communautés actives pour booster la recommandation, etc.

Sans détailler toutes ces techniques, un exemple de ce qu’un grand groupe peut venir puiser chez les startups à cette étape est la capacité à communiquer avec un ton et une communication adaptée au public millenial. L’agence Argo propose par exemple d’identifier les leviers pour positionner une marque ou un service plus proche de ce que les jeunes audiences apprécient en terme de communication.

Deuxième étape : l’acquisition (A — — )

Ici, c’est simplement la profusion des canaux qu’il convient d’être capable de maîtriser : SEO, SEA, SEM, Facebook, Instagram, Snapchat, LinkedIn, Musically, Pinterest … sont autant de leviers payants ou gratuits sur lesquels s’appuyer pour amener de nouveaux utilisateurs sur sa solution.

Mais connaître les canaux ne suffit pas : il faut les segmenter, les tester, les optimiser et enfin les saturer. Et pour tout cela on peut, une fois encore, aller regarder dans ce qu’inventent les startups pour acquérir sans cesse de nouveaux utilisateurs.

Par exemple, comment, sans budget et avec une équipe restreinte, on peut arriver tout en haut de la première page de recherche de Google : c’est le cas de Flat.io, un éditeur collaboratif de partitions musicales, qui a mis en place une hygiène drastique de SEO. Imaginez un peu ce qu’on peut alors faire avec la même hygiène et les moyens d’un grand groupe :)

Troisième étape : le revenu ( — — R)

Le revenu est l’étape la plus critique pour une startup, et la moins critique pour un grand groupe. Là où les startups ont un enjeu vital de gestion du cash, les entreprises plus traditionnelles ont l’immense avantage de pouvoir investir sur le long terme : on peut lancer un service non-rentable s’il amène au final plus de clients dans sa galaxie. Et c’est ainsi que les grands groupes peuvent battre les startups à leur propre jeu … mais pour cela, il faut jouer avec les mêmes armes et les mêmes codes ; c’est à dire avoir construit son système de croissance pérenne.

Superintelligence— L’esprit connecté aux données

Opérationnellement, les outils à disposition aujourd’hui permettent de guider les décisions business à partir des données. Le marketing digital en est la preuve et conduit à utiliser les données d’audience et de navigation en ligne pour conduire des projets innovants ou définir et opérer des stratégies marketing.

Shake datas for me, shake datas for me — Eminem, discarded draft

Bien sûr, pour maîtriser finement leur boucle de croissance organique et leurs techniques d’acquisition, les startups sont obligées d’analyser finement toutes ces données de navigation à leur disposition. Ce qui est intéressant, c’est qu’elles ont la main dessus, et ce sont directement les équipes en charge du marketing qui les traitent, plutôt que des agences ou d’autres départements : pas de fonctionnement en silo, de l’implémentation à la lecture et aux décisions à prendre, les growth hackers sont responsables.

Product Analytics : l’analyse de l’engagement

Pour maîtriser la partie centrale de son funnel d’acquisition (la viralité, ou -ARR-), on peut utiliser des outils d’analyse spécifiques au produit. En effet, rien de mieux que d’analyser les statistiques d’usage d’une fonctionnalité, d’une application ou d’une page pour voir si les utilisateurs en sont satisfaits.

Ces outils d’analytics peuvent s’intégrer directement dans le process de développement du produit : AB Tasty ou Kameleoon proposent des solutions d’A/B Testing qui permettent d’avancer en prenant des décisions produit basées sur les données réelles.

Au delà de ça, des outils plus perfectionnés comme Hotjar ou Contentsquare permettent d’étudier précisément les comportements de navigation des utilisateurs, de maîtriser ses funnels de conversion ou de construire des heatmaps visuelles de l’utilisation de son site. Ces outils sont simples d’utilisation, disponibles depuis n’importe quel navigateur, et essentiels pour se concentrer sur ce qui crée de la valeur, c’est-à-dire les clients.

Acquisition Analytics

Bien sûr, le pendant de ces techniques existe également du côté de l’acquisition. Du simple Google Analytics aux outils plus poussés comme Amplitude ou Mixpanel, des dizaines de solutions permettent de prendre toute la mesure de ses techniques d’acquisition et de son taux de conversion.

Avoir une approche data-driven permet de sélectionner le bon canal d’acquisition : celui-ci est liquide (il donne accès à une masse suffisante d’utilisateurs), rentable (le coût d’acquisition d’un nouvel utilisateur est maîtrisé) et il convertit (il permet de transformer les visiteurs en clients).

C’est finalement tout l’intérêt d’avoir soi-même la main sur les données essentielles de navigation et d’utilisation de son produit : pouvoir prendre des décisions éclairées à l’aune des données, sans restriction de granularité et en pouvant réagir rapidement.

Mutation — des compétences nouvelles

Évidemment, mettre en place son moteur de croissance systématique et prendre la main sur les données demande d’acquérir des compétences nouvelles. Voici quelques-unes de celles que les growth hackers savent maîtriser.

Digital Analyse

Il s’agit de métiers proches du digital marketing et de la web analyse : l’exploitation des donnés de navigation et de trafic pour prendre des décisions marketing et/ou produit. Il s’agit de savoir maîtriser les outils d’analyse essentiels, de leur implémentation à la lecture en passant par les fonctionnalités plus poussées ; de mettre en place la collecte systématique des données sur les produits ou solutions sur lesquels on travaille ; de traduire des requêtes métiers en besoin de données et enfin d’exploiter ces données pour prendre les bonnes décisions.

Automatisation

Les growth hackers sont les rois de l’automatisation ! Hors de question de traiter manuellement ces flots massifs de données ou d’aller les chercher dans des dizaines d’outils et d’applications différentes.

Pour cela, ils construisent des tableaux de pilotages très fins qui leur permettent d’obtenir en temps réel et de manière automatique une vue sur toutes leurs données. Et le mieux ? Avec les outils disponibles aujourd’hui (Zapier, par exemple), on peut faire cela sans écrire une seule ligne de code.

Community Management

Savoir fédérer une communauté, la faire grandir et l’animer sur les réseaux sociaux est l’un des forts des growth hackers. De l’hygiène de création de contenu à sa distribution (par exemple à quelle heure est-il préférable de poster, ou à quelle fréquence), les techniques sont quasi-infinies, et il faut se tenir au courant fréquemment des nouveautés pour rester performant dans ce domaine.

Toutes ces compétences sont sous-tendues par un état d’esprit de chercheur, compétence essentielle pour le Growth Hacking. En effet, le growth hacker est créatif : il a sans cesse de nouvelles idées de hacks à tester et à mettre en place, et ses idées sortent des méthodes conventionnelles et éprouvées. Il invente des nouveaux moyens de cibler son audience.

Au final, un growth hacker est à la croisée entre un ingénieur et un commercial. Il a une compréhension fine de son audience et du marché auquelle il s’adresse ; et il est également capable d’employer des méthodes structurées et automatisées pour les cibler. Il ne rechigne pas à plonger dans le côté technique des choses pour automatiser ses méthodes de croissance.

Le growth hacker est également très analytique : les résultats de chacun de ses tests sont mesurés précisément et les actions à suivre découlent logiquement de cette analyse quantitative. Il connaît son funnel d’acquisition sur le bout des doigts et sait à chaque instant s’il doit travailler sur la rétention, l’acquisition ou autre chose.

Takeaways : les super-pouvoirs à donner au marketing

📍La vision laserUne stratégie de croissance est un système pensé pour être sans cesse réactivé et réinventé. La croissance n’est pas naturelle, mais demande une attention permanente. Elle conduit à toujours rechercher de nouvelles méthodes, mais doit faire partie d’un mécanisme finement rodé.

📍La superintelligence Ce sont les mesures précises des données qui guident la marche à suivre : déterminer les métriques qui comptent et avoir les bons outils de suivi et de pilotage à ses côtés est primordial.

📍La mutation Pour croître, il faut adopter le bon état d’esprit : test & learn. Il s’agit d’imaginer quelque chose, le confronter à une audience, mesurer si cela fonctionne et prendre une décision rapide. Pour cela, certaines compétences sont clé : savoir être analytique, automatiser beaucoup de tâches et avoir du talent pour parler à son audience.

Alors, comment on fait pour développer ces super-pouvoirs ? Eh bien, vous pouvez attendre qu’un growth hacker mutant vous pique pendant votre sommeil … sinon il y a notre formation Data-driven Marketing ;)

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