Samedi matin

Axel Regard
Cherchez le garçon
2 min readFeb 19, 2020

J’ai cru ne jamais réussir a décoller. Comme un Boeing surannée un jour de neige à Charles de Gaulle. Ah, le grand Charles. Et le tout petit moi en comparaison.

Il doit bien être onze heures. Je mets le contact, le moteur toussote. Le sachet bleu, j’ai oublié le sachet bleu. Avec l’âge, on a de petites manies et pour aller aux courses, il me faut impérativement mon sachet bleu. C’est mon préféré. Il est grand, solide, c’est le Sylvester des sachets bleus. Ses anses sont suffisamment longues pour les passer sur l’épaule, pratique lorsqu’il est chargé à bloc comme un cycliste à l’approche de l’Alpe d’Huez. Et ce bleu, son bleu, il est juste magnifique !

Comment peut-on avoir un sachet favori ? Je n’en sais foutrement rien mais c’est rassurant quelque part. Je le retrouve dans le cellier. Il est là, à m’attendre, il me toise d’un air réprobateur. Comme si l’oublier serait la pire chose qu’il pouvait endurer. Je le comprends, il est fait du même bois que moi. Même si techniquement il est de plastique et moi de chair et de tourments.

Ce samedi matin, c’est ensemble que nous goûtons à la liberté. Le soleil hivernal nous enveloppe d’une aura bienveillante. Une heure sur place, trente minutes sur la route. Et plus personne à qui téléphoner. J’installe mon compagnon sur le siège passager. Il n’aime pas mettre sa ceinture, soit. Nous empruntons les petites routes de campagne en roulant comme des fous.

À mesure que les virages s’accumulent, le sachet bleu s’esclaffe, se marre comme s’il avait été extirpé d’une profonde hibernation. Nous sommes tellement heureux d’aller acheter des couches et du whisky.

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