Le jour où j’ai compris que le Ramadan était une fête

Vendeur de jus d’orange pendant Ramadan dans les rues de Casablanca

Qui vit dans un pays musulman pour une durée assez longue, passera obligatoirement par des périodes de vie pendant Ramadan.

Le Ramadan dure 1 mois par an, et se décale de 11 jours chaque année. Peu de chance d’y échapper donc si vous êtes résident d’un pays musulman…

Comme toute personne n’ayant pas grandi dans un pays à traditions musulmanes, j’ai toujours vu le Ramadan comme ceci : « Ne pas manger? Pendant 1 mois? Mais Pourquoi??? Non, mais vous buvez au moins? Ah, non? Même pas??? Ouhla, ça doit pas être facile. Mais quel est l’intérêt de s’infliger ça??? »

Ensuite, je l’ai vécu de l’intérieur.
Au Maroc, en société, au travail et en famille.
D’ailleurs, au départ, ça n’a pas forcément adoucit ma vision…
Car sous leurs airs joyeux, les Marocains sont aussi de grands râleurs.

Et pendant Ramadan, ils râlent sur tout :

« Les gens ne se lavent pas les dents et ne boivent pas, alors ils ont une haleine horrible !! »
« Les gens conduisent n’importe comment pendant Ramadan »
« Les gens ne foutent rien pendant Ramadan, c’est vraiment impossible de travailler !!! »
« C’est insupportable, ils sont toujours en retard… »

Etc…

Mais petit à petit, j’ai appris à comprendre et aimer ce moment de l’année.

Pour les marocains, passée cette obligation de jeûner, le mois de Ramadan est vécu comme une période de fête.

• Pendant Ramadan, le repas devient encore plus une fête qu’habituellement, et il y a plusieurs plats traditionnels et succulents qu’on ne mange pratiquement qu’à ce moment là : notamment la harira (une soupe à base de persil et de coriandre, avec de la viande et des pois chiches) et les chbakias (pâtisserie à base de miel et de graine de sésame).
• La rupture du jeûn, ou ftour, est habituellement à peu prêt à l’heure du diner (entre 18h30 et 20h30 selon les années), et c’est l’occasion de faire un grand repas convivial tous ensemble, de s’inviter entre amis, de se rejoindre pour le ftour dans un des nombreux restaurant qui l’organisent, etc…
• A chaque mois de Ramadan, tout le Maroc semble préparer les J.O. : dès 17–18h, pas une rue, pas un parc où tu ne vois quelqu’un en train de marcher, courir, faire du foot, des exercices d’assouplissement. Qu’ils soient jeunes, vieux, hommes, femmes, athlétiques ou bien en chair, on croise tout le monde. Chacun veut profiter du mois de Ramadan pour prendre soin de son corps. C’est agréable et motivant.
• Pendant Ramadan, les horaires de travail sont aménagés. La plupart des entreprises passent d’horaires de 8h de travail avec coupure (type 8h30–12h30 / 14h30–18h30) à un horaire continu de 6 ou 7h (type 9h-15h ou 9h-16h). Cela permet d’avoir beaucoup de temps après le travail pour des activités (cf paragraphe précédent). Qui ne rêverait pas de ce genre d’horaires pour pouvoir avoir la moitié de l’après-midi à soi?
• Pendant Ramadan, et sauf à certains horaires, la ville est vide et les déplacements en sont beaucoup plus agréables. Avant 9h et après 17h, et en milieu de journée, plus de bouchon, une circulation fluide. 😉
  Par contre, il faut éviter comme la peste les entrées et sorties de job (autour de 9h et de 15-16h) où à l’inverse les bouchons sont décuplés.
• Le mois de Ramadan est également le seul mois où la ville et la nuit appartiennent à tout le monde.
  Habituellement, les cafés le jour, et les lieux de sortie de la nuit casablancaise sont très masculins.
  Ici, les femmes ne flânent pas au café la journée : on ne trouve que des hommes en terrasse des cafés.
  Et seules certaines catégories de femmes sortent le soir.
  Pendant Ramadan, tout s’inverse. Tout le monde vit la nuit, et il est très habituel de croiser des familles se promener, y compris des jeunes filles, qui bénéficient pour une fois d’une liberté dans l’espace publique qui leur est habituellement restreint. Les familles se retrouvent pour déguster une glace en terrasse, ou un café entre ami. Les jeunes se retrouvent et se draguent.
• Le mois de Ramadan permet également de se perfectionner aux cartes. Les gens buvant des cafés au ftour (à 19h30) et vivant la nuit, il est habituel qu’ils ne se couchent pas tot et qu’ils veillent tard entre amis et jouent aux cartes : habituellement à Ronda, Sota ou au Poker.

Et moi? vous posez-vous surement la question…

Pour accompagner mes proches, j’effectue régulièrement un jeun liquide. Je ne mange pas de nourriture solide de la journée, me contentant d’eau, jus et café. Cela me permet de bénéficier de certains des bienfaits du jeun et d’arriver à l’heure du ftour avec une faim permettant d’apprécier le repas gargantuesque de rupture de jeun.