Les données GPS pour l’analyse des flux qui transitent par le boulevard périphérique parisien

Félix Motot
Patterns
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5 min readMar 31, 2020

Un français actif passe en moyenne 7h12 par semaine à se déplacer, tous modes de transports confondus. En Ile-de-France, dans 30% des cas, c’est la voiture individuelle qui est utilisée, occupée la plupart du temps par une seule personne. La mobilité, déjà intrinsèquement très consommatrice d’énergie, a vu son coût énergétique s’envoler du fait de cette omniprésence de la voiture thermique, qui représente aujourd’hui 80% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports.

émissions par mode de transport / source Ademe

Face à l’émergence des considérations écologiques, au problème de santé publique lié à la pollution, et à une conjoncture économique de plus en plus tendue (entretien des infrastructures, coût des embouteillages, …), les collectivités cherchent à contrebalancer la prédominance des véhicules individuels. En témoigne le débat autour de la place du périphérique parisien : Anne Hidalgo envisage d’y instaurer une voie dédiée aux transports en commun et de réduire la vitesse à 50 km/h, tandis que Gaspard Gantzer, candidat à la mairie de Paris, annonce tout simplement sa fermeture d’ici à 2035.

Pourtant, comme le reconnaît la ville de Paris dans ses 40 propositions pour transformer le périphérique, on n’avait jusqu’à ce jour aucune connaissance des flux qui empruntent l’infrastructure. On sait seulement estimer, grâce à des capteurs disposés sur certaines sections, que plus ou moins 1,1 million de véhicules empruntent le périphérique chaque jour, avec un taux d’occupation des voitures extrêmement faible, autour de 1,1.

  • Mais d’où viennent ces usagers ?
  • Où vont-ils ?
  • Pour quelles raisons se déplacent-ils ?
  • Quelles sections du boulevard empruntent-ils ?
  • Les transports en communs et les modes doux leur offrent-ils des alternatives pertinentes ?

Chez Kisio, nous développons depuis un an et demi une solution qui permet de reconstituer les flux de déplacements sur les territoires à partir de traces GPS. Ces traces correspondent aux données de géolocalisation de smartphones, qui peuvent être collectées tout au long de la journée par l’intermédiaire des applications qui y sont installées, après obtention de l’accord du propriétaire du téléphone. Il s’agit d’une succession de coordonnées (x, y, z) horodatées et associées à un identifiant de terminal (UUID). L’analyse de ces traces permet de reconstituer les différents déplacements parcourus par les utilisateurs de ces dispositifs, et d’y affecter des modes. La généralisation de l’usage des téléphones connectés à internet et équipés de capteurs GPS en fait une source de données à très fort potentiel pour l’analyse des mobilités.

Nous disposions, entre mi-octobre et mi-décembre, d’un échantillon de 1.5 million d’utilisateurs en France, qui généraient chaque jour plusieurs dizaines de millions de traces. Nous avons donc cherché, à partir de cet échantillon et en collaboration avec le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger, à reconstituer les déplacements qui empruntent le boulevard périphérique parisien.

Les données GPS brutes offrent des niveaux de qualité et de précision très hétérogènes, selon l’état du téléphone et sa localisation (intérieur ou extérieur) ; la première étape consiste donc à supprimer les redondances, les traces aberrantes ou de qualité trop médiocre.

Nettoyage des traces GPS / source : Kisio

On cherche ensuite à segmenter les traces en déplacements, à partir de différents critères comme les temps de pause, les ruptures dans les parcours, … Les traces deviennent alors une succession de déplacements.

Segmentation des traces GPS en déplacements / source : Kisio

Pour que les déplacements reconstitués puissent être utilisés dans le cadre d’études de mobilité, nous avons besoin d’y affecter un mode : on distingue les déplacements effectués en voiture, ceux effectués en transports en communs, et les autres (piétons, vélos, trottinettes, …). Pour les déplacements effectués en transports en communs, nous identifions les différentes lignes empruntées. Pour l’allocation modale, les traces GPS sont recoupées avec de nombreuses données complémentaires telles que les tracés des infrastructures, les données d’offre de transports (GTFS, …), ou encore les capteurs de vitesse et d’accélérométrie des téléphones.

Allocation modale / source : Kisio

Dans le cadre des analyses de mobilités que nous menons, nous nous intéressons aux déplacements de toute la population du territoire étudié. Nous devons donc finalement corriger les biais potentiels de notre échantillon (publics âgés sous représentés, …), et le redresser à l’échelle de la population. Nous utilisons à cet effet principalement des données socio-démographiques publiques complémentaires, qui nous permettent d’affecter un poids de redressement à chacun des individus de notre échantillon.

Redressement / source : Kisio
chaîne de traitement des données GPS / source : Kisio

Nous n’avons plus désormais qu’à sélectionner, parmi l’ensemble des déplacements reconstitués, ceux qui transitent par le périphérique parisien. Cet exercice nous a permis, entre autres, d’identifier les lieux de résidence des usagers de l’infrastructure, ainsi que les origines et destinations des déplacements qui y transitent chaque jour.

Les résultats en quelques chiffres :

  • 1,17 million de déplacements en moyenne par semaine sur le périphérique parisien VS 0,92 million le week-end ;
Volume de déplacements par jour / source : Kisio, Roland Berger
  • 43% des usagers du périphérique parisien sont originaires de la petite couronne ;
  • 32% des déplacements sur le périphérique parisien sont des trajets entre Paris-Intramuros et la petite couronne ;
Répartition des flux qui transitent par le périphérique / source : Kisio, Roland Berger
  • 50% des déplacements sont effectués par 13% des usagers ;
Part des usagers réguliers / source : Kisio, Roland Berger
  • 15% des déplacements sur le périphérique ont lieu entre minuit et 6h du matin.

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