Data scientists : mais qui sont ces cracks de la donnée ? [—Job tech du futur 1/3]

Lorenzo Pellizzari, data scientist chez Swan Insights, nous livre les secrets d’une profession de plus en plus recherchée et particulièrement bien rémunérée.

Océane Fégé
Kultivo Stories
8 min readSep 6, 2016

--

Le métier de data scientist se développe dans toutes les entreprises.

L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare”, disait le philosophe Maurice Blondel.

La 4ème révolution industrielle — celle de l’Internet des objets et du Big Data — est en marche. Celle-ci va transformer notre économie et à fortiori le marché de l’emploi encore plus rapidement que les trois premières, énonce le World Economic Forum dans son rapport « The Future of Jobs ». À titre d’exemple, 65% des métiers qu’exerceront les enfants actuellement en classe de maternelle n’existent pas encore!

D’ores et déjà, de nouveaux métiers apparaissent et s’imposent, tandis que d’autres se transforment. Aussi, pour appréhender et vous adapter au mieux aux attentes futures des entreprises, Kultivo a décidé, en cette rentrée 2016, de vous plonger dans le quotidien de cinq métiers tech d’avenir.

Zoom, cette semaine, sur la fonction de data scientist, classée en tête des 25 métiers les plus côtés en 2016 selon Glassdoor [Voir notre infographie récapitulative en fin d’article].

L’art de faire parler les données

Métier à la confluence de l’IT, du marketing et de la modélisation statistique, le data scientist est l’un des profils tech les plus prisés et parmi les mieux rémunérés aux États-Unis. Si la demande n’est pas encore aussi forte en Europe, la fonction est promise à un bel avenir, selon les spécialistes.

Mais en quoi consiste exactement le job de data scientist? Et quel est son rôle au quotidien? Pour le savoir, nous avons interrogé Lorenzo Pellizzari, data scientist chez Swan Insights, une société belge spécialisée dans l’analytique Big Data.

Bonjour Lorenzo Pellizzari. Vous êtes data scientist ; concrètement, qu’est-ce que cela signifie?

“Un data scientist est chargé de recueillir et d’analyser en temps réel de grosses quantités de données à partir de sources diverses — comme les open data, les réseaux sociaux ou les articles de presse… Il va en extraire des indicateurs qui vont aider les entreprises à prendre de bonnes décisions en matière de stratégies marketing ou commerciale. En gros, le data scientist transforme le bruit en information pertinente; il fait parler les données.

C’est vraiment un métier transversal, qui recouvre plusieurs aspects : la technique, les mathématiques et la statistique, mais aussi le business, le marketing et même la communication.”

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre job? Et le moins?

“Ce que j’apprécie beaucoup, c’est qu’on est à la pointe de l’innovation. On fait un métier très nouveau où il y a encore plein de choses qui apparaissent, au niveau des techniques et des sources de données. Les pouvoirs publics, par exemple, ouvrent de plus en plus leurs bases de données. C’est un métier en continuelle évolution. Il y a un dynamisme qui est très intéressant, car on est amené à travailler dans de nombreux secteurs. Et puis il y a tout l’aspect créativité, dans la façon dont on traite les données, qui m’attire énormément.

Pour ce qui est des aspects plus négatifs, je dirais que… comme il s’agit avant tout d’un métier technique, on passe une bonne partie de la journée devant un écran noir, à faire du code. Mais c’est aussi positif d’une certaine manière. Il faut aimer ça.”

Vos missions semblent nombreuses; pouvez-vous nous décrire une journée type?

“Typiquement, lorsqu’on a un nouveau projet, on commence toujours par s’asseoir autour d’une table et écouter le client nous expliquer son business et quels outils BI (business intelligence, ou ‘informatique décisionnelle’, ndlr) il utilise. Une fois le contexte expliqué, le client nous fait part de ses nouveaux besoins. Une banque par exemple, voudra avoir une vue d’ensemble sur l’activité en temps réel des ses clients B2B (entreprises). Assez souvent, on est confronté à des demandes quelque peu irréalistes, parce que les entreprises s’imaginent qu’avec le Big Data, tout est possible. La première chose à faire, c’est donc d’interpréter la demande du client, de faire le tri entre ce qui est réalisable, et ce qui ne l’est pas.

Une fois les besoins identifiés et le ‘scope’ défini — bon, je ne sais pas si on fait ça en une journée mais… — on réfléchit à l’architecture de la solution : quels outils et techniques va-t-on utiliser? Quelles sources de données sont à notre disposition? Il faut savoir qu’on travaille sur des données internes à l’entreprise, comme les achats clients, mais aussi sur des données externes, qu’on récupère via différents canaux. C’est ce qu’on appelle l’acquisition de données, et là, il s’agit d’utiliser les crawlers (des robots logiciels en charge de l’exploration des sites et contenus Internet, ndlr) ou les API (Applications Programming Interface) qu’on a à disposition.

Le Big Data au service des entreprises.

On entre ensuite véritablement au cœur de la programmation, avec une première phase qui consiste à comprendre les données récoltées. On effectue alors toute une série d’analyses exploratoires dans les data. Puis, on va exploiter ces données : on va les modéliser, c’est-à-dire les organiser, les lier entre elles d’une façon précise, afin d’en tirer des informations utiles. On va également mettre en place des algorithmes qui vont anticiper l’évolution des données et les tendances relatives à l’activité de l’entreprise. On utilise pour ça des techniques comme le machine learning (un type d’intelligence artificielle qui confère aux ordinateurs la capacité d’apprendre sans être explicitement programmés, ndlr) ou le NLP (Natural Language Processing).

Enfin, il y a toute la partie visualisation, qui est aussi très importante, et qui consiste à montrer aux clients ce qu’on a réussi à extraire des données; par exemple les corrélations entre deux évènements. Ça peut être sous forme de logiciels comme Tableau ou QlikView, ou via des interfaces web qu’on crée nous-mêmes et donc là, il faut formater les données pour qu’elles soient compatibles avec les outils qu’on emploie.”

“J’ai appris les bases du métier via des tutoriels”

Revenons un peu sur votre parcours; comment devient-on data scientist?

“En Belgique, il n’y a pas (encore) de formation spécifique pour être data scientist. Beaucoup ont fait ingénieur civil, d’autres ont suivi une école de développement ou d’informatique. Pour ma part, j’ai fait des études d’ingénieur commercial à Solvay, donc très orientées business. Mais j’ai toujours été passionné par l’aspect physique, math et plus technique des choses.

Mon diplôme en poche, j’ai travaillé pendant deux ans chez PwC comme consultant IT. Là, je faisais principalement de l’audit et peu de technique, ce qui m’a un peu frustré. J’ai donc commencé, en parallèle, à programmer, à apprendre par moi-même l’analyse de données, le machine learning. J’ai appris via des tutoriels en ligne. C’est comme ça, en me formant par moi-même, que j’ai appris le métier de data scientist — en tout cas les bases — et rejoint Swan Insights, il y a près de deux ans.

Dans de nombreux cas, je dois dire, c’est en autodidacte qu’on entreprend l’apprentissage de la data science.”

Curiosité et soucis du détail : les maîtres-mots de la fonction

Quelles sont les qualités indispensables pour exercer la fonction de data scientist?

“Il faut être ouvert d’esprit, et super curieux! Ça, je pense que c’est vraiment essentiel. Comme je le disais, il n’y pas vraiment de formation à l’université qui te prépare à être data scientist. Tous mes collègues, par exemple, se sont formés via des cours en ligne, via leurs propres passions— donc oui, il faut être curieux.

Il faut avoir le souci du détail aussi. On est confronté à une telle diversité de données… Il faut être patient et méticuleux pour être capable de sonder les données — une à une s’il le faut.

Enfin, je dirais qu’il faut avoir un bon sens des affaires, être orienté client et business pour pouvoir répondre aux besoins d’entreprises et de clients très différents les uns des autres.”

Il paraît que c’est un métier très rémunérateur; à combien peut prétendre un data scientist?

“Un junior débute à environ 3.000 euros bruts par mois (soit 36.000 euros bruts par an, ndlr). Mais le salaire augmente rapidement au fil des années.”

D’après l’agence de recrutement Robert Half, les profils data dotés de 3 à 5 ans d’expérience gagnent environ 65.000 euros par an. Aux Etats-Unis, le salaire moyen annuel est de 89.000 dollars et peut facilement dépasser les 100.000 au bout de quelques années.

“Le métier le plus sexy du 21ème siècle”

Pour vous, s’agit-il pour vous d’un métier d’avenir comme l’affirment de nombreux spécialistes?

“Oui, clairement, car le nombre de données ne cesse d’augmenter. Le Harvard Business Review disait d’ailleurs, il y a un ou deux ans, que c’était le métier le plus sexy du 21ème siècle. C’était un peu un buzz article, mais je crois qu’il y a vraiment une demande qui est de plus en plus forte pour ce métier-là. On le voit sur LinkedIn : chaque semaine, mes collègues et moi on reçoit de nombreuses propositions d’embauche.”

Quels sont vos projets pour la suite?

“Pour le moment, je me sens assez libre, dans la mesure où j’apprends encore énormément chez Swan. Et en même temps, j’ai la possibilité de bouger dans plein d’entreprises. J’ai toujours cette curiosité d’aller voir ce qui se fait sur le côté, et il y en a plein de choses qui se font en data science. Je participe par exemple à des concours de Big Data sur Kaggle. Il s’agit d’un site de tournois où s’affrontent des data scientists du monde entier. Ils cherchent à résoudre un problème donné par une entreprise. Et le gagnant reçoit plusieurs milliers d’euros.”

Et l’entrepreneuriat, ça vous tente?

“C’est clairement quelque chose que j’envisage à l’avenir, parce que je sens que j’ai les outils et les compétences pour mettre en oeuvre les idées que j’aurais. Cette industrie-là encourage clairement à devenir entrepreneur.”

Merci Lorenzo Pellizzari!

Vous l’aurez compris, si le Big Data vous passionne, si vous avez une appétence pour les mathématiques et la programmation, et que le monde du business vous attire, le job de data scientist pourrait bien vous séduire.

Océane Fégé pour Kultivo

Cet article fait partie de la série “Jobs tech du futur”, à découvrir sur Kultivo Stories !

--

--