“ L’enjeu des technologies est de promouvoir la pédagogie active ”

…Et le rôle du formateur est crucial.

Stephanie Verreet
Kultivo Stories

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Les technologies peuvent-elles révolutionner l’apprentissage ? Pour Pascal Balancier, expert EdTech auprès de l’Agence du Numérique*, elles sont certainement une invitation à la pédagogie active — dont l’efficacité est démontrée. Mais l’état d’esprit du formateur est crucial, et le processus d’appropriation souvent lent. Rencontre.

* Organisme public chargé de développer l’utilisation des technologies numériques dans l’apprentissage scolaire et professionnel en Région Wallonne (Belgique).

Bonjour Pascal Balancier. Vous êtes expert EdTech (c’est votre profil LinkedIn qui le dit!) ; concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Mon rôle est de promouvoir l’utilisation des technologies dans la pratique des formateurs et des enseignants. Cela passe par de la sensibilisation, de l’initiation et de l’accompagnement.

Quand vous dites “les technologies”, vous faites référence à quoi ?

Tablettes, tableaux numériques interactifs, plate-formes e-learning, etc.

Dans l’enseignement, grosso modo, il y a deux choses qui se mettent en place. Il y a le tableau numérique interactif, qui a le désavantage de rester dans une configuration transmissive: c’est l’outil du prof. Et puis il y a les tablettes qui sont très expérimentées car elles permettent un apprentissage plus personnalisé.

Dans le monde professionnel, il y a les outils de visioconférence, ainsi que des dispositifs de formation en ligne ou partiellement en ligne.

En quoi ces technologies peuvent-elles améliorer l’apprentissage ?

L’enjeu des technologies est de favoriser une pédagogie active et de réduire l’enseignement transmissif : on sait qu’une info qu’on a soi-même trouvée et construite est plus durablement ancrée. C’est la posture socratique: au lieu de donner des réponses, on pose des questions. Mais l’efficacité ne réside pas dans l’outil, quelle que soit la qualité des ressources ou des applications qu’on utilise: c’est la manière dont il est utilisé. Il faut que le dispositif mis en place réponde à un objectif dans un contexte donné. Et pour atteindre cet objectif, il faut mobiliser un large éventail de ressources qui peuvent être du numérique, mais pas que…

C’est-à-dire ? Vous n’êtes pas pour le 100% digital ?

Il faut maintenir, autant que possible, le principe de la diversification pédagogique. Beaucoup de projets e-learning sont mal ficelés et c’est pour cela que la plupart échouent. Pour qu’une plate-forme d’e-learning soit efficace, il faut qu’elle revienne vers vous, qu’elle vous encourage et simule un peu l’aspect humain… Et puis les ressources numériques sont très loin de mettre une pièce dans le puzzle pour chaque compétence à développer. Pour moi, la pédagogie active, c’est avant tout un état d’esprit.

Il faut du temps aux enseignants pour intégrer ces technologies ?

Oui. Souvent, les enseignants adoptent un dispositif numérique seulement si le matériel est dans l’école, qu’il fonctionne et s’ils ont reçu la formation ad hoc. Ensuite, le processus d’acculturation est assez long : il faut 2–3 ans pour qu’un enseignant qui commence à utiliser les technologies le fasse de manière pertinente. Dans un premier temps, il va les utiliser pour faire ce qu’il faisait avant ; il va transposer son ancienne pratique à un nouveau support. On appelle ça la fossilisation des pratiques. C’est normal: c’est un point de passage obligé qui fait partie du processus de réappropriation.

Petit à petit, il commence à se sentir plus à l’aise, à imaginer des manières d’utiliser ce média dans le cadre d’une pédagogie plus active. Et là, il y a un vrai changement de pratique: le formateur va se rendre compte du potentiel qu’il y a, non pas à transmettre l’info, mais à challenger ses élèves pour qu’ils la découvrent eux-mêmes.

Si la pédagogie active est avant tout un état d’esprit, comment voyez-vous l’éducation dans 20 ans, quand les “digital natives” seront eux-mêmes formateurs ?

Je pense qu’apprendre par soi même, en faisant — par exemple en simulant la création de sa mini entreprise — c’est quelque chose qui est presque déjà dans l’état d’esprit des digital natives. Les jeunes d’aujourd’hui, il faut les stimuler avec des choses intéressantes et des projets — et des projets courts! Je sais bien que dans l’entreprise le clash est assez fort. Mais je pense que les enseignants de demain, imprégnés des valeurs d’aujourd’hui, seront davantage en phase avec cette approche active, par projet… Et de manière assez naturelle.

Merci, Pascal Balancier!

Stéphanie Verreet pour Kultivo

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Stephanie Verreet
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Digital Marketer | Biz Dev | Startup Enthusiast | World Explorer - writing about Personal & Professional Development, Start-ups and Lifelong Learning.