Notre certification HDS 🚀

Maxime MATHERON
Kuranda Labs Engineering
8 min readNov 6, 2019

Nous pensons que s’il manque quelque chose dans l’accomplissement de la vision d’une santĂ© personnalisĂ©e et programmatique, ce n’est pas tellement un objet connectĂ© ou un algorithme magique, mais plutĂŽt d’abaisser les barriĂšres technologiques et rĂ©glementaires Ă  la collecte et l’utilisation sĂ©curisĂ©e des donnĂ©es de santĂ©. En tout cas, c’est avec ce type de produit que nous pensons avoir le plus d’impact dans ce secteur.

Un des aspects importants de cette difficultĂ© est la nĂ©cessitĂ© de se conformer, dĂšs les premiers instants, aux nombreuses rĂ©glementations qui s’appliquent au secteur de la santĂ©. Pas si simple, surtout pour une startup!

Dans notre quĂȘte d’abaisser ces barriĂšres, nous avons dĂ» nous confronter trĂšs tĂŽt au processus de certification HDS ou HĂ©bergeur de donnĂ©es de santĂ©. AprĂšs une annĂ©e de travail, quelques nuits blanches et quelques dizaines de milliers d’euros dĂ©pensĂ©s, nous publions cet article pour partager cette expĂ©rience.

📕 Contexte

Jusqu’en 2017, un agrĂ©ment encadrait le stockage et l’hĂ©bergement des donnĂ©es de santĂ©. Ce dernier Ă©tait seulement dĂ©livrĂ© par le ministĂšre de la santĂ© sur dossier: il s’agissait d’un processus opaque qui, depuis son lancement en 2009, a contribuĂ© Ă  freiner l’innovation. Sous ce rĂ©gime, il ne semblait pas nĂ©cĂ©ssaire pour les entreprises d’obtenir cet agrĂ©ment, il leur suffisait de s’appuyer sur un hĂ©bergeur qui l’avait dĂ©jĂ  obtenu. En tout cas, c’est ce que tout le monde se satisfaisait de comprendre avec un grand soulagement.

En 2018, l’agrĂ©ment est devenu une certification, c’est Ă  dire une Ă©valuation par des auditeurs indĂ©pendants de la conformitĂ© Ă  un rĂ©fĂ©rentiel et une norme internationale en sĂ©curitĂ© de l’information. La certification se dĂ©coupe en deux parties, avec en tout, 6 couches:

  • Les couches 1 et 2 concernent la partie infrastructure. Ces deux premiĂšres couches ne concernent que les entreprises ayant des data centers en propre, assez rare donc.
  • Les couches 3, 4, 5 et 6 concernent la partie infogĂ©rance. Il s’agit de la partie qui intĂ©resse gĂ©nĂ©ralement les entreprises et startups, qui manipulent les donnĂ©es de santĂ© dans leurs produits.

Pour chaque couche, la certification apporte une description plus ou moins prĂ©cise de l’activitĂ© concernĂ©e. Par exemple, la couche 5 se nomme “InfogĂ©rance d’exploitation du systĂšme d’information de santĂ©â€.

On comprend en lisant les descriptions des diffĂ©rentes couches que beaucoup d’entreprises, dont Kuranda, vont devoir se faire certifier, car au final, toute application de santĂ© est un mini systĂšme d’information de santĂ©. Il s’agit lĂ  du vĂ©ritable changement de paradigme qu’apporte cette certification.

🔎 Dois-je me faire certifier?

VoilĂ  la question qu’on a beaucoup entendu aprĂšs l’annonce de la nouvelle certification. La couche 5, qu’on a prĂ©sentĂ© prĂ©cĂ©demment, a posĂ© beaucoup de problĂšmes car elle inclut un trĂšs (trop?) grand nombre d’entreprises.

Le rĂ©flexe de ces entreprises, sĂ»rement en lien avec l’ancien agrĂ©ment, a Ă©tĂ© de dire qu’elles s’appuyaient sur des hĂ©bergeurs ayant une certification sur toutes les couches et donc qu’elles Ă©taient, par transitivitĂ©, en rĂšgle avec la rĂ©glementation. Ceci est bien entendu complĂštement faux.

MĂȘme si votre hĂ©bergeur est certifiĂ© sur la couche 5 (Azure par exemple), vous avez tout de mĂȘme la responsabilitĂ© de l’infogĂ©rance de votre infrastructure (sĂ©curisation, dĂ©ploiements, journalisation, disponibilitĂ©, etc
).
Un peu de bon sens: Est-ce qu’une plateforme comme Azure vous interdit de supprimer votre base de donnĂ©e ou vous oblige Ă  mettre en place une traçabilitĂ© des accĂšs? Absolument pas. Il s’agit bien entendu de votre responsabilitĂ©, les plateformes cloud ne fournissent que des outils pour faciliter ce travail, pas le faire Ă  votre place.

Mais alors, pourquoi certains fournisseurs d’infrastructures (comme Microsoft, Google ou OVH) se sont-il fait certifier sur cette couche? VoilĂ  une ambiguĂŻtĂ© intĂ©ressante. La rĂ©ponse peut prendre deux formes:

  • Ils vendent des logiciels en mode SaaS qui traitent de la donnĂ©e de santĂ© (ex: Office 365 ou Gsuite utilisĂ©s dans un hĂŽpital). Dans ce cas, la couche 5 est bien entendu nĂ©cessaire pour commercialiser ces produits.
  • Ils ne veulent prendre aucun risque, l’ASIP ne s’étant pas arrĂȘtĂ©e dans les choix des diffĂ©rentes couches et des activitĂ©s liĂ©es (ils ont d’ailleurs remis Ă  l’étude le pĂ©rimĂštre de la couche 5).

Amazon Web Services, par exemple, ne s’est pas fait certifier sur la couche 5, c’est bien qu’il doit y avoir une raison!

L’équation est finalement assez simple: Soit vous externalisez complĂštement votre infogĂ©rance chez un prestataire, soit vous vous faites certifier, soit vous utilisez une plateforme comme Kuranda.

🛣 La route vers la certification

La décision de se faire certifier a finalement été trÚs simple à prendre compte tenu de la nature de notre produit: un backend certifié HDS permettant de trÚs facilement stocker et gérer des données de santé.

On peut lister rapidement les bĂ©nĂ©fices qu’on y voyait dĂ©jĂ  Ă  l’époque:

  • Impossible de vendre un tel produit sans une preuve tangible de nos compĂ©tences pour gĂ©rer des donnĂ©es aussi sensibles, surtout en tant que startup.
  • Hors de question d’externaliser un dĂ©veloppement, quel qu’il soit. La gestion de l’infrastructure Ă©tant au coeur de notre produit, utiliser un infogĂ©reur est tout simplement inconcevable: perte en agilitĂ© et en vitesse d’itĂ©ration — on ne souhaite pas ouvrir un ticket auprĂšs d’un prestataire Ă  chaque mise Ă  jour de notre plateforme, c’est Ă  dire tous les jours.
  • La difficultĂ© d’un tel processus semble Ă©norme, surtout pour une entreprise comme la notre. C’est clairement une opportunitĂ© d’installer une barriĂšre Ă  l’entrĂ©e importante.
  • HDS se base Ă  80% sur la norme internationale ISO27001 qui est en fait un socle commun aux diffĂ©rentes rĂ©glementations autour de la protection des donnĂ©es, notamment en santĂ©. Par exemple, la rĂ©glementation amĂ©ricaine (HIPAA) s’appuie en grande partie sur cette norme. On prĂ©pare donc dĂ©jĂ  l’exportation de notre produit.
  • Notre produit certifiĂ© HDS est une troisiĂšme voie pour les entreprises. En intĂ©grant Kuranda, une entreprise se dĂ©charge de l’infogĂ©rance des donnĂ©es de santĂ© car les donnĂ©es ne font que transiter temporairement. Le fait de proposer le produit par API permet dans le mĂȘme temps de rendre la maĂźtrise et l’agilitĂ© de dĂ©veloppement totale Ă  nos clients.
  • Il s’agit d’une formidable opportunitĂ© de structurer l’entreprise. Les startups ont gĂ©nĂ©ralement trĂšs peu de processus en interne et c’est l’occasion de commencer Ă  le faire chez nous.

Cette expĂ©rience nous a bien entendu permis d’effectuer quelques learnings que l’on vous partage volontiers en espĂ©rant vous faciliter la tĂąche et vous Ă©viter quelques erreurs.

1. Faire une formation

Votre premier rĂ©flexe sera d’acheter la norme ISO27001 puis de la lire. Vous serez alors plongĂ© dans un ocĂ©an d’incertitudes. Ne vous inquiĂ©tez pas, c’est tout Ă  fait normal: le monde de la norme a ses propres codes, son propre langage et son lot d’ambiguitĂ©s.

La premiĂšre Ă©tape: se faire former par un expert de la norme. Cela a clairement Ă©tĂ© d’une importance cruciale pour nous. Sans cela, on serait encore en train de tenter de comprendre la premiĂšre section de la norme. Nous avons suivi une formation auprĂšs de HS2 de HervĂ© Schauer, lui-mĂȘme connu comme le loup blanc sur les sujets de cybersĂ©curitĂ© en France. Nous conseillons donc HS2 Ă  toutes les entreprises qui entament un processus de certification.

CoĂ»t total — 3774€ H.T

  • Formation — 3534€ H.T
  • Achat des normes — 240€ H.T

2. La norme comme culture

Compte tenu de la quantitĂ© massive de travail que l’implĂ©mentation de la norme reprĂ©sente, surtout pour une startup avec des ressources limitĂ©es, il vaut mieux profondĂ©ment s’approprier la norme et rĂ©ussir Ă  fondre le travail dans son daily work: vous en ferez alors une force au lieu d’en faire un Ă©norme fardeau!

Une de nos erreurs Ă  Ă©tĂ© par exemple de dĂ©signer une personne en interne pour s’occuper de ce sujet de bout en bout. AprĂšs 4 mois de travail, on se retourne et on voit un projet annexe qui ne semble plus du tout faire sens pour l’entreprise.

CrĂ©er un systĂšme de management de la sĂ©curitĂ© de l’information peut ĂȘtre un formidable moyen de se structurer et d’écrire une page fondatrice de sa culture d’entreprise. À l’inverse, cela peu aussi devenir un Ă©norme fardeau. Pour preuve, de nombreuses entreprises perdent leur certification aprĂšs une annĂ©e car elles n’ont pas forcĂ©ment rĂ©ussi Ă  ancrer les concepts de la norme au sein de leur culture. Attention donc avec cela.

3. Son auditeur interne

Une partie importante de ce processus repose sur un audit interne qui est d’ailleurs obligatoire et demandĂ© par la norme. Grosso modo, un consultant externe Ă  l’organisme de certification doit venir sur 5 jours pour effectuer un audit complet du systĂšme. Il s’agit, en d’autres termes, d’une rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale et donc d’une formidable opportunitĂ© de mesurer votre couverture de la norme et le travail qu’il reste Ă  accomplir.

Nous avons eu la malchance d’en choisir un trĂšs, trĂšs, trĂšs mauvais. Ce consultant nous avait pourtant Ă©tĂ© recommandĂ© et semblait avoir un trĂšs bon CV (consultant responsable de la sĂ©curitĂ© de l’information pour des entreprises du CAC40).
Le rapport qu’il nous a fourni Ă©tait d’une qualitĂ© dĂ©plorable et complĂštement en dĂ©calage avec ce qu’on avait montrĂ© durant l’audit. Petit florilĂšge:

Fautes d’orthographe
Phrases incomplĂštes
Mauvaises dates
Conclusions du rapport d’autres entreprises

Ce rapport est trĂšs important pour la suite, notamment pour les audits suivants. Vous devez en effet montrer que vous avez amĂ©liorĂ© votre systĂšme, d’un audit au suivant. Ici, c’était assez compliquĂ© tant la fiabilitĂ© du rapport laissait Ă  dĂ©sirer


CoĂ»t total — 3400€ H.T
Ne vous inquiétez pas, on a pas mal négocié aprÚs avoir vu le rapport :-)

4. Bien choisir son organisme certificateur

Il existe plusieurs organismes certificateurs et donc ce n’est pas forcĂ©ment simple de s’y retrouver. Il faut pourtant bien le choisir car vous allez tout mĂȘme passer pas mal de temps ensemble.

Par exemple, un point qu’on a du prendre en compte pour notre cas Ă©tait notre petite taille. Il est vrai que ces organismes n’ont pas l’habitude de certifier des startups et donc il faut les sonder pour voir s’ils vous prennent au sĂ©rieux.

Nous avons choisi BSI car ils semblaient avoir une grande ouverture d’esprit et comprendre le contexte de notre entreprise. Ce choix s’est avĂ©rĂ© payant puisque nous avons passĂ© des trĂšs bons moments avec eux, mĂȘme durant les audits. Nous recommandons donc chaudement BSI.

CoĂ»t total— 12370, 26€ H.T

  • Pre-Audit — 1423,60€ H.T
  • Audit documentaire — 2230,89€ H.T
  • Audit final — 8715,77€ H.T

✊ Conclusion

On va pas vous le cacher, sortir quasiment 20k€, pour une startup, ce n’est pas si facile que cela. Nous pensons cependant toujours aujourd’hui qu‘il s’agit d’une milestone extrĂȘmement importante pour nous qui va permettre de rassurer nos clients et d’en convaincre sĂ»rement aussi beaucoup d’autres.

Il y a aussi les coĂ»ts qu’on ne voit (mesure ?) pas: le coĂ»t humain est sĂ»rement 10 fois supĂ©rieur. Lorsqu’on travaille sur la certification, on ne travaille pas sur son produit et on passe moins de temps Ă  rencontrer son marchĂ©. Pour une startup, oĂč le temps est vraiment comptĂ©, je dirais que les 11 mois de travail devraient beaucoup plus vous inquiĂ©ter que la dĂ©pense financiĂšre.

De plus, il y a la taille de votre entreprise. Mettre en place la certification dĂšs qu’on dĂ©passe 10, 20 personnes augmente les coĂ»ts de façon exponentielle et le risque d’échec.

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CoĂ»t total — 19544,26€ H.T + 11 mois de travail


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