D’où vient l’UX ?

Le sens originel de user experience est étroitement lié à la volonté de faire converger le design produit et l’interface graphique — le hardware et le software. Pendant longtemps, le focus a été porté sur l’interface (graphique). Il l’est désormais sur ce que Norman et Nielsen ont défini comme “tous les aspects de l’interaction de l’utilisateur final avec l’entreprise, ses services et ses produits.”

Notion “nébuleuse” et “indéfinie” lorsqu’elle est redécouverte par Peter Merholz (le co-fondateur d’Adaptive Path) en 1998, l’expérience utilisateur (UX) a une vocation holistique (large) dès son invention. Par-là, on veut dire que l’UX englobe, à la fois en tant que démarche et résultat de la démarche, la perception du produit, de l’interface et des interactions qui en découlent.

C’est dans un très court article intitulé «What You See, Some of What’s in the Future, And How We Go About Doing It: HI at Apple Computer», daté de 1995, que Donald Norman, Jim Miller et Austin Henderson introduisent la notion d’UX. Ils y décrivent «la complexité du processus de design produit» chez Apple à partir d’études de cas et le rôle transversal de «User Experience Architect», dont Norman s’est investi. Selon eux, l’expérience utilisateur consiste à travailler sur «la recherche de l’interface utilisateur» et à «harmoniser l’interface utilisateur et le processus de design industriel à travers les différentes divisions d’Apple et d’ATG».

Donald Norman et Stephen Draper sont déjà à l’origine, à la fin des années 1980, de la conception centrée sur l’utilisateur, démarche aujourd’hui largement disséminée. Ses principes sont les suivants :

— la prise en compte en amont des utilisateurs, de leurs tâches et de leur environnement
— La participation active des utilisateurs, garantissant la fidélité des besoins et des exigences liées à leurs tâches
—La répartition appropriée des fonctions entre les utilisateurs et la technologie
— L’itération des solutions de conception, jusqu’à satisfaction des besoins et des exigences exprimés par les utilisateurs

Donald Norman confiera lui-même à Peter Merholtz par e-mail : «J’ai inventé le terme parce qu’interface utilisateur et utilisabilité étaient trop restreints : je voulais couvrir tous les aspects de l’expérience d’une personne avec un système, incluant le design industriel, les éléments graphiques, l’interface, l’interaction physique et le mode d’emploi. Depuis, le terme s’est largement répandu, tant et tant qu’il a commencé à perdre sa signification initiale».

Avec Elements of user experience (en 2002), Jesse James Garrett (le 2e cofondateur d’Adaptive Path), a contribué à populariser la notion. Il la redéfinit et l’adapte pour les professionnels du web. Elle est articulée autour de cinq plans : la surface (le design visuel de l’interface), l’ossature (l’organi- sation spéciale de l’information et des éléments de l’interface), la structure (l’organisation des pages et la navigation à l’échelle du dispositif), l’envergure (le périmètre fonctionnel) et la stratégie (qui s’appuie sur les besoins des utilisateurs et les objectifs du projet).

L’émergence de l’expérience utilisateur est non seulement le prolongement direct de la conception centrée sur l’utilisateur, mais aussi l’ambition d’englober en une seule approche tous les aspects qui ont trait aux interactions numériques et au support matériel de l’interface. Elle s’enrichit aujourd’hui avec la notion de design émotionnel. Le design émotionnel consiste à tirer opportunément parti des réactions de l’utilisateur pour le faire adhérer au service et à l’interface.

L’expérience utilisateur s’est construite au début en référence à l’usabilité (usability) et à l’ergonomie des interfaces. Elle s’en est détachée et s’apparente davantage aujourd’hui à la conception centrée sur l’utilisateur, avec laquelle elle partage une grande partie de ses méthodologies. Le périmètre et les composantes de l’UX sont complexes à cartographier car, à mesure que sa pratique professionnelle mûrit, ils s’étendent. Si la notion est galvaudée, la démarche, elle, se diffuse de plus en plus et libère ses bénéfices, car elle est créatrice de valeur, autant pour les utilisateurs que pour les entreprises.

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