Le design de services, une (nouvelle) passion française
Dans le design de services, qui s’appuie sur l’évolution historique d’une économie industrielle vers une économie de services, le résultat final du projet est une stratégie d’ensemble, mêlant produits et dispositifs immatériels (interfaces, relations humaines). L’intervention du designer de service se situe ainsi à l’échelle des systèmes.
écrivions-nous (avec Matthew Marino), en 2011, dans le Guide des métiers du design interactif. User Studio, la structure pionnière en France, en donne toutes les facettes dans les définitions rassemblées sur un site de ressources dédié. Le design de services est né en tant que discipline dans le giron de la Köln International School of Design (KISD). Fondé en 2001 à Londres, Livework a défriché les applications du design de services pour les entreprises et le secteur public. En France, ce sont de jeunes designers issus de l’Ensci et des Arts déco qui ont contribué à diffuser le design de services. Pour les citer : Matthew Marino, Matthieu Savary, Denis Pellerin, Christophe Tallec, Marine Rouit… Avec la complicité bienveillante de Giuseppe Attoma, d’Anne Marie Boutin (APCI) et tant d’autres.
D‘une niche d’expertise (comme l’UX), le design de services est devenu en 5 ans un signal fort pour les professionnels (et les recruteurs) du design d’expérience. L’enjeu n’est plus de concevoir uniquement des produits digitaux mais des services. Le design de services répond comme le design thinking à l’injonction d’innover qu’on reçue les entreprises. A côté, l’UX s’est comme exténuée d’elle-même (“tant va l’expérience à l’eau qu’à la fin elle se casse”, va jusqu’à écrire Bertrand Duperrin). Dans un contexte dominé par les lieux communs de la customer-centricity, certains distillent même avec malice quelques conseils pour passer au design de services. Les écoles de design proposent déjà des formations au design de services (Strate, École de design de Nantes, LISAA). Les cabinets de conseil se sont emparés de la discipline (L’Experience Center de PwC France, Fjord [Accenture]). Les recruteurs ne jurent plus que par le design de services. On l’envisage déjà comme “the next big thing”.
Du design d’interfaces à l’expérience utilisateur au design de services, les expertises sont-elles cumulables ? Interchangeables ? Pour reprendre Jean-Louis Frechin, “Doit-on parler de design de service, de design d’expérience ou tout simplement du design d’aujourd’hui ?”.
Confondre expérience et service serait pourtant un contresens majeur. Dans l’ouvrage The Experience Economy, publié en 1999, Joseph Pine et James Gilmore n’écrivent-ils pas :
Experiences are as distinct from services as services are from goods.
Que l’on pourrait paraphraser ainsi :
Les interfaces sont aussi distinctes des expériences que les expériences le sont des services.