Le #FrenchImpact, c’est quoi ? C’est moi ou pas ?

Duc Ha Duong
l’avenir appartient
4 min readJan 28, 2018

La FrenchTech de l’entrepreneuriat social ? Et bien puisque la comparaison est explicite, comparons, et revenons exactement 4 ans auparavant, jour pour jour, lorsque nous avons eu la chance de rencontrer David Monteau pour nous expliquer ce qu’était ce nouveau croisillon né du rapport “Quartiers Numérique” ( l’article s’appelait La French Tech c’est quoi ? C’est moi !).

Il y avait donc 3 composantes à ce mouvement : 1. Un label pour les territoires décerné progressivement par le ministère du numérique à quasiment toutes les grandes métropoles. Une initiative centralisée ayant pour but de stimuler les écosystèmes locaux. 2. Une enveloppe de 200 millions d’euros qui étaient en fait déjà budgétés, mais si l’on ne parle pas de gros sous les journalistes ne viennent pas ou vous accusent de brasser du vent. 3. Une identité collective pour tous ceux qui voulaient bien s’identifier au mouvement startup français.

1.#Frenchimpact ne parle pas de labellisation, mais propose à la place un Accélérateur national d’Innovation Sociale qui va sélectionner 10–15 projets pour les aider à grandir. Ca s’appelle “Pionniers French Impact”. On pourrait comparer cela à une labellisation de projets, au sens ou de facto, être incorporé dans l’accélérateur vous estampille “innovateur social”. Par contre là où la labellisation #FrenchTech est macro (échelle de la région), à contour flous (audit subjectif -pardon qualitatif), et peu compétitif (pas de quota, pas d’argent à la clé), entrer dans l’innovateur social est compétitif, et fermé. Alors qu’il me suffit de déménager à Nantes pour faire partie de la French Tech Nantes, c’était simple et ouvert.

2. L’enveloppe annoncée ici est de 1 milliard. Bon, on ne sait pas trop d’où ils viennent, c’est pareil c’est pour faire un effet projecteur et qu’on en parle.

3. Enfin l’aspect communautaire est explicitement dans la ligne de mire de #FrenchImpact. Je cite :

Extrait du site du ministère écologique et solidaire

Par contre à part ces trois lignes, la part belle est faite à l’accélérateur donc il va falloir attendre un peu voir comment une communauté va émerger sous cette bannière. Ceci dit, à l’époque pour la #FrenchTech, pas beaucoup d’efforts non plus avaient été effectués par le Ministère du Numérique. Souvenons-nous que la #FrenchTech a émergé de par des actions portées par la communauté. grâce à un logo et une marque “opensource”, des détournements du coq rouge ont fleuri sur le net dans les 3 minutes qui ont suivi sa révélation. Des événements crowdsourcés organisés également de façon très horizontale (comme la Galette de la French Tech au NUMA, qui a eu lieu 10 jours AVANT les voeux officiels de Fleur Pellerin à la French Tech), et même la première French Tech House à SXSW était financée par des startups (AF83 entre autres).

J’attends avec impatience et curiosité de voir qui va se poser en porte-étendard de #FrenchImpact en premier. C’est bien plus délicat que de porter l’étendard de la #FrenchTech car cela porte un posture morale. Beaucoup de gens de la communauté ESS n’auront pas l’arrogance de se déclarer à la pointe de cette communauté. Ils risquent même de s’agacer de voir d’autres le faire. Car la “tech-itude”, ça ne se jauge pas trop, alors que l’impact, si cela ne se mesure pas parfaitement, cela se compare. Il y a des gens qui seront plus #FrenchImpact que d’autre…

Je regrette l’annonce simultanée de l’initiative #FrenchImpact et de l’Accélérateur. La part belle à ce dernier pose un climat compétitif (“postulez, il n’y aura que 15 gagnants”), qui va nuire à l’esprit solidaire attendu de la communauté #FrenchImpact. De plus il vise à qualifier de “pionniers” des personnes morales (entreprises sociales et solidaires), au lieu de donner la part belle aux personnes physiques, ces individus qui sont les briques élémentaires de toute communauté.

Dans le même esprit, donner crédit au Ministère sur le logo n’est pas un signe d’ouverture et de désir d’appropriation par la communauté :

Extrait du site du Ministère. Le diable est dans les détails.

En tout cas, moi, je ne sais pas trop si je suis #FrenchImpact. Que le ministère se crédite d’une communauté qui ne s’est pas encore constituée, ou qui s’est constituée sans elle si l’on part du principe qu’elle existe déjà, n’est pas le plus gros du problème. Ce qui me gêne, c’est que je me pose pas mal de question sur ce que cela veut dire, sur qui d’autre sera dans le club… beaucoup plus délicat de poser une intention (“Je veux avoir de l’impact”) qu’une identité (“J‘aime les startups”).

Alors pour partir du bon pied, je pense qu’il faudrait éviter que chacun vienne avec sa propre définition, en supposant que tout le monde a la même. C’est la recette de longues et douloureuses incompréhensions… Je n’ai pas non plus la naïveté d’espérer voir comme par magie tout le monde s’aligner sur une seule définition, si tant est que ce fut possible.

Il serait heureux de voir les premiers mois de cette communauté consacrés à un questionnement concerté. Nous rassembler autour d‘un grand débat national visant à définir ensemble à quoi ressemble cet “Impact” : qu’est-ce qu’un projet éthique ? L’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ? Je rêve d’entendre ceux qu’on ne met pas en doute, nous expliquer pourquoi, selon quelles dimensions, leur projet est éthique. Et aussi en explorer, à chaque fois, les limites ensemble. Ils aideront ainsi chacun d’entre nous à se positionner et à prendre mesure de son appartenance au mouvement #FrenchImpact.

Parlons-nous !

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Duc Ha Duong
l’avenir appartient

Entrepreneur, father, barbarian, dreamer, prospectivist, teal evangelist, optimistic, french-vietnamese, parisian, feminist, caretaker. Blind to legal fictions.