Social d’Après

Le confinement a ses victimes visibles : les bars, les commerces, la première ligne. Et malgré toutes les bienfaits des substituts numériques, l’effondrement du capital social fait aussi des victimes invisibles : les indépendants qui ne peuvent renouveler leur clientèle, les commerciaux qui perdent le lien avec leur marché, les entrepreneurs qui ne peuvent plus écouter leur écosystème … Puisque cette situation sanitaire est là pour durer, il nous faut réinventer de nouvelles manière de nous interconnecter, en plus petits groupes, avec plus de précautions, de traçabilité, de solidarité, d’altruisme.

Duc Ha Duong
l’avenir appartient
6 min readJan 25, 2021

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Alors que le troisième confinement se dessine, certains affûtent leurs arguments et se préparent à immoler leur coupable favori : le gouvernement, les big pharmas, le français moyen, les chinois, le lobby de la finance, la déforestation… D’autres se demandent combien de temps ils vont pouvoir encore survivre sans activité, sans revenu, sans contact. Cet article s’adresse à ceux qui ont encore la chance, les moyens de penser à demain avec un peu sérénité.

C’est sûr on ne nous dit pas tout !

Si nous voulons cesser d’être infantilisés et contraints par le haut, il nous appartient d’être nous-mêmes plus responsables et développer des mœurs plus adaptées à notre temps. On n’a pas eu besoin de faire une loi pour interdire la bise, nous avons collectivement abandonné cette pratique. On peut espérer aller plus loin dans une démarche volontariste sur d’autres pratiques porteuses de risque, comme les rassemblement sociaux.

En ces temps de pandémie, se rencontrer, même à 5 ou 6, n’est pas seulement une prise de risque individuel. On pense très vite bien sûr à ses parents âgés, à son conjoint à risque. Et avec un petit peu plus de recul, on réalise que c’est faire porter un mini-risque à toute la société. Nous sommes là face à phénomène de “longue traîne” : le phénomène global massif est le résultat d’un amoncellement considérable de tels mini-risques. Pour les réduire, l‘injonction de confinement, avec, pour ceux qui ne le respecteraient pas, une amende : vous faites du tort à la société, vous devez payer pour le compenser. Une solution moins qu’idéale bien sûr. Personne ne souhaite pousser la logique “pollueur=payeur” en mettant en place une “taxe sur les rencontres de personnes”. Cauchemar liberticide de sélection par l’argent.

Idéalement, nous arrivons à adapter nos mœurs, nos habitudes, pour que la rencontre apporte un bénéfice à la société supérieur au risque pris : c’est bien la logique qui nous invite à aller au travail mais pas au cinéma, à prendre la ligne 13 mais pas aller au musée. La frontière n’est évidemment pas nette dans le monde réel, et pris depuis l’hôtel de Matignon, les arbitrages ne peuvent qu’être imprécis. De nombreuses personnes dépendent de rencontres dont ils ne savent par avance si elles seront créatices de valeur, pour elles comme pour la société dans son ensemble. J’en fais partie. À nous de trouver les bonnes pratiques pour continuer, en conscience, à définir des conditions d’apport de notre savoir-faire qui soient compatibles avec le besoin accru de sécurité sanitaire.

Se connecter, c’est essentiel

Le premier réflexe est bien sur de restreindre le périmètre de nos rencontres. Le danger qui vient avec, la première victime de cette pratique, est la diversité. Rester en terrain connu, ne pas faire de rencontres nouvelles, signifie maintenir le statu quo, laisser chacun se consolider dans sa bulle et le monde se polariser encore plus, les inégalités s’accroître, les incompréhensions se radicaliser. Fermer les écoles s’est révélé le plus dramatique pour les élèves les plus démunis.

Pour compenser ce phénomène, je vous invite à revenir sur votre usage des réseaux sociaux. Abandonnez-les pour votre premier cercle : vos “amis” Facebook ne sont pas vos amis, même si vos vrais amis sont dans le lot, ce n’est pas à eux que vous écrivez. Pour eux, il y a Signal, il y a Whatsapp, et plein d’autres outils plus intimes. A la rigueur, un groupe privé, discret. A la place, vous pouvez voir votre réseau social favori comme un outil qui permet de redonnner à vos rencontres en groupe restreint, l’impact social d’une rencontre publique dans un séminaire, un vernissage, une inauguration.

La méthode est très simple : parlez de vos rencontres ! Sans chercher particulièrement à rencontrer de nouvelles personnes, et en prêtant une attention sincère au besoin de sécurité de votre entourage. Dites-nous ce qu’elles cherchent, ce qu’elles peuvent offrir. Vous créerez ainsi la transparence, les opportunités de connexion qui vont permettre à nos diverses bulles de rester en lien. Créer plus de connexions porteuses de sens, dans l’esprit “Pay it forward” de notre chère tribu des éco-workers, avec Agathe, Fabienne, Claire-Emilie… et bientôt vous, cher lecteur ? En bonus, vous aurez la conscience plus tranquille de n’avoir pas fait votre rencontre en cachette, d’en prendre publiquement la responsabilité.

Restez connecté !

Le conseil a l’air simple, voire un peu neuneu ? Ne vous y trompez pas. Je ne vais pas vous le cacher, j’ai essayé, c’est malaisant. Particulièrement parce qu‘avec la fermeture des lieux publics, les rencontres se font dans les domiciles privés des uns et des autres, ce qui est très intime. Déjà, j’ai la chance d’être assez proche de mes clients, partenaires, et contacts réseau pour pouvoir lancer une telle invitation. Sauf que, si mes clients sont mes amis, quand il sont à la maison, ils y entrent dans le rôle “ami”, et leur proposer un selfie pour mettre sur Facebook ou LinkedIn les fait glisser un moment dans le rôle “client”, et il s’en produit une gêne indescriptible. Comparez simplement les deux invitations suivantes :

“Je t’invite à déjeuner à la maison”

“Je t’invite à déjeuner à la maison et on fera un selfie pour le dire à tout le monde”

Ce n’est pas le même effet n’est-ce pas ? La conscience de l’enjeu social tue le charme, le naturel de la rencontre. Difficile de l’assumer. On préfère ne pas en parler, le faire quand même, et laisser les plateformes et leurs algorithmes se saisir de notre exposition de vie privée donnée inconsciemment, pour son propre intérêt…

En fait je crois que c’est là que commence la reconquête de notre souveraineté sur notre vie privée. Tant qu’on n’a pas adopté cette posture qui consiste à prendre pleine conscience de notre exposition, et apprendre à l’utiliser avec toutes ses nuances, rien ne sert de quitter les GAFAM, on ne pourra qu’aller de dépendance en dépendance.

Alors, l’idée vous plaît ? Pour ma part je m’engage, une fois par semaine, à partager sur Facebook et LinkedIn les noms de personnes que j’ai rencontrées, avec le hashtag #Socialdaprès. En espérant que ces bouteilles à la mer pourront, par sérendipité, générer de nouvelles connexions créatrices de sens et de valeur.

Et vous, vous sentez-vous prêt à remettre un peu de transparence en pleine conscience ? Partager un peu votre réseau ? Comment comptez-vous vous y prendre, en pratique ?

On est bien mais à qui sont ces mains ?

Merci la Officience Creative Tribe. N’hésitez pas à les contacter de ma part !

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Duc Ha Duong
l’avenir appartient

Entrepreneur, father, barbarian, dreamer, prospectivist, teal evangelist, optimistic, french-vietnamese, parisian, feminist, caretaker. Blind to legal fictions.