La Fontaine — Marcel Duchamp — 1917.

Le trône du Kosovo

Edon Duraku
l’edoniste
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10 min readJul 3, 2017

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Si la politique au Kosovo devait se résumer à une œuvre artistique ce serait la Fontaine de Marcel Duchamp. Et même si cet urinoir est bien trop immaculé pour la représenter fidèlement, il possède l’avantage d’avoir été signé au nom de Mutt, ce qui signifie littéralement merde en albanais. Je ne crois pas que cela eut été un hasard, tout porte à croire qu’il y a de cela 100 ans, Duchamp allait réaliser une œuvre prémonitoire dédiée au Kosovo. L’artiste ne se doutait cependant pas de l’ampleur de l’œuvre qu’il avait accomplie. Jamais il n’aurait imaginé que la politique au Kosovo allait être à ce point engloutie par les défécations des élites politiques, atteintes de gastroentérite après la guerre et se précipitant tour à tour, pour déverser leurs selles dans cette grande fosse septique qu’est devenue la scène politique du Kosovo.

Ça va encore puer !

Ne vomissez pas tout de suite, nous n’en avons pas terminé avec la matière fécale qui accompagne si fidèlement ce pays. Pour la suite de la lecture, je vous conseille de vous munir d’un sceau vide que vous déposerez à une distance raisonnable pour vos rejets alimentaires. Les ambassadeurs américains ont par ailleurs très bien compris sur quelle matière première travaillent majoritairement les politiques du Kosovo. L’ambassadrice américaine Tracey Ann Jacobson avait sommé les politiciens albanais, dans leur propre langue pour qu’elle soit sûre de se faire comprendre, de ne pas chier sur le travail. Mos e dhini punen avait-elle dit. Ce qui signifie plus poliment : « ne gâchez pas le travail ». Son prédécesseur, Christopher Dell, que j’ai décidé d’appeler ici le pisseur de la démocratie, tout aussi clairvoyant que Jacobson, choisi d’adopter un comportement plus semblable aux élites politique du Kosovo. En 2011, il tentait d’influencer le vote des députés en leur envoyant des SMS pour l’élection présidentielle. Le pisseur ne s’arrêta pas à ce premier jet, sa vessie éléphantesque se préparait à évacuer un torrent. Lors de son investiture (2009–2012), le gouvernement du Kosovo mandata deux entreprises pour construire la première autoroute du Kosovo. C’est l’américain Bechtel et le turc Enka qui obtinrent le mandat. L’addition devait s’élever à l’origine à 400 millions d’euros mais en coûta finalement 800, soit plus de la moitié du budget du Kosovo. Enfin, le miracle eu lieu après le mandat du pisseur, lorsque celui-ci fut directement promu au conseil d’administration de Bechtel. Ah la saveur de la pisse américaine, n’est-ce pas une pure pisse d’or ? Prenez maintenant le seau et vomissez !

Ibrahim, il ne fallait pas tant fumer

Il est nécessaire, pour la suite de cet article, de vous présenter les principaux partis politiques responsables du chaos régnant au Kosovo. Il y a dans un premier temps le plus ancien parti du Kosovo : la Ligue Démocratique du Kosovo (LDK), dont le président fut Ibrahim Rugova. La LDK dominait la scène politique jusqu’à la mort de ce dernier en 2006. Après cela, le parti sera divisé par ceux se considérant comme les héritiers spirituels de Rugova. Onze ans après sa mort, certains pensent toujours que la LDK suit l’idéologie de Rugova, que celui-ci veille sur eux dans l’au-delà, les guidant vers les chemins de la connaissance et de la vérité. Mais la LDK est depuis longtemps entré dans les magouilles de son successeur, du plus infâme parti du Kosovo : le PDK. À sa tête, son cou et ses pieds : Hashim Thaçi, dit le Serpent. Ce dernier accumule le poste de premier ministre, de vice-premier ministre, de président, et accessoirement de plus grand mafieux du Kosovo. La LDK et le PDK étaient les deux principaux opposants politiques du Kosovo. Cependant, avec l’arrivée progressive du Mouvement Autodétermination (LVV), ces deux partis ont préféré former une coalition et gouverner ensemble. Quant à l’opposition, elle est formée par le Mouvement Autodétermination, le AAK sur lequel je reviendrai plus tard, et le parti NISMA.

Résultat des élections législatives au Kosovo en 2014.

Voici maintenant un petit bilan du travail effectué par la coalition PDK-LDK depuis 2014. La liste ci-dessous n’est évidemment pas exhaustive.

· Plus de 100'000 personnes fuient le Kosovo pour chercher du travail.

· Tentative d’ingérence de la Serbie par l’association des communes serbes.

· Démarcation de territoire offrant plus de 8'000 hectares au Monténégro.

· Construction d’un mur à Mitrovica séparant Albanais et Serbes.

· Des appels sur écoute du chef du groupe parlementaire du PDK, Adem Grabovci, révèlent que celui-ci place des membres de son parti dans les institutions du Kosovo.

· Arrestation massive des activistes du Mouvement Autodétermination (LVV).

· Introduction brutale et illégale de la police dans les locaux du Mouvement Autodétermination (LVV).

· Le gouvernement tente d’anéantir le LVV en l’accusant de terrorisme.

· Mort suspecte en détention provisoire d’Astrit Dehari, activiste de LVV.

· Pays le plus corrompu en Europe selon Transparency International.

· Pays le moins libre selon Freedom House.

· Pays dont les performances scolaires sont les plus basses selon le rapport PISA.

· Échec diplomatique concernant la reconnaissance du Kosovo par l’UNESCO.

· Élections de Hashim Thaçi comme président alors que des centaines de policiers et de snipers surveillent les milliers de manifestants au Parlement.

Cette législature a également été marquée par un grand nombre de manifestations organisées par l’opposition. Enfin… opposition est un bien grand mot car le AAK et NISMA n’ont pas la moindre idée de ce que représente une manifestation. Ils se sont en effet simplement cachés derrière le LVV, profitant de l’occasion de contester pour contester. Ils sont dans l’opposition et ils s’opposent au fait qu’ils ne soient pas dans le gouvernement.

Valseurs et valseuses

Le gouvernement de coalition PDK-LDK a été le pire qui ait gouverné le pays depuis la fin de la guerre. Quoi de pire que de voir s’allier des criminels à des incompétents au sein d’un gouvernement ? En réalité, le Kosovo n’a peut-être pas encore échappé au pire, nous verrons cela très bientôt. Dans l’incapacité de diriger le pays, le gouvernement est dissout le 10 mai par une motion que le parti NISMA fait signer à la majorité des députés. Cette motion sera, j’en suis sûr, retenue dans l’histoire, non pas du Kosovo, mais du parti NISMA comme étant le seul acte politique sérieux qu’ils aient accompli de leur vie. Les élections sont très vite fixées au 11 juin. Le 17 mai, c’est la stupéfaction : le AAK et NISMA décident de se présenter aux élections en faisant liste commune avec le PDK, parti contre lequel ils s’étaient opposés depuis 3 ans. La coalition se fait très vite appeler PAN (1). En hommage certainement aux coups de feu tirés par Hashim Thaçi et son acolyte Kadri Veseli pour éliminer leurs opposants politiques et militaires pendant et après la guerre du Kosovo.

PAN-PAN CUL-CUL la chanson. Spéciale dédicace à Hashim et Kadri.

Rambo au pays des bovins

Le PDK avait bien préparé le terrain, travaillant dans l’ombre comme à son habitude. La motion signée par NISMA avait donc été montée de toute part. Mais comment le PDK est-il parvenu à convaincre le AAK de se joindre à la coalition ? Sans vouloir tomber dans le piège conspirationniste du type des sophistes d’égalité & réconciliation, je vais ci-dessous exposer des faits que je vous laisse interpréter comme bon vous semble. Avant cela, il convient toutefois de vous présenter un personnage clé de cet article : Ramush Haradinaj, fondateur de son parti le AAK, qu’il préside depuis sa création. Ramush est un ancien combattant très respecté au Kosovo. Surnommé parfois Rambo, il est connu pour sa vivacité d’esprit et pour l’immense bagage que constitue son vocabulaire onomatopéique. Ne le sous-estimez pas, en cliquant sur ce lien, vous pourrez voir à quel point son imitation de la vache est réussie. Parvenir à placer un beuglement pour répondre à une question politique, relève du génie. Au début, je me suis dit qu’il empocherait deux ou trois-cent euros d’un pote lui ayant lancé ce défi. Après coup, je me suis demandé s’il n’était pas tout simplement idiot. J’ai préféré opter pour la deuxième proposition. Le rêve de Rambovin, (ce surnom lui convient mieux ne trouvez-vous pas ?) c’est être premier ministre. Quand il sera sur le trône, tous les problèmes du Kosovo s’envoleront grâce à son aura enchanteresse. Voici ce qu’il propose pour améliorer les rapports avec la Serbie : il faut être ferme et dire aux serbes que ce qu’ils font au Kosovo n’est pas bien, que c’est injuste et que s’ils continuent bah on sera pas content. Levez-vous et applaudissez ! Le véritable problème de Rambovin c’est qu’en plus de se prendre pour Achille, il se croit tout autant être Ulysse. Si un jour on pouvait seulement lui dire : Rambo, laisse Ulysse fabriquer son cheval et va-t’en imiter les vaches avec ce troupeau au loin ! Au fond de moi, j’ai véritablement de la peine pour Rambovin et tous ceux qui, comme lui, n’existent que par la guerre. Parfois la nuit je prie pour qu’une nouvelle guerre éclate au Kosovo, uniquement dans le but que ces bonhommes puissent se sentir un jour à nouveau utiles.

Mais comment le PDK est-il parvenu à convaincre Rambovin ? Pour cela, Il faut noter que ce dernier avait été accusé de crime de guerre par le tribunal pénal international. Il fut jugé et acquitté à la Haye en 2008. Cependant, le 4 janvier 2017, il est arrêté par la police française à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, sur la base d’un mandat d’arrêt émis par la Serbie. Il est finalement libéré le 27 avril. Voici un petit rappel du calendrier : le gouvernement est dissout par la motion de NISMA le 10 mai, la coalition PAN-PAN CUL-CUL est formée le 17 mai et Rambovin devient le candidat au poste de premier ministre de la coalition. Il est libre à vous maintenant d’interpréter les faits que je vous expose ici, j’aimerais juste ajouter une petite information que j’ai obtenue d’une source sûre : Hashim Thaçi connaît par cœur le numéro de téléphone de son homologue serbe Aleksandar Vučić.

11 juin

Sur l’image ci-dessous vous pouvez voir que la LDK décide également de se présenter aux élections dans une liste commune avec deux autres petits partis, AKR et Alternativa, formant ainsi la LAA. Quant au Mouvement Autodétermination, il se présente seul. La campagne électorale commence sur les chapeaux de roues. La LAA et PAN-PAN CUL-CUL ont les jambes tremblantes face à un LVV qui domine tous les débats avec une facilité déconcertante. Ces deux coalitions ne font pas le poids face à un Mouvement qui s’est construit progressivement autour d’un programme social-démocrate, alors que les premiers s’allient uniquement dans l’optique de gouverner et ceci sans un programme politique commun. Le PDK refusera même de participer aux débats télévisés, tant que les chaînes ne leur offrent un temps de parole deux fois supérieur au LAA et trois fois supérieur au LVV. De plus, il n’y a pas eu de débats entre les trois candidats au poste de premier ministre : Albin Kurti (LVV), Avdullah Hoti (LAA) et Rambovin (PAN-PAN CUL-CUL). Ce dernier, dont les déclarations plates et stupides ne se comptent plus, refusait de débattre avec ses deux concurrents, car ils sont selon lui, d’un niveau intellectuel inférieur au sien.

Les élections ont finalement lieu le 11 juin. Les résultats préliminaires sont publiés. Le PAN-PAN CUL-CUL est premier, suivi par le LVV et la LAA. Cependant, le LVV est le grand vainqueur de ces élections. En doublant son score, le Mouvement obtient 32 sièges au Parlement et devient par la même occasion, la première force politique du Kosovo. Alors que PAN-PAN CUL-CUL et la LAA devront se partager les sièges en fonction du résultat des députés dans les listes communes. Les résultats sont pourtant amers pour PAN-PAN CUL-CUL qui pensait dépasser la barre des 40%. Les résultats définitifs tardent à venir. Alors que bientôt trois semaines sont passées depuis les élections, les informations parviennent au compte-goutte. La commission électorale (KQZ) s’excuse de ce retard prétextant les mauvais résultats du Kosovo dans le rapport PISA 2016. En effet, la commission a eu beaucoup de mal à recruter des inspecteurs sachant compter jusqu’à 750'000. Enfin les résultats définitifs, disponibles ci-dessous, sont finalement publiées le 29 juin.

Résultats des élections législatives 2017.

Le trône

La coalition PAN-PAN CUL-CUL se trouve ainsi dans une position très délicate pour pouvoir former un gouvernement, car le LVV et la LAA se sont prononcés en défaveur d’une alliance avec celui-ci. Le LVV semble le plus en faveur de former un gouvernement de coalition avec la LAA. Il est cependant techniquement possible que la LAA rejoignent le PAN-PAN CUL-CUL comme par le passé. Cela semble invraisemblable, mais en matière de politique au Kosovo, tout est plausible tant qu’il s’agit de se battre pour le trône. Un trône dont vous imaginez bien n’est plus un trône de fer, mais un trône à étron de la série télévisée Game of étrons, qui dure depuis 18 saisons au Kosovo. Il est enfin temps pour le Mouvement Autodétermination de s’emparer de ce trône afin de tirer la chasse une bonne fois pour toutes.

Les pires toilettes d’Écosse dans le film : Trainspotting de Danny Boyle, 1996.

NB : Je suis heureux de vous avoir fait lire mon article. Si vous n’avez pas aimé, ne me dites juste pas que c’est de la merde, je risque de prendre cela pour un compliment. Enfin, mis à part le nom de scène du rappeur Gold AG, tout est faux dans la description de l’article sur ma page Facebook.

  1. La coalition PAN est en réalité composée de 12 partis différents. Le PDK, le AAK et NISMA sont naturellement les plus grosses structures de cette coalition.

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Edon Duraku
l’edoniste

“Enfant fou qui décapite des mouches mais à qui on met du scotch sur la bouche…” edoniste.com