L’histoire de l’amour… avec mon papa (suite)

Radu Mihaileanu
L’histoire de l’Amour
3 min readApr 5, 2015

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Je continue l’histoire comméncée la veille. Tout ça pour vous dire qu’il m’est impossible de commencer un tournage sans lui. A chaque fois, il arrive quelques jours à l’avance, ayant préparé un discours qu’il nous fait partager devant la caméra avant ce premier clap. Inutile de vous raconter qu’au moment où on se met d’accord sur la période de son séjour, il dit: “Ah bon, je ne reste qu’une semaine ? La dernière fois je suis resté trois semaines…” Il est toujours resté une seule semaine. Mais son désir de faire plus longtemps partie de la fête me touche. Lors de son séjour, il vient tous les jours sur le tournage, parle à tout le monde, surtout aux belles femmes, actrices d’abord (salut Leila, Mélanie, Miou, Yael, Agathe…). Qu’il fait beaucoup danser aussi lorsqu’il y a une fête.

Le voici sur ces photos sur le tournage du Concert, qui a débuté à Bucarest, et de La Source des Femmes, qui s’est entièrement déroulé au Maroc. Comme nous tous, il a vieilli entre les deux. Aussi, entre les deux films, il est tombé, s’est cassé le col du fémur, mais il s’est remis sur pied muni d’une volonté incroyable (pour être présent à la Cérémonie des César où Le Concert a eu la chance d’avoir plusieurs nominations). Cette chute a quand même diminué sa capacité de se déplacer. Alors, comme j’étais inquiet concernant son déplacement dans le village marocain, très escarpé, les machinistes — je ne les remercierai jamais assez — ont construit une chaise à porteur. Comme un pharaon, il se déplaçait d’un lieu de tournage à un autre (on tournait dans environs trois lieux différents par jour) ou à la cantine sur ce trône. Il était, comme toujours, le chouchou du film.

Depuis quelques années il ne voit plus suffisamment pour lire. C’est le drame de sa vie. Je connais peu de gens aussi cultivés, ayant autant lu. On avait peur qu’il allait défaillir. Mais cet homme aime tellement la vie. Il a remplacé la lecture par une écoute permanente de la musique. Mais cette faiblesse due à l’âge me prive maintenant de sa lecture, jadis si précieuse.

Aujourd’hui sa venue pour le premier jour de tournage est plannifiée. Il est fou de joie, il m’en parle depuis des mois. Nous commençons à tourner à Montréal (qu’il n’a jamais visité) le 11 mai. Il va arriver le 9 mai, dans l’espoir qu’il puisse en deux jours absorber le décalage horaire de six heures. Je vais essayer de vous faire part de l’aventure de son voyage, étape par étape. Car ce voyage, cet acte de venir à chaque fois, de bénir d’une certaine manière mes films, de me transmettre son énergie et son esprit, et, qui sait, celle qu’il a hérité de ses parents et de tous ceux qu’il a rencontré dans sa riche vie, est pour moi un si grand acte d’amour…

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