Design comportemental

Influencer le comportement par le design

Marie Leroy
La Boussole des designers
4 min readMay 7, 2021

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En 5 secondes, kézako ?

  • Une approche de la conception qui découle des théories du changement de comportement
  • Régulièrement utilisée dans le domaine de l’écologie, cette discipline peut être appliquée de manière plus ou moins directive envers le comportement des usagers
  • Les différents modèles applicatifs du design comportemental peuvent être regroupés selon trois niveaux d’analyse du comportement : “individual”, “contextual” et “middleground”

Qu’est-ce que le design comportemental ?

Le design comportemental est une approche de conception qui s’intéresse à la façon dont le design peut être utilisé pour influencer ou façonner le comportement humain.

Origines

Dans son ouvrage The Sciences of the Artificial publié en 1969, Herbert Simon, théoricien de la rationalité limitée, admet la capacité du design à convertir une situation existante en une situation préférable. Les travaux de recherche de Donald Norman dans les années 1980, dont son célèbre livre The Design of Everyday Things, introduisent auprès des designers les concepts de psychologie environnementale et de cognition située qui ont mené à la définition des principes fondateurs de l’expérience utilisateur, comme l’affordance. Par la suite, les modèles qui se sont inspirés de l’approche de Norman sont devenus plus explicites quant à l’influence sur les comportements des utilisateurs.

Théories du changement de comportement

Le design comportemental tire sa source des théories du changement de comportement. Ces théories cherchent à expliquer pourquoi les comportements changent. L’application de ces théories se retrouvent en particulier dans le domaine de la santé, mais elles se voient de plus en plus utilisées dans le cadre des enjeux sociaux et environnementaux.

À travers ses recherches, Dr Kristina Niedderer, professeure de design à l’université métropolitaine de Manchester, identifie trois niveaux d’analyses du comportement chacun se basant sur différentes thèses :

1. “Individual” : ce modèle dominant défend qu’un individu prend des décisions uniquement avec un intérêt personnel et rationnel. Les modèles qui en ressortent cherchent directement à influencer le comportement de l’individu.

2. “Contextual” : les comportements sont considérés comme des conséquences des normes sociétales maintenues en place par les structures sociales dans lesquelles l’individu vit. Les modèles qui en ressortent cherchent à changer l’environnement et ainsi influencer le comportement de l’individu.

3.“Middleground” : un troisième niveau d’analyse émerge et fait médiation entre l’agentivité individuelle et l’approche contextuelle.

Catégorisation des différents modèles de théories comportementales et leurs applications

Comment l’utiliser dans le domaine de l’écologie ?

Le design comportemental est une technique qui peut être utilisée en éco-design. Aujourd’hui il sert notamment à encourager la transition vers des modes de consommation plus soutenables. On le retrouve dans les domaines de la consommation énergétique, de l’alimentation ou encore des transports. Étant donné la complexité de ces problématiques, il est possible de mobiliser plusieurs modèles à la fois. Nous listons ci-dessous trois exemples de visions, chacune correspondant à un des trois niveaux d’analyse.

Sensibiliser par le feedback (individual)

Il est possible d’éduquer et de sensibiliser les consommateurs en mettant en place des feedbacks visuels ou sensoriels permettant de révéler l’invisible aux usagers (modèle de Loughborough). Par exemple, donner la possibilité à un individu de visualiser l’impact de sa consommation énergétique sur l’environnement peut l’encourager à la réduire. Additionnellement à ce type de feedback, les contraintes et les affordances ont un fort impact sur le comportement d’un individu. Un simple bouton plus visible et mieux placé sur un radiateur peut pousser l’usager à l’éteindre plus régulièrement.

Inviter au changement avec un “coup de pouce” (contextual)

Cette seconde approche se focalise sur les changements qui peuvent être effectués au niveau d’un système et qui conduisent à la décision individuelle. La théorie du “nudge” correspond à la mise en place de petites interventions dans l’environnement de l’usager visant à influencer son comportement dans un sens. Il existe différentes techniques de nudge, l’une des plus connues étant de définir une option par défaut. Une expérience menée par les chercheurs Daniel Pichert et Konstantinos Katsikopoulos démontre que, dans un contexte de choix entre deux fournisseurs d’électricité, les consommateurs sont plus susceptibles de sélectionner celui fournissant une électricité verte si cette option est définie par défaut.

WWF utilise le nudging pour inciter les usagers à utiliser moins de papier

Encapaciter l’utilisateur (middleground)

Enfin, il est possible de se concentrer sur le changement de comportement de l’individu en considérant les contextes sociaux, culturels et environnementaux dans lesquels il évolue. Le “Mindful Design” s’oppose aux approches persuasives traditionnelles en proposant à l’usager des outils de prise de conscience aboutissant à un choix responsable. Il s’agit donc ici d’encapaciter l’usager en lui donnant accès à l’ensemble des informations dont il pourrait avoir besoin pour effectuer un choix éclairé.

Conclusion / réflexions

Dans le milieu du design, la question du changement des comportements est omniprésente. Que son utilisation soit consciente ou inconsciente, elle soulève des questions éthiques quant au rôle du designer. Si l’acte de designer n’est pas neutre, n’est-il pas du rôle du designer de connaître et comprendre l’impact de ses travaux sur le comportement des utilisateurs ?

Nos fiches synthétiques ont pour objectif d’ouvrir le débat. N’hésitez pas à laisser vos remarques, compléments, corrections, idées, etc. en commentaire !

Vous pouvez également nous contacter : boussoledesdesigners@gmail.com

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