[Bordeaux- Nicolas Calvo] 3/3 « La confiance à tout prix et à priori ».

Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions
7 min readJul 28, 2017

Dans cette dernière partie, Nicolas nous parle de sa période d’inconnu après avoir quitté son travail de comptable . Il nous délivre ses valeurs, ses rêves pour la suite, ses questionnements sur la société. Il nous donne quelques clés qui lui ont permis de se transformer lui-même et d’être la personne qu’il est aujourd’hui.

Qu’est-ce qui est important pour toi ?

La confiance. J’ai tendance à dire « la confiance à tout prix et à priori ».

Je préfère accorder de la confiance à une personne, plutôt que de continuer à entretenir de la méfiance envers les autres.

Ça peut paraître un peu bisounours, mais pour moi c’est extrêmement confortable de vivre comme ça. On se complique beaucoup la vie. La confiance est un chemin de tous les jours. Rester vigilant à chaque instant est essentiel pour ne pas retomber dans le piège de la méfiance.

Une autre chose importante pour moi : l’humour. Pouvoir rigoler en toute simplicité est essentiel car la vie est un jeu. Croquer la vie à pleine dent sans trop se prendre au sérieux.

Qu’est-ce que l’on n’apprend pas à l’école ?

A l’école on devrait désapprendre certaines choses comme faire des reproches, juger, critiquer les autres ou encore mettre des étiquettes aux gens comme on le fait pour nos t-shirts. Nous perdons beaucoup trop de temps et d’énergie à nous dénigrer les uns, les autres. Nous avons de grosses lacunes en matière de communication. On devrait apprendre à vivre nos émotions et non à les refouler pour mieux en faire un cadeau aux autres.

Réapprendre aussi à se raconter autrement. Par exemple : la première chose que l’on demande à une personne que tu ne connais pas c’est : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ».

Et si on remplaçait cette première question par une autre « Qu’est-ce qui fait que tu es là ? Quelle est ton histoire ? »

C’est plus beaucoup puissant et profond comme question.

Et pour finir, je dirai que nous devons absolument apprendre à se donner de l’empathie. Nous avons tous besoin d’empathie, surtout dans des moments difficiles et malheureusement, nous avons trop peu d’espace d’attention pour parler de cœur à cœur de ses moments fragiles et si précieux.

Que penses-tu de la culture du résultat ?

On s’attache tout le temps au résultat que l’on va produire, et c’est souvent au détriment du lien et de la connexion que l’on a entre nous. A trop focaliser sur un résultat, on en oublie tout ce qu’il a à côté! Comme si finalement, on avançait avec des œillères sans prendre le temps de savourer le paysage. Dans mon cas, si j’étais resté fixé sur un résultat avec le cancer de ma mère, je n’aurais jamais profité de ma famille comme je l’ai fait.

Quelle question t’a fait changer ta vie ?

« Est-ce que tu veux avoir raison ou être heureux ? »

Car en ayant raison est-ce que tu es heureux pour autant ? Et si tu as raison, c’est que l’autre à tort. Il y a encore une notion de gagnant et de perdant, qui continue d’alimenter de l’animosité entre nous et de la dualité. Est-ce que cette manière d’être et de faire est vraiment utile pour nous? Les conséquences sont parfois tragiques et c’est aussi l’une des sources principales de nombreuses guerres.

Nous avons tous cette croyance que « Le monde est dur, il faut être fort ». Avons-nous vraiment besoin d’être fort dans ce monde pour s’en sortir? J’ai très souvent entendu qu’un homme ne devait pas pleurer, un homme c’est fort! Alors que, la beauté de qui nous sommes est au cœur de notre fragilité. Pleurer c’est être vivant pleinement. Nous allons tous mourir et nous vivons comme si nous étions déjà mort en retenant la vie qu’il y a en nous au lieu de la faire circuler.

Qu’est-ce que tu adores dans l’humain ?

Je m’aperçois constamment que l’on apprend beaucoup sur soi au travers des autres. C’est cela que j’aime. Même si on n’a pas le même point de vue, le fait de pouvoir embrasser le point de vue de l’autre est d’une puissance extraordinaire.

C’est très intéressant à expérimenter. J’adore m’ouvrir aux autres pour apprendre la vie avec eux. J’aime beaucoup la richesse que peut apporter l’autre quand bien même on n’est absolument pas d’accord.

Comment tu as fait pour te lancer dans l’inconnu dans le cadre de ta rupture de ton travail ?

J’avais envie de me mettre en danger, j’ai eu une enfance facile et heureuse, et mes parents m’ont toujours protégé et aidé quand j’en avais besoin. J’avais cette idée en tête d’explorer la vie autrement.

Ce qui s’est passé avec ma mère a été une expérience extrême et très intense émotionnellement. C’est la plus belle expérience de toute ma vie. Et j’ai eu la chance de pouvoir la vivre pleinement auprès de ma famille.

Le fait de partir de rien m’a fait vivre des moments où j’ai eu énormément peur. Ce qui est encore le cas de temps en temps aujourd’hui. Mais j’accepte cette situation car je l’ai choisi en conscience. L’insécurité faisait partie du jeu. Je me suis matraqué pendant longtemps en me disant « Tu es en train de faire n’importe quoi, là Nico arrête tout ».

J’ai eu de grosse remise en question et je me suis construit avec ça. Ce que je voulais c’est être en paix avec moi et continuer d’apprendre encore et encore. C’est ça qui me porte !

Maintenant, je ne me bats plus avec ce que me propose la vie. Je compose avec elle. Je fais avec ce que la vie m’offre chaque jour. Si je m’étais mis à combattre l’arrivée de la maladie de ma mère, je me serais détruit.

Très, très vite je me suis dit.

« Comment je peux faire pour vivre avec cette situation ? Comment je peux faire pour la sublimer ? »

Pour pouvoir la sublimer, il a fallu que j’accepte la situation et que je donne du temps à ma mère et à sa maladie et de lui dire combien je l’aime et que sa vie est précieuse pour elle et pour moi. La maladie de ma mère a transformé notre vie familiale et personnelle, nous avons vécu dans une bulle d’amour inconditionnel infini.

La vraie vie c’est d’arrêter de se battre contre ce qui est. La réalité est comme ça, c’est une expérience. Par contre, tu peux agir pour essayer de sublimer cette réalité et en faire quelque chose qui va être plus doux, bon et beau pour toi (et ceux qui t’entourent).

Quels sont tes rêves pour la suite ?

Développer des ateliers/formations pour faire vivre des expériences aux gens au travers de la communication non violente et des outils issue de l’intelligence collective, je trouve que c’est fondamental. On est souvent très maladroit dans notre manière d’interagir entre nous et cela peut avoir des conséquences graves.

Je n’ai pas cette prétention de changer le monde. J’ai juste des choses qui me font vibrer comme le fait de travailler différemment et en bonne intelligence ensemble. Cela peut paraître très utopique, mais la réalité de mon expérience fait que ces deux choses (la communication et le faire ensemble) ont transformé ma vie.

Et je pense que si cela a changé ma vie, cela peut aussi changer la vie d’autres personnes. C’est l’envie d’(ess)aimer qui me porte.

Une dernière chose à dire au monde ?

On ne dit pas assez aux gens qu’on aime qu’on les aime. Révéler au grand jour ces sentiments pour les laisser vivre et agir sur notre environnement.

Il n’y a rien de plus beau dans la vie que de faire des choses ensemble en toute simplicité et authenticité. On ne pourra pas tous s’entendre mais on peut au moins essayer de communier ensemble (mettre en commun). Dans la vie, on aura toujours des obstacles et des barrières alors autant créer des ponts pour les accueillir dans la joie et l’amour.

C’est ce que j’ai appris de mon parcours de vie.

Je voudrais également te remercier Pierre, car j’ai passé un moment délicieux avec toi et mon histoire. Tu m’as fait un beau cadeau!

Et si tu me le permets, j’aimerais dédier cette interview à ma maman, qui est partie rejoindre la lumière il y a 6 mois. Sans elle, nous ne serions pas devenu qui nous sommes aujourd’hui, papa et moi! Merci à l’infini! ❤

Retrouver les deux autres parties du portrait de Nicolas Calvo sur La Fabrique des Solutions, vous pouvez interagir directement avec lui via son Twitter et son blog.

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Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions

Passionné par l’ #ESS #educationpopulaire #innovationsociale, #sharingeconomy @pfbaloo.