Le silence : une source de joie et de retour à l’essentiel.

Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions
6 min readAug 17, 2018

Le silence peut faire peur dans ce monde où nous avons besoin d’être rapidement informé, mis en réseau, échanger, avoir de nouvelles relations. Et pourtant il est très bénéfique pour se recentrer. Voici mon récit de mon expérience d’une semaine passée en silence dans un lieu et fantastique : Taizé. C’est un lieu propice à l’intergénérationnel, l’inter convictionnel et l’interculturel. J’y suis resté la dernière semaine de juillet 2018. Nous étions plus de 2500 personnes venant de plus de 60 pays du monde dont une vingtaine en silence.

Le silence, un choix personnel pour répondre à un besoin de recentrage.

Les derniers mois ont été compliqués personnellement suite à des difficultés professionnelles et personnelles. J’ai vécu des situations de violence et de non communication. Cela a entraîné une perte de confiance en soi, un sentiment d’orgueil exacerbé, une peur des relations sociales et une perte de sommeil. Bref les premiers symptômes de l’épuisement professionnel.

Ces situations ont provoqué un abattement, un découragement et une solitude contrainte. Je n’étais plus moi-même. J’ai dû entamer une période de repos pour retrouver un rythme physiologique, une nourriture saine…

La semaine de silence a été un choix et une réponse à cette situation. J’avais besoin de repos, de calme, de recentrage.

Un lieu, une communauté revenait sans cesse à mon esprit, un rêve de 5 ans allait enfin devenir réalité : Taizé.

Taizé, un haut lieu de spiritualité chrétienne, de simplicité et de joie.

Mais qu’est-ce que la communauté de Taizé ?

C’est un village en France situé entre Mâcon et Chalon sur Saône, sur une petite colline, longé par de magnifiques campagnes et vallées. Un lieu reposant et calme. C’est aussi une communauté de frères chrétiens œcuméniques (catholique, orthodoxe et protestant), unique dans le monde chrétien.

Née il y a 70 ans, les valeurs de cette communauté sont la simplicité, la joie et la miséricorde. Taizé incarne les symboles de l’ouverture, de la diversité, du non jugement et de la spiritualité.

Qui que vous soyez (croyants ou non), vous êtes les bienvenus. Les retraites hebdomadaires qu’elles soient en silence ou non rassemblent plusieurs dizaines de personnes. Durant l’été ce chiffre peut atteindre 3000 personnes environ de tous les continents.

Taizé est marqué par les chants qui sont des mantras chrétiens. Ils sont connus partout dans le monde des chrétiens. Chantés lors des 3 prières quotidiennes, ils sont en alternance avec des moments de silence et d’écoute biblique.

Lorsque 2500 personnes du monde entier chantent ensemble à l’unisson, cela donne frissons et émotions, que l’on soit croyant ou non. Certains prendront ce temps pour prier, d’autres méditerons, d’autres feront (toute) autre chose. Ces temps sont favorables pour se reconnecter, à ce qui nous entoure, à soi et à l’essentiel.

Qu’est ce qui marque à Taizé ?

Source Saint Etienne

La beauté du lieu : Il n’y a rien de plus reposant que de prendre le temps et d’admirer un paysage rempli de forêt, de campagne.

La simplicité : C’est un lieu plein de nature, de spiritualité et de bâtiment d’époque avec toutes les commodités. En une semaine, je me suis coupé de tout moyen de communication. Un retour à l’essentiel qui permet de se reconnecter pleinement au vivant qui est en chacun d’entre nous.

La joie : Taizé est un lieu où l’on rencontre le monde entier. La joie de la rencontre est permanente. Le plaisir de partager des bœufs musicaux avec des personnes de tous pays, de participer à des débats sur des sujets de société. Mais également des moments d’ateliers collectifs de relecture de vie. A Taizé nous prenons le temps de vivre, de réfléchir et de s’amuser.

Oyak : la meilleure buvette du monde où la fête règne tous les soirs autour d’instruments de musique, de chants, de danse.

La diversité, les rencontres :

À Taizé, il n’y a pas besoin d’avoir de masque, de préjugé, de barrière. Tout est fait pour faciliter l’échange, la rencontre vraie avec des personnes inconnues à travers les différentes activités : les services à la communauté, les workshops, Oyak, les repas, les temps de prières et tous les moments informels.

Le regard des autres est absent de tout préjugés fait rare dans notre société. Cela permet d’aller directement dans des échanges inspirants. Il y a aussi une règle principale : Pas d’objectif, rien à planifier, rien à attendre, pas de challenge, juste à lâcher prise.

Nous choisissons d’être simplement nous. Nous venons avec notre histoire, notre vie, nos doutes, nos joies… L’expérience, les rencontres de la semaine que vous allez vivre vous transformeront durant des années, une vraie expérience de liberté.

En silence, on s’ennuie ?

Muni seulement de cahier, stylo et quelques livres. Vous allez sans doute vous dire : « Mais qu’est-ce que l’on peut faire pendant une semaine en silence et sans montre ? Quel ennui sans smartphone et sans ordinateur !! ».

Durant cette semaine, j’avais qu’une seule intention : utiliser la communication non violente sur moi-même pour me questionner des faits du quotidien. Nous étions une vingtaine de 3 continents différents, les repas se faisaient en silence accompagné de musique classique. Il arriva une fois grâce à la communication non verbale qu’un fou rire éclata durant le repas. Comme quoi, savoir rire en toutes circonstances est important.

J’avais structuré mes journées en alternant : méditation, temps de prière, temps de lecture, repas, observation de la nature, temps de longue sieste, temps d’écriture.

Durant la semaine de silence, nous avions la possibilité d’échanger avec l’un des frères, chaque jour afin d’avoir un regard extérieur sur notre expérience de silence. On m’avait désigné un frère qui avait plus de 60 ans de présence à Taizé. C’est appréciable d’avoir ce regard. Quelle chance et honneur d’avoir échanger avec un homme qui avant tant d’expérience.

Au fur et à mesure des jours, je me suis mis à écrire pour conserver une trace de mes réflexions et de mon cheminement.

A ma grande surprise et avec l’aide de différents outils (Révision de vie, Carte Mentale, Communication Non Violente). J’ai réussi à questionner et enraciner mes valeurs dans ma vie quotidienne.

Le temps de silence aura duré 6 jours et demi, plus de 20 pages de traces écrites sur un simple cahier et d’action du quotidien à mettre en place pour faire reculer certaines peurs enfouies depuis plusieurs années. Cela m’aura aussi permis de renouer avec de longues amitiés ou avec des personnes qui comptent pour moi.

Village de Taizé

Un autre grand apprentissage, c’est la pratique de l’écoute. A la fois du corps, de la nature et de son environnement proche afin d’être le plus relié entre ses besoins et celui des autres.

Et la dernière demi-journée ?

Un des ateliers m’avait particulièrement intéressé : une intervention sur le thème du harcèlement scolaire avec une professeure de Namur en Belgique. Devant 40 personnes de 6 nationalités différentes, j’ai témoigné de mon parcours de victime et de résilience à ce fléau qui touche un élève sur 10 en France. Le partage, l’une de mes valeurs s’est réalisé à ce moment pour le plaisir de transmettre, de sensibiliser et de faire réagir le public.

Taizé aura été une expérience fondatrice et transformatrice. J’étais arrivé plein de questionnement, de rancœurs, d’orgueil et en conflit intérieur. Je suis reparti en paix, en joie avec une vision beaucoup plus positive et curieuse qu’avant. C’est une expérience magique que je recommande à toutes les personnes qui se questionnent sur leur quête de sens.

D’ailleurs qui est partant pour y passer une semaine ensemble bientôt ?

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Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions

Passionné par l’ #ESS #educationpopulaire #innovationsociale, #sharingeconomy @pfbaloo.