[Paris — Solène Ducretot] 1/2 “Il y a une histoire intéressante et unique en chaque personne”

Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions
7 min readSep 17, 2018

Venez découvrir la première partie de la vie de Solène Ducretot. Elle nous raconte sa passion pour le film documentaire, ses voyages, ses déclics en lien avec l’écologie, sa découverte du monde de l’économie sociale et solidaire et celui de l’audiovisuel français. Une inspiration forte pour une quête de liberté et de sens dans sa vie professionnelle. Une femme libre qui agit pour être heureuse et sans regret.

Qui es tu ?

Solène Ducretot, 29 ans, je suis journaliste de solutions et réalisatrice de films à impact.

Quand as-tu eu tes premiers contacts avec la vidéo et les films ?

Au lycée, j’avais choisi l’option cinéma, c’était la matière qui me plaisait le plus. Durant les vacances scolaires, le lycée nous proposait des sessions supplémentaires pour créer des courts métrages sur les thématiques abordées en cours. On apprenait à filmer, à écrire des scénarios, à faire du montage… On pouvait réaliser notre premier film de fiction, premier documentaire, etc.

A la fin du bac, j’ai choisi de continuer dans l’audiovisuel. J’ai donc fait une licence de cinéma à Paris 3. L’ambiance de l’université m’a permis d’être épanouie et enrichie dans cet environnement divers, entouré de personnes passionnées des arts.

Pourquoi tu t’es orienté vers le style documentaire ?

Je préfère l’approche plus humble du documentaire, qui consiste à utiliser la réalité comme base première pour ensuite y ajouter son propre imaginaire.

Qu’as-tu fait en dehors des cours ?

J’ai toujours fait des petits boulots en plus de mes heures de cours pour mettre de l’argent de côté. A l’université, on abordait le cinéma d’un point de vue strictement théorique. Avec des amis, nous avions donc monté une association de cinéma qui nous permettait de mettre en pratique nos acquis.

Qu’est ce qui t’anime à filmer ? Pourquoi filmes-tu ?

C’est le langage dans lequel je m’exprime le mieux.

A la place d’utiliser les mots j’utilise l’image, qui est bien plus parlante que les mots, selon moi. C’est un langage qui stimule mon imaginaire et ma créativité.

Quelle décision as-tu prise à la fin de tes études ?

J’ai réalisé un tour du monde durant 2 ans, d’abord avec une amie, puis toute seule. Je suis partie voyager en Van en Nouvelle-Zélande et en Australie et avec un sac sur le dos en Asie, au Canada et aux États-Unis… C’était les meilleures années de ma vie. Ce voyage a permis de forger mon caractère et mes inspirations pour ma vie et mon travail. C’était clair : en rentrant, je devais faire un travail qui avait du sens.

Qu’est-ce que tu as appris durant ton tour du monde ? Qu’as-tu trouvé durant ce voyage ?

A mon arrivée en Nouvelle Zélande, j’ai été bluffé par la beauté des paysages et par la nature sans présence d’activité humaine. Sur les plages, il n’y a pas un mégot, pas un sac plastique dans les arbres ou une canette sur le sable.

Photo prise en Nouvelle Zélande

Cette découverte naturelle, vierge de tout, a été un déclic profond pour moi qui m’a permis de réfléchir sur la place de l’Humain dans l’environnement. Une véritable prise de conscience sur le saccage qu’a subi la nature depuis des siècles.

Durant mes autres voyages en Indonésie, j’ai vécu l’exact opposé. Bali par exemple est une ville énorme, très polluée et avec des décharges à ciel ouvert, le choc inverse.

Photo prise à Bali

Ton voyage t’a permis d’apprendre la liberté, qu’est ce que c’est pour toi et pourquoi ?

Ma vision de la liberté est liée à une posture d’apprentissage continue permettant de repousser ses propres frontières et d’envisager tous les possibles.

C’est ce fil conducteur qui me donne de l’énergie dans tous mes projets.

Nous sommes libres à partir du moment où l’on fait les choses en connaissance de cause, dans un objectif de bonheur et d’épanouissement et parfois, sortir de sa zone de confort contribue à atteindre ce but.

Les apprentissages de ce voyage en plus des expériences professionnelles suivantes m’ont permis de m’épanouir. Ne pas avoir de regrets et être heureuse sont des leit-motiv dans ma vie personnelle.

Quel choix as-tu fait après ton voyage ?

En rentrant, j’ai fait une formation pour devenir journaliste reporter d’image. J’ai réalisé plusieurs stages dans diverses organisations, dont un à ecoplus TV, le média de l’économie positive.

Cette expérience a été déterminante pour moi, j’ai eu la chance d’être dans une petite structure, d’avoir la liberté de choisir tous mes sujets de reportages et de les traiter comme je le souhaitais.

La ligne éditoriale consistait à mettre en lumière les solutions à des problématiques sociales, économiques ou environnementales. Je partais filmer les acteurs du changement, j’étais passionnée par cette expérience.

Reportage réalisé pour Europe Tomorrow

J’ai vite gravi les échelons pour ensuite devenir rédactrice en chef de ce média.

C’était enthousiasmant de soutenir les initiatives de l’Économie Sociale et Solidaire de cette façon. Aujourd’hui, c’est assez agréable de voir que des projets filmés il y a 6 ans ont pu grandir, évoluer et pour certains démultiplier leurs impacts positifs.

Par exemple, j’avais notamment fait le portrait de l’école Simplon à leur début. Ce réseau de fabriques numériques et inclusives s’est aujourd’hui aussi développé à l’étranger, a formé plus de 2000 apprenants aux métiers du numérique et embauché 124 salariés. C’est enthousiasmant de pouvoir maintenant constater que ces petits projets sont devenus grands !

Qu’as-tu appris durant cette expérience ?

J’ai appris plein de choses sur le développement d’un média, en plus de monter en compétences techniques. J’ai eu l’occasion de faire de nouveaux voyages à l’étranger pour filmer les actions d’ONG, parfois dans des situations un peu périlleuses. Par exemple, je me suis retrouvée à filmer sous plus de 40° à Madagascar en me faisant attaquer par un zébu, à vivre dans une communauté de femmes au Ghana sans eau ni électricité, à devoir expliquer pourquoi je n’étais pas accompagnée d’un homme en Inde, ou à me perdre dans les immenses marchés de Dakar. J’adorais ça !

Chez ecoplusTV, j’aimais beaucoup participer aux actions que je filmais. J’avais la chance d’être à la fois sur le terrain et au plus près des décideurs. Un soir je pouvais donc donner un coup de main à une maraude auprès de sans-abris et le lendemain assister à une rencontre avec les influenceurs directs des financement et des lois de l’Economie Sociale et Solidaire.

Tout ça m’a permis d’avoir une vision globale de ce secteur, de comprendre les enjeux pragmatiques de cet écosystème.

Depuis, je suis persuadée qu’un vrai changement vers une société durable ne peut s’opérer que si les industries s’impliquent ensemble avec les gouvernements et la société civile vers un changement positif.

Quand tu étais à ecoplusTV, tu parlais de diversité pour des projets de l’ESS ? Est-ce que la notion d’histoire est importante ?

Selon moi, il y a une histoire intéressante et unique en chaque personne. Nous pouvons apprendre de tous. Le fait de trouver le bon angle pour raconter ces histoires est très important, surtout pour le secteur de l’ESS.

Mettre en avant les projets des solutions inspirantes, cela permet de planter des petites graines positives dans notre société.

Je suis persuadée que cela peut faire émerger quelque chose de nouveau et de mieux.

Quelle a été la suite de ton parcours ?

J’ai ensuite choisi de quitter ecoplusTV vers de nouvelles aventures, pour me rediriger vers la réalisation de films. J’ai alors été directrice de production dans plusieurs organisations pendant un an et demi.

Qu’as-tu appris du milieu de l’audiovisuel français ?

Il a été un peu difficile de constater que l’industrie de l’audiovisuel n’est aujourd’hui pas prête à s’engager pour remettre un peu de sens dans son écosystème alors que le public, lui, est en demande de contenus inspirants avec plus de valeurs.

L’ambition de créer une démarche de film à impact en France va donc être beaucoup plus difficile que prévu…

Aborder une thématique d’intérêt général dans un scénario, amplifier l’utilité sociale d’un film en impliquant une ONG dans la conception du film, maximiser la diffusion libre en amont et en aval du film en impliquant la société civile n’intéresse visiblement pas encore les institutions audiovisuelle françaises. Elles rejettent tout ça avec une ferveur déconcertante.

La réalisation de mes projets s’en voit donc d’autant plus freinée qu’un sexisme traditionnel réprime en plus le secteur de l’audiovisuel, me laissant que très peu de chance de pouvoir un jour accéder à des financements pour mes projets de films. Effectivement, les chiffres montrent que chaque année, seulement 24% des subventions du CNC (Centre National de la Cinématographie) sont accordées à des femmes.

Le constat, c’est que je ne me sens pas en accord avec la raison d’être de ce milieu. Pour atteindre mes rêves, il faudra que je m’arme de patience, que j’accepte de ne pas rentrer dans une case et d’affronter le chemin épineux qui consiste à ouvrir une voie d’un nouveau genre.

C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de tout quitter et de suivre mon propre chemin. A mon compte, j’ai plus de liberté pour expérimenter, faire bouger les lignes et contribuer à changer vraiment la donne !

Ce parcours de vie vous a touché, vous avez eu un déclic? Vous souhaitez le partager directement avec Solène? N’hésitez pas à la contacter via son compte Twitter ou sur son Facebook. Bonne journée.

--

--

Pierre Fournier
La Fabrique des Solutions

Passionné par l’ #ESS #educationpopulaire #innovationsociale, #sharingeconomy @pfbaloo.