[Paris- Solène Ducretot] 2/2 “Faire confiance en son instinct, c’est se faire confiance et être en accord avec soi-même.”

Retrouver la seconde et dernière partie du parcours de vie de Solène. Elle raconte son choix fort de se lancer dans son activité de freelance. Elle nous parle aussi de ses deux grandes causes d’engagement fort. Les films à impact pour changer la perception des personnes sur des sujets sociaux ou environnementaux et l’égalité des genres. Prenez-en de la graine.

Comment as-tu réalisé ce choix d’indépendance ? Quelles sont les conséquences ?

J’ai vécu toute cette période comme une construction professionnelle (structuration, compétence, réseaux). Cette décision de tout quitter n’a pas été réfléchie. C’était un jour de ras le bol ultime où je ne pouvais plus faire autrement. Je n’ai pas réfléchi au lendemain. J’ai sauté à pieds joints dans une nouvelle vie de freelance, sans trop savoir si j’allais m’en sortir.

J’ai saisi cette occasion pour prendre du recul, capitaliser sur les expériences accumulées durant ces années. Je fais un métier très engageant sur le plan émotionnel, pour ne pas m’épuiser, il était obligatoire d’avoir à ce moment là un recentrage personnel. Cela m’a permis de puiser une nouvelle énergie pour monter de nouveaux projets, d’aller bien plus loin dans mes ambitions, de créer des opportunités et de décupler la force de mon engagement.

J’ai alors créé le collectif Les Engraineuses, avec deux amies. Il a pour but d’aider les femmes à se développer sur les plans personnels, professionnels et artistiques.

Dans le cadre ce collectif, nous avons notamment créé le programme Le Vent Tourne !, que je porte avec ferveur pour promouvoir la diversité et une égalité des genres dans le secteur de l’audiovisuel.

Nous mettons en place des projections de films et des conférences tout du long de l’année, pour mettre en avant des talents féminins venant de tous milieux et tous pays.

Nous organisons aussi des Master Class avec des professionnels visant à inciter les femmes à monter des projets et / ou à se diriger vers des postes à responsabilité dans le secteur de l’audiovisuel.

Enfin, c’est aussi un concours de films réalisés par des femmes, dont la première édition a eu lieu à la Bellevilloise le 30 septembre 2018.

Tu te définis comme réalisatrice de films à impacts, quelle est la définition ?

Il n’y a pas de définition figée du film à impact. Il y a surtout plusieurs échelles d’implications comme par exemple :

1. Traiter plus ou moins objectivement d’une thématique d’intérêt général.
2. Décentraliser le story-telling.
3. Co-construire le projet avec un organisme engagé sur le plan social et/ou environnemental.
4. Budgétiser une partie de son film avec du financement participatif.
5. Mettre en place un système de diffusion permettant au plus grand nombre d’y avoir un accès libre.
6. Réfléchir dès la conception du projet à organiser des actions permettant aux spectateurs d’agir dès la sortie du film.
7. …

Les meilleurs exemples de films à impact se trouvent pour l’instant aux Etats-Unis. Je cite souvent le blockbuster américain Lord of War, qui est mon préféré.

Ici, le scénario à été co-écrit avec l’ONG Amnesty International qui avait réalisé des enquêtes préliminaires sur le sujet du trafic d’armes. Dans le film, ils se sont ensuite arrangés pour inclure des histoires vraies récoltées sur le terrain et des séquences avec les chiffres de ces études. A la sortie du film, Nicolas Cage a engagé sa propre image aux côtés d’Amnesty International pour dénoncer le trafic d’armes illicite.

Autrement, en ce qui concerne la France, il y a quelques prémisses de films engagés qui commencent à aussi réfléchir à l’impact qu’ils peuvent avoir. Nous pouvons par exemple citer le dernier film Démocratie(s), porté par l’équipe de Datagueule.

Exemple de vidéo de Datagueule

Leur méthode a été la suivante :

• Pour écrire le scénario du documentaire, ils ont sollicité la participation de citoyens français afin de faire émerger des nouveaux sujets. Ils ont donc organisé des rendez-vous en ligne et hors ligne pour discuter de la démocratie et ensuite inclure à leur scénario les idées émergentes de ces réunions.
• Ils ont ensuite voulu partager le film avec le plus grand nombre et hors contraintes politiques. Pour cela, ils ont financé l’intégralité du documentaire (240 000 €) sur KissKissBankBank, pour avoir ensuite la liberté de le diffuser gratuitement en open source sur Youtube par le biais du financement participatif .
• Pour permettre d’organiser des rencontres autour de la démocratie, ils donnent la possibilité à n’importe quel citoyen de diffuser leur film afin de créer des débats et des échanges autour de ces sujets politiques. Leur film devient alors un outil de citoyenneté.

Que souhaites tu faire dans le domaine des projets de films à impact ?

Dans l’idée de poser les premières fondation de ce qu’est un film à impact, je suis actuellement en train d’étudier toutes les facettes de celui-ci.

Tous les projets audiovisuels que je développe aujourd’hui ont pour objectif d’expérimenter les échelles d’impacts que peut prendre un film, tout en laissant libre cour à la créativité.

Je réalise par exemple un projet artistique de prospection (photo et vidéo) qui s’appelle WORLD KEEPERS : Les Sentinelles de la Planète. Associée avec Maxime Riché, nous traitons ici des grands enjeux sociaux et environnementaux auquel nous allons devoir faire face d’ici ces 100 prochaines années.

Nous co-créons ce projet avec des scientifiques de renoms, plusieurs grandes ONG internationales qui pourront se servir de notre travail pour leur campagne et travaillons sur l’appropriation de l’oeuvre par les spectateurs.

Pourquoi et comment fais-tu pour faire confiance à ton instinct ?

Lorsque j’étais enfant, ma mère me disait toujours « fais confiance en ton instinct ». J’ai appliqué cette démarche très tôt. C’est une chose à travailler au quotidien. Faire confiance en son instinct, c’est être en accord avec soi-même. Cela nécessite d’accepter parfois l’imprévu et les défis de l’inattendu.

Pour moi, le challenge a été d’accepter d’abord que je ne rentre pas dans le moule de l’audiovisuel français, pour pouvoir ensuite mieux le détourner et servir à la fois la cause de l’égalité des genres et celle du développement durable en plus.

Tu t’es engagée sur le sujet de l’égalité des genres récemment, peux tu définir ce que c’est pour toi ?

Photo réalisé au Ghana

En m’intéressant à ce sujet, j’ai eu la chance de rencontrer une nouvelle communauté engagée et inspirante. Ca m’a fait découvrir pas mal de choses sur moi-même et m’a donné une force incroyable. J’ai notamment fait partie de l’équipe de TEDx Women Champs Élysées 2017, grâce auquel je me suis faite quelques copines.

Découvrir le pouvoir de la sororité a été un déclic formidable. La solidarité entre femmes peut vraiment déplacer des montagnes !

A mon sens, se battre pour l’égalité des genres, c’est apporter des solutions à tous les grands enjeux sociaux et environnementaux des années à venir. Je suis persuadée que la Femme a un rôle majeur à jouer dans la conception d’une société plus équitable, vers un développement durable et un avenir meilleur pour les générations futures.

Qu’est ce que tu aspire dans tes prochaines années ?

J’aime avoir une vie riche en expériences et espère ne pas m’endormir sur mes lauriers. Mon idéal est de pouvoir concilier bonheur personnel et impact social, pour surtout ne pas avoir de regrets.

J’ai la chance aujourd’hui d’être animée par l’énergie nécessaire me permettant de mener de front le lancement d’une démarche de films à impact en parallèle de mon engagement pour la cause des femmes et du développement durable. J’espère pouvoir garder cette force le plus longtemps possible !

Quelque chose à partager ?

Accepter et assumer ses différences, c’est faire le premier pas pour atteindre ses rêves et c’est ce que j’ai pu expérimenter de mieux ces derniers temps !

Ce parcours de vie vous a touché, vous avez eu un déclic? Vous souhaitez le partager directement avec Solène? N’hésitez pas à la contacter via son compte Twitter ou sur son Facebook. Bonne journée.