L’affaire Weinstein et tous ces films que je ne veux plus voir

Aline Mayard
La Funny Feminist
Published in
5 min readOct 18, 2017
Croissants et films : même logique.

Quand j’ai découvert l’affaire Weinstein, je n’étais ni choquée ni surprise, j’étais juste triste : tous ces (ses) films que je ne pourrais plus voir… Quelle misère.

Car oui, je ne regarde plus de films qui rapportent de l’argent et récompensent le travail d’hommes violents vis-à-vis des femmes.

J’utilise l’argument du boulanger de Blanche Gardin : si j’apprenais qu’un boulanger avait violé ma voisine, est-ce que je continuerais à aller dans son magasin ? A lui filer de l’argent ? Non. Et si son pain au chocolat à la frangipane était un orgasme des papilles, le genre dont on rêve toute la journée, le genre qui nous fait sortir du lit et enfiler des chaussures un dimanche matin ? Et bien ce serait toujours non (mais un non plus triste).

J’arrêterais de me régaler l’estomac parce que ce boulanger me dégouterait (ce qui n’est pas le sentiment espéré quand on rentre dans une boulangerie), parce que je voudrais qu’il paie, qu’il comprenne que nous ne laisserons pas passer ça.

Il est hors de question que ce genre de comportement reste impuni, que ces personnes continuent à vivre leur vie comme si de rien n’était, comme si leurs actions n’étaient pas si grave.

Continuer de voir des films d’hommes prédateurs sous prétexte que leurs films sont bons, c’est décider que le talent excuse l’inhumain, c’est définir qu’un bon film vaut plus que la vie d’une femme (ou d’un homme) agressée.

Les films de prédateurs

“Mais c’est de l’art !”

Oui, il y a des grands films de Roman Polanski, Woody Allen, Luc Besson. Il y a aussi plein de grands films de réalisateurs et réalisatrices qui n’ont agressé, violenté, diminué personne.

Alors parfois, la cinéphile compulsive en moi a quand même envie de voir un de leurs classiques — il faut bien que je m’éduque. Et là se pose une question très complexe : mais comment faire pour voir un film sans récompenser son auteur à l’heure d’internet ? Comment consommer de l’audiovisuel sans donner de l’argent aux ayants-droits ?

🔥🔥 !!! Le piratage !!!🔥🔥

Attention message très important d’Hadopi : Télécharger illégalement, c’est mal.

Mais comment savoir qui est méchant et qui est gentil ?

Si vous n’êtes pas un·e Hollywood insider, le mieux c’est de se fier aux scandales dans la presse. Polanski, Bertrand Cantat ont été condamnés, c’est connu, on tire un trait.

Harvey Weinstein, Woody Allen, Casey Affleck, Bill Cosby, Johnny Depp, etc ont fait l’objet de rumeurs, d’articles, de plaintes mais jamais condamnés. Je tire aussi un trait.

Alors la présomption d’innocence vous me direz ?

On l’a bien vu avec l’affaire Weinstein : ces affaires arrivent rarement jusqu’au tribunal de justice.

1- Les victimes ne peuvent pas en parler parce que leur inconscient a bloqué cet événement traumatique.

2- Les victimes ne souhaitent pas en parler parce que c’est trop difficile pour elles.

3- Les victimes n’osent pas parler de peur de détruire leur carrière/réputation. Celles qui portent plainte finissent souvent par accepter un accord de confidentialité parce qu’elles ont en face d’elles des personnes puissantes prêtes à fouiller dans leur vie pour les détruire. Et que dire des procès gagnés (ou annulés) par des violeurs parce que leurs avocat·e·s sont top level, genre Alicia Florrick meets Harvey Spector. 👋 Salut Bill Cosby !

4- Les victimes se plaignent mais personnes ne les écoutent— après tout, c’est bien connu, les femmes (et les enfants) se plaignent pour un rien — parce qu’on ne veut pas croire que nos héros sont des salauds, parce que, parce que, parce que.

Les agressions sexuelles n’ont rien à voir avec un vol à l’étalage. Les personnes qui portent plainte prennent tellement de risques à en parler qu’il y a peu de chance qu’elles mentent (la légende dit que seules 3% des accusations seraient fausses) . Et surtout, prouver un viol, une agression sexuelle ou du harcèlement est bien plus difficile que prouver un vol, ce qui conduit les victimes à se taire ou à perdre.

Bien sûr, certaines personnes sont accusées à tort, que ce soit par le grand public ou par la justice. Cela reste une goutte d’eau comparé aux océans de femmes, d’enfants et d’hommes dont on nie la douleur.

Comment garder en tête la liste des artistes (et producteurs) à bannir ?

Impossible de connaître le nom de toutes les personnes qui sont des connards, mais quand c’est connu autant les punir. C’est en voyant que même les plus puissants ne sont pas à l’abri que les moins puissants y réfléchiront à deux fois avant d’agresser des personnes et d’abuser de leur pouvoir.

— Evidemment, je parle ici de films, mais c’est aussi valable pour la musique (salut Bertrand Cantat), la politique (oh hi Denis Baupin), les marques (bouhhh les pates homophobes Barilla).

Vous êtes perdu·e ? Voici une liste des personnalités que vous pouvez boycotter (si vous le souhaitez hein, chacun·e fait ce qu’elle ou il veut). Certaines info sont connues (Chris Brown, Cantat = no big news here), d’autres évidentes (Sean Connery, Sean Penn = duhhh), le reste surprenantes, tristes et franchement dévastatrices (Bowie, Lennon = my heart is bleeding).

Naaaaaan, pas Alec Bladwin, pas 30 Rock !! (Image via Marion Malle)

Pour la liste complète et des arguments solides, je vous renvoie vers la super bd de Marion Malle.

« I’m a feminist but »

C’est une position dure à tenir, je vous le concède.

Difficile d’arrêter les films de Bill Murray, de dire adieu à Annie Hall, de zapper l’oeuvre de Bowie.

Difficile de savoir où arrêter et où commencer son “boycott”. Weinstein est un distributeur, doit-on arrêter de regarder The Artist parce que le distributeur est un connard ? Casey Affleck est un acteur, doit-on être arrêter de regarder des films dans lequel il joue et punir ses collègues ?

Difficile de se priver de grandes oeuvres d’art (ou de divertissement). Comment comprendre le cinéma, sa mythologie, ses influences si je ne connais pas ses classiques ?

Et que dire de ces films et chansons qui ont rythmé et influencé nos vies mais qui semblent si problématiques et dérangeant désormais ?

Mes choix sont à la fois subjectif et hypocrite. Que voulez-vous, je ne suis pas parfaite. L’important c’est que je me sente à l’aise avec les films que je regarde, que je regarde les vieux films de façon critique et que je sanctionne les films récents avec mon portefeuille et mon nombre de vues.

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Aline Mayard
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