#8mars : non la Journée internationale des droits DES femmes n’est pas une Saint-Valentin

Myriam Daguzan Bernier
La tête dans le cul
4 min readMar 8, 2019

Ceci n’est pas une fête.

Chaque année, je vois un florilège de publicités et de promotions qui nous invitent — nous La femme (car il semble que nous ne faisions qu’une?) — à acheter toutes sortes de choses. De la journée au spa en passant par les leggings de yoga, sans oublier le thé gratuit, on nous promet les plus beaux rabais de la terre pour pouvoir se faire du bien et se dorloter en cette journée qui ressemble beaucoup plus, au final, à une Saint-Valentin ou une vague fête de LA Femme.

La Journée internationale des droits DES femmes, c’est bien plus que ça.

C’est une lutte pour l’obtention de droits fondamentaux. À l’heure actuelle, des milliers de femmes n’ont toujours pas accès à des protections hygiéniques et des lieux propres (on estime que 2.4 milliards de personnes ne peuvent accéder à des installations sanitaires de base) pour s’assurer une bonne hygiène, particulièrement pendant cette période du mois.

Le droit à l’avortement est CONSTAMMENT remis en question. Oui, même en 2019. Un exemple? Selon Le Monde, la pratique de l’avortement est, encore aujourd’hui, passible de huit ans de prison au Honduras.

Le mouvement #MeToo a créé une très nette (et importante) hausse des dénonciations d’agressions sexuelles. « Le Québec a enregistré la plus forte augmentation du nombre d’agressions sexuelles déclarées par la police après le mouvement #MoiAussi (+61 %).»

C’est de tout ça qu’on parle, entre autres, quand on pense à la Journée internationale pour les droits des femmes.

Alors quand on nous jase de magasinage, je trouve qu’on est loin d’avoir compris le sens de cette journée importante. Et, pire encore, est-ce à dire qu’on considère que la première chose qu’une femme veut faire pour célébrer son statut et les luttes qui font en sorte qu’elle a maintenant une meilleure situation — encore très précaire à bien des endroits dans le monde — , c’est de s’acheter des objets (et souvent des produits de beauté ou de santé/bien-être)? Permettez-moi d’être légèrement «flabergastée».

Comment se fait-il que la première chose à laquelle on pense, quand on veut célébrer les femmes, soit de leur proposer d’acheter des choses et non pas, par exemple, d’offrir des services gratuits à celles qui en ont besoin? Pourquoi ne pas proposer aux femmes de s’élever entre elles, de se tenir les coudes, de s’aider? Certaines compagnies nous offrent des histoires ultra touchantes pour expliquer que des femmes marquantes ont posé les jalons de leur marque. Mais ça se traduit la plupart du temps en «c’est pourquoi on vous offre aujourd’hui 50% de rabais» sur nos produits!»

Entendons-nous: pour travailler moi-même depuis des années à mettre de l’avant des marques via les médias sociaux et les coms en général, je peux tout à fait comprendre pourquoi les compagnies le font. Il ne faut pas être très futé.e pour saisir que 1) c’est payant, 2) ça apporte son capital de sympathie et 3) ça permet de surfer sur une très grosse vague qui facilite le chemin au message qu’on veut passer. C’est la base. Mais, justement, pourquoi ne pas faire autrement? Pourquoi ne pas aller plus loin que cette association stéréotypée au possible?

Si vous trouvez que les femmes méritent d’être célébrées, faites-le pour vrai! Faites une fleur à une femme exceptionnelle qui vous a poussé à aller de l’avant et a contribué à forger votre marque. Donnez la parole à celles qui ont moins le micro. Parlez-nous de leadership au féminin, d’empowerment. Juste comme ça, sans forcer la note pour nous enfoncer les rabais dans la gorge, parce qu’on veut supposément et nécessairement «se faire du bien» en cette journée spéciale. On vous trouvera peut-être encore plus sympa et on va se rappeler de ça, lorsqu’il viendra le temps d’acheter. C’est super bien de souligner cette journée, mais c’est un bien drôle de message quand on le fait en misant sur ce qui, supposément, «manque» à notre «bonheur féminin». Ce qui manque? C’est de la considération, du respect, de l’autonomie, des droits humains de base.

Rappelons-nous que le #8mars n’est PAS une Saint-Valentin. Ce n’est pas une célébration, c’est une lutte. C’est une prise de conscience pour faire avancer les choses. C’est un effort collectif pour se rappeler que la partie est loin d’être gagnée. Pensez-y donc avant de nous faire crouler sous vos rabais et vos promotions. Ou gardez-les pour la Saint-Valentin; ça on le sait que c’est voué à demeurer une célébration commerciale. ¯\_(ツ)_/¯

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Myriam Daguzan Bernier
La tête dans le cul

Étudiante en sexologie, journaliste indépendante, gestionnaire de communauté