Semaine 7 : Un nouveau pivot

Bertrand Michotte
LA TÊTE AILLEURS
5 min readMar 1, 2017

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Voilà deux bonnes semaines qu’on n’a rien publié ici. Pas par manque de temps, mais plutôt parce qu’on n’avait rien à dire. On vient en effet de traverser notre première phase de doute. Maintenant qu’elle est derrière nous, et qu’on a acquis un peu de recul, on peut en parler sans complexes. Qui sait, ça vous servira peut-être un jour.

Le rôle central de l’observation

Ceux qui nous suivent depuis le début savent que nous construisons une offre d’accompagnement du changement à destination des “ chefs qui ne veulent plus être chefs”. En d’autres termes, des dirigeants qui prennent conscience que le leadership est une capacité collective, et qui souhaitent par conséquent décentraliser le pouvoir et la prise de décisions.

Les modèles d’entreprises fondés sur cette réalisation étant tout jeunes et pas hyper fréquents, notre connaissance terrain est encore largement à construire. A quoi ressemble le travail dans ce type d’organisations ? Comment les gens interagissent-ils ensemble ? Comment prennent-ils leur décisions ? Qu’ont-ils de spécial ? Etc…

C’est pourquoi notre démarche d’accompagnement repose en grande partie sur l’observation terrain d’organisations qui ont déjà des bribes de réponses, pour mieux aider celles qui ont envie d’emprunter la même voie.

Dès notre première semaine de travail, nous avions émis l’hypothèse que ce genre d’initiatives génère inévitablement toute une série de tensions et de freins qui, s’ils ne sont pas rapidement déjoués, ont le pouvoir de stopper la transition. Voire de l’inverser.

Notre job est de tout faire pour que ça n’arrive pas.

Les limites de l’observation

Mais sans connaissance terrain, comment détecter ces freins ? Voilà notre grande question. Vu que l’observation était déjà pas mal gravée dans l’ADN de notre projet, la réponse s’est rapidement imposée. Rencontrons une première vague d’organisations pour les faire émerger.

A ce stade, notre cycle court comportait donc deux phases d’observation terrain distinctes. La première ouvrait au max notre champ de vision, pour mieux choisir la tension à explorer. La seconde était centrée sur les acteurs qui ont expérimenté leurs propres solutions à la dite tension.

Un cycle court qui repose largement sur l’observation terrain

On s’est donc très vite lancés dans la construction d’un réseau de contacts. Participation à des conférences, épluchage de nos carnets d’adresses, pitch incessant de notre projet, exploration de cette très utile carte des entreprises libérées sur le territoire français… le tout pour faire émerger des sources potentielles à qui proposer une observation, une rencontre ou un skype.

Et ça marche ! En semaine 5, fiers de notre première vague d’emails envoyés, nous attendons plusieurs confirmations imminentes. Et certaines arrivent. Mais pour une rencontre en mars finalement. Ou en avril. D’autres n’arrivent jamais. Ah oui c’est vrai. En fait les gens ont pas que ça à faire… Mais du coup il se passe quoi pour nous ? Comment on avance ?

Attention aux certitudes !!

Semaine 6. La sprint review approche. On tourne, on vire, franchement on est hyper frustrés. Puis on se réveille.

Euh mec, pourquoi on attend en fait ? Est-ce qu’on a vraiment besoin d’observer qui que ce soit pour choisir la problématique sur laquelle on veut bosser ? Pourquoi on n’en choisit pas une nous-même ? Puis on la teste sur nos contacts. C’est quand même vachement plus simple dans ce sens non ?

Deux semaines de grillées pour réaliser qu’on est tombés dans le piège classique. Notre logique s’est figée. Au fil des semaines, on a perdu de vue que notre offre n’était qu’une suite d’hypothèses à tester. Y compris la plus ancienne : nous sommes un observatoire de l’innovation managériale.

Dur pour un observatoire de penser à écarter l’observation, non ?

A force de nous définir de cette manière, dans nos conversations, sur nos cartes de visite, sur notre blog, on en est devenus esclaves. On a succombé à notre besoin de stabilité et de certitudes. Il nous a fallu la pression de la deadline pour sortir de ce cadre qu’on s’était nous mêmes imposés, alors que le marché nous criait avec force qu’on pouvait faire mieux que ça.

L’observatoire qui n’observe pas

Résultat, on arrive à notre première review avec le sourire, sans avoir rempli la totalité de nos objectifs mais en sachant pourquoi. On va simplement pivoter sur notre cycle court d’une manière qui nous permet de garder la main sur notre projet, et de continuer à avancer — tester — ajuster.

C’est donc nous qui définirons la première tension à explorer, pour l’affiner ensuite à l’aide de quelques conversations ciblées. Quant au meetup, il servira non pas à tester une solution mais plutôt à défricher les réponses possibles en intelligence collective avec un public d’intéressés.

Ironie du sort : à peine cette décision prise, la bonne problématique nous a été servie sur un plateau… Mais ça, c’est pour le prochain article :)

Un cycle court repensé pour plus d’efficacité

Nous décidons donc officiellement de ne plus mettre l’observation sur le chemin critique. Nous serons toujours à temps d’enrichir notre démarche de cas terrain quand notre réseau sera suffisamment solide. Pour l’heure, la réflexion collective devrait nous permettre d’avoir une compréhension suffisante de la tension pour développer notre philosophie de réponse.

Cela dit, tout ça n’est qu’une nouvelle hypothèse à tester :)

Ce que nous avons appris ou re-découvert

  • Ne sous-estimez pas le besoin humain de certitudes et de stabilité. On a beau se répéter non stop que toute décision non validée par le marché n’est qu’une hypothèse, un attachement se crée insidieusement si on laisse la dite décision devenir trop structurante pour le projet.
  • Un cadre “agile” est crucial pour déjouer ce besoin de certitudes. D’une part, il crée une logique de test permanent sur le client. Et d’autre part, la pression du sprint force le cerveau à aller chercher les réponses hors de la boîte [au cas où une boîte ait eu le temps de se créer].
  • Ne vous laissez pas enfermer par votre propre définition du projet. Votre hypothèse la plus insidieuse est l’expression que vous utilisez pour résumer votre offre. Elle matérialise la compréhension que vous en avez à l’instant I. Bien sûr, c’est pratique à tweeter. Mais il faut bien la choisir, et ne surtout pas oublier de l’actualiser. Sans quoi elle vous tire en arrière.
  • Vous avez plus besoin des autres qu’ils n’ont besoin de vous. Puissance et réactivité d’un réseau grandissent de manière exponentielle, à partir d’un certain seuil d’interactions et de crédibilité. Elles mettent donc un certain temps à se manifester. N’en demandez pas trop.
  • Faites très attention à ce que vous mettez sur le chemin critique. Soyez conscient que vous donnez à ce quelqu’un ou ce quelque chose le pouvoir de mettre votre projet en stand-by. N’arrêtez jamais d’explorer les alternatives, et surtout, pas de déprime. Il y a de fortes chances pour vous soyez face à un problème que vous avez vous même créé.

Voilà c’est tout pour aujourd’hui. On revient incessamment sous très peu avec les détails sur notre première problématique et le meetup qui va avec. Merci de nous avoir lus, comme toujours. Et à la prochaine.

B&T

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Bertrand Michotte
LA TÊTE AILLEURS

Coach certifié. Facilitateur de coopération. J'accompagne les dirigeant(e)s d'entreprises en questionnement et leurs équipes. Je suis aussi musicien.