Amazon et le Rêve de la Logistique Autonome : Quand l’E-Commerce Rencontre la Livraison (quasi) Gratuite…

Cosmo
La Voiture Autonome
8 min readMar 14, 2018
La livraison autonome — Source : Vue d’artiste de James Muspratt

Et c’est le commerce tout entier qui se transforme !

L’e-commerce a bouleversé le jeu de la distribution bien sûr, mais pas autant que ce que peuvent nous en laisser croire les manchettes de journaux. Si l’on parle tout le temps d’Amazon et consorts, la vente en ligne ne représentait que 8,7 % de la distribution aux US en 2016 dont la moitié pour Amazon. C’est beaucoup, mais loin d’être majoritaire.

La livraison quasi gratuite promise par la livraison autonome va rebattre les cartes, encore une fois, et brouiller les différences entre commerce en ligne et commerce physique pour finalement renouveler entièrement notre façon de consommer et donc de vendre. Il est probable qu’Amazon, au vu de son avance dans la logistique et dans la digitalisation, soit le premier à en bénéficier.

Pour le comprendre, revenons-en aux bases :

En fait, c’est quoi le commerce ?

Une définition : Acheter du stock et en revendre.

Entre les deux, il faut convaincre l’acheteur et lui livrer la marchandise.

Entre les deux, il y a l’expérience d’achat et la logistique.

C’est dans cet entre-deux que se trouve la différence entre le commerce physique et le commerce en ligne.

Différence commerce en ligne et commerce physique

Le commerce traditionnel, nous propose une expérience limitée en termes de choix, en contrepartie, nous avons la possibilité de nous faire conseiller et d’essayer le produit. Ce service à un coût : celui du pas de porte et du stockage en centre-ville, d’un vendeur et d’une mise en scène. Autant d’investissements qui devront être répétés dans chaque centre-ville, dans chaque centre commercial.

La vente en ligne, elle, offre à ses clients de comparer les prix, de ne pas avoir à se déplacer en magasin, un nombre de références presque illimitées et des avis détaillés. La relation avec le produit reste toutefois virtuelle et certains produits demandent à être couchés, portés, vus en situation, feuilletés, caressés, pesés et sous-pesés pour être évalués et sélectionnés. Autant de choses que la vente en ligne ne permet pas malgré les ersatz d’expériences IRL qu’elle tente ici ou , sans convaincre jusqu’ici… Et la livraison et les retours, ça coûte cher ! Côté coûts, si l’e-commerçant s’économise un pas de porte de centre-ville et un employé faisant les 100 pas en attendant le chaland, il doit cependant payer la livraison et les retours.

L’e-commerce à donc 3 défauts majeurs qui bloquent sa croissance et qui viennent tous de la contrainte de la distance :

  • La disponibilité des produits contrainte par le temps de livraison
  • Le coût de la livraison
  • La possibilité de tester, rentrer en contact avec les produits (ce qui n’est pas nécessaire dans tous les cas, je vous l’accorde.)

Amazon qui n’ait pas du genre à se laisser bloquer sa croissance sans rien dire, tente à sa manière de régler ces trois problèmes en proposant :

  • Une livraison dans la journée pour les principaux centres urbains
  • Une livraison gratuite quels que soient les montants (ou presque) grâce à l’abonnement prime
  • Et pour les vêtements, la possibilité de se faire livrer plusieurs tailles et modèles et d’essayer les produits avant de les acheter ! (Aux US seulement pour l’instant.)

Il essaie ainsi de proposer à ses clients le meilleur des deux mondes pour poursuivre sa croissance.

Mais ces programmes de développement lui coûtent très chers en investissements logistiques qui malgré leur importance ne résolvent pas le principal problème : le coût de la livraison au dernier km.

Cette partie de la chaîne logistique est la plus onéreuse : à cette étape de la livraison, une intervention humaine et individualisée colis par colis, adresse par adresse doit être effectuée. C’est ce temps de travail incompressible par livraison qui coûte le plus cher. Eh oui ! les êtres humains, ce n’est pas donné.

Et pour proposer des services de livraison toujours plus rapides, Amazon a dû déployer de coûteux centres logistiques à proximité des plus grandes agglomérations démultipliant d’autant ses investissements.

Amazon consacre ainsi aujourd’hui 26 % du produit de ses ventes en logistique et ce chiffre est en constante augmentation.

C’est pour Bezzos et ses actionnaires le prix de l’ambition d’une domination totale dans le retail. Et jusqu’ici ils la financent sans broncher.

Les coûts logistiques du commerce en ligne et les limites liées à l’expérience d’achat ont permis de rééquilibrer la donne avec le prix d’une boutique physique. Mais pour combien de temps ?

La livraison autonome et la naissance de nouveaux modèles de distribution

Avec la livraison automatisée, les coûts de livraison chuteront drastiquement, on ne parle pas de 10 % de baisse, mais de 90 à 95 % !

Si l’on reprend les défauts et les avantages de chaque mode de distribution physique et en ligne, la possibilité d’avoir des véhicules entièrement autonome permettra de réunir les avantages des deux solutions : le choix pléthorique du e-commerce combiné à l’expérience du commerce physique et la fin des coûteux magasins et de leurs coûteux vendeurs.

Une livraison immédiate et coordonnée :

La livraison autonome sera toutefois un peu différente d’une livraison habituelle puisque le consommateur après avoir passé sa commande en ligne ne retrouvera pas le produit directement dans sa boite aux lettres, il devra lui-même aller jusqu’au véhicule de livraison. Il pourra cependant, on l’imagine aisément, choisir le lieu et le moment exact de la livraison en diminuant d’autant la contrainte.

Pour preuve : ma future discussion avec Amazon Echo intégré à mon smartphone :

« Alexa, je suis en route, je compte sur toi pour déposer les courses dès que j’arrive. Bisous et ne me fait pas poiroter ! »

« Entendu Sybille, je synchronise la livraison sur tes données de géolocalisation et ta vitesse de déplacement. »

Des supermarchés sur roues

Pour l’e-commerçant / commerçant, ce sera l’occasion de proposer de nouveaux services permettant de recréer une expérience IRL à partir de véhicules autonomes véritables supermarchés mobiles personnalisés selon la demande de ses clients comme celui-ci par exemple :

Elles ne sont pas belles mes tomates ?

Ou mieux encore celui proposé par MobyMart :

Une supérette sur roue (ça ne se voit pas très bien, mais il y a bien des roues)

On pourrait très bien y mettre tous les produits de consommation dont vous rêvez les jours de flemme où toute idée d’aller dans un centre commercial vous donne des cauchemars de cul-de-jatte agoraphobe.

Et ce n’est là qu’un exemple. L’imagination de nos marketeurs sera sans fin pour nous vendre plus et mieux et avec des frais moins élevés.

Bref, il y a de bonnes chances qu’Amazon, aka le roi de la logistique, renforce ses centres logistiques partout aux abords des grandes villes et les couples à ces solutions pour activer et nous balancer nos désirs consuméristes en temps réel, jusqu’à nous, pour presque rien, là, tout de suite, dans de véritables boutiques mobiles. Et il sera imbattable, il a trop d’avance et il est prêt à ne pas faire de bénéfice, aucun commerçant français (genre Carrefour) n’arrive à imposer cela à ses actionnaires, c’est un sacré avantage concurrentiel couplet à celui de ne pas payer (ou si peu) d’impôts.

Les boutiques physiques à la recherche d’un nouveau modèle :

À quoi vont bien pouvoir servir les commerces physiques ?

Ils ne sont pas totalement perdus pour autant, il y aura toujours un besoin lié à l’expérience d’achat avec une personne réelle qui vous conseille le bon bouquin, qui vous aide à choisir vos vêtements. Le plaisir même de faire du lèche-vitrine avec ses amis de se laisser surprendre, de fouiller, de prendre plaisir à la mise en scène des produits qui nous guident dans nos choix et nos achats.

Cette expérience cependant il faut la valoriser, en effet, si vous pouvez choisir votre produit dans les boutiques et les acheter sur Internet, la boutique n’est plus valorisée par la vente du produit, elle doit trouver un nouveau modèle, de nouvelles sources de financements.

Je vous propose ici quelques pistes :

1. Les services de livraison et les boutiques de centre-ville vont fusionner :

Les boutiques n’ont plus que des modèles d’exposition, une logistique centralisée aux abords des villes distribue les produits en fonction des besoins dans les magasins ou directement chez le client final. Des bornes interactives pourront présenter des produits supplémentaires, rarement vendus, à disposition pour l’essai en boutique sur simple demande et en une 20aine de minutes.

2. Les boutiques deviennent des espaces d’essais, de découvertes et d’échanges où l’on n’achète plus rien

Les marques payent pour être présentent, comme des stands de pubs géants, chacun pouvant acheter ensuite le produit directement à la marque et se faire livrer par le centre logistique : la boutique empoche une com’ ou se fait payer uniquement sur le trafic généré en magasin, sur la facturation des têtes de gondole, sur la mise à disposition d’un espace de démonstration.

3. De la vente directe à la maison :

Les vendeurs pourraient également très bien venir chez vous avec une sélection de produits pour une séance de vente à domicile, entre amis. Quoi de plus facile puisqu’on peut se faire approvisionner les bonnes tailles et les bons produits durant la réunion même. Sans compter qu’avec l’arrivée de la réalité virtuelle, un véritable défilé de mode pourra être fait dans votre salon alors qu’à l’issue de celui-ci, chacun ayant choisi les pièces qu’il veut essayer IRL, la sélection des produits faite par l’assistance arrivera quelques 10aines de minutes plus tard. Juste le temps de prendre une petite collation entre amis. Le vendeur lui se fera payer en commission par Amazon, comme c’est le cas aujourd’hui avec son programme d’affiliation.

Les soirées Tupperware vous manquaient ? Ne désespérez plus de leur retour !

Une chose est certaine : Amazon réduira ses coûts et augmentera ses possibilités de ventes et ses propositions d’expérience d’achat, le géant de Seattle doit attendre tout cela avec impatience. De l’autre côté, les boutiques physiques devront sans doute changer de business model. À moins qu’Amazon ne leur en propose un en mettant à disposition sa puissance logistique pour devenir le centre névralgique du commerce mondial.

On le voit, les coûts de livraisons ne sont pas qu’une variable impactant les bénéfices, ils structurent les modèles économiques eux-mêmes. Et c’est là l’une des révolution de la mobilité autonome.

Il est pas beau le futur ?!

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