“Comment déployer un service de transport de collectif automatisé en contexte de distanciation physique?”

Ce qui peut sonner comme une question d’examen d’école d’ingénieurs est en réalité le contexte auquel sont confrontés le Service d’urbanisme et de la Mobilité ainsi que le Laboratoire d’innovation Urbaine de Montréal. Les expérimentations des navettes autonomes prévues cette années sont fortement perturbées par la pandémie de Covid-19 et le défi de les mettre au service du public s’en voit augmenté. Il faut ainsi maintenir une distanciation physique, servir l’intérêt collectif, et proposer un cas d’usage cohérent pour les navettes autonomes.
Comment réussir un tour de force pareil ?

Contexte

La mise en service des navettes autonomes requiert le travail concerté de plusieurs experts locaux et internationaux afin de pouvoir en effectuer la programmation. Les restrictions de mouvement internationaux et d’accès à l’espace public restreignent donc la possibilité de les déployer cette année. Les expérimentations en cours de planification pour prendre la route en 2020, seront ainsi remises à l’année prochaine.

La saison 2021 représente ainsi la prochaine fenêtre d’opportunité pour proposer aux citoyens une expérience et expérimentation sécuritaire, le temps de réajuster nos projets à la Covid-19.

En effet, le monde ayant profondément changé en l’espace de quelques semaines, il nous faudra adapter les projets expérimentaux de transport de personnes et de marchandise initialement prévus à cette nouvelle réalité. Repenser les projets expérimentaux et identifier les cas d’usage les plus pertinents face à la crise de santé publique représente la première étape.

Les impacts actuels sur la mobilité

Au niveau de la mobilité urbaine, la baisse d’achalandage du transport collectif est sans contredit l’une des conséquences les plus marquées en milieu métropolitain. L’entreprise Transit a récemment dévoilé des statistiques mondiales faisant état de la diminution marquée de l’utilisation des modes de transport de masse. À Montréal, la STM a ainsi enregistré une baisse significative de son achalandage depuis la mise en place de mesures pour freiner la propagation du coronavirus.

La pratique du télétravail, le retour des mobilités douces pendant la période estival, l’augmentation des services de livraison sont parmi un ensemble de facteurs qui ont permis à de nombreux voyageurs de limiter leur utilisation des services de transport. Cela a pour impact une utilisation moindre de la capacité des flottes d’autobus urbains et une importante perturbation des opérations et de la maintenance du parc automobile des sociétés de transport urbain. Nous avons ainsi d’une part les citoyens inquiets à l’idée de s’exposer à des risques de santé et d’autre part des opérateurs de transport soucieux de leur responsabilité. Leur défi est alors double: assumer le service public qui leur incombe tout en ayant à cœur la santé des citoyens et de leur personnel.

Les navettes autonomes, mini-bus électriques à conduite semi ou complètement automatisée d’une capacité d’une dizaine de passagers, n’échappent pas à cette réalité. Moyens de transport innovants voués au transport de personnes, elles sont soumises à cette même réalité de la promiscuité de leurs passagers et du risque de contagion. Il est ainsi fondamental de repenser leur cas d’usage et de voir de quelle manière ces véhicules peuvent être mis à profit dans le nouveau contexte de risque sanitaire.

Des opportunités redéfinies
1. Aménagement des voies actives sécuritaires et complémentarité avec les VA

La Ville de Montréal a récemment dévoilé son programme de voies actives sécuritaires visant à faciliter la cohabitation entre piétons, cyclistes et automobilistes dans un contexte de distanciation physique. Le réaménagement de certaines rues et artères est prévu, insufflant ainsi une nouvelle dynamique de mobilité urbaine: placer l’humain au cœur de la mobilité plutôt que l’automobile.

Peut-être est-ce là l’occasion de réfléchir de manière concrète à la place à accorder aux formes de micromobilité collective connectés et électriques pouvant jouer un rôle dans la la mobilité de quartier (vélo motorisé ou non, planches à roulettes motorisées ou non, patins, trottinettes motorisées/non motorisées, etc…).

Les navettes autonomes, évoluant à faible vitesse, pourraient être des compagnons de mobilité pertinents et intégrables aux espaces de mobilité à vitesse réduite (Marche, vélo et autre forme de mobilité active).
En somme, des espaces de mobilité active, collective, innovante et électrique.

Le rêve.

2. Préserver le personnel : Conduite 100% automatisée?

Les chauffeurs d’autobus urbains et opérateurs de métro sont aujourd’hui en première ligne face aux risques de la covid-19. Étant par leur fonction fréquemment en contact avec le public, le risque sur leur santé nous invite à nous interroger sur les actions possibles visant à les préserver. Isolement des passagers? Port obligatoire du masque et distance de sécurité? Redesign de la cabine du conducteur? Ou pourquoi ne pas envisager… le télétravail !

Triangle du risque (Crichton, 1999)

Le triangle du risque, proposé par le Professeur Crichton, spécialiste en risque environnemental à la University College London, suppose trois variables: le Danger (Hazard), la Vulnérabilité ( Vulnerability) et l’Exposition (Exposure). Dans un contexte de covid-19, la réduction de l’une ou plusieurs de ces variables minimise le risque de contracter le virus. Dans le cas de la conduite 100% automatisée, aucun opérateur ne serait exposé réduisant ainsi le risque pour sa santé à néant.

Le niveau de développement de l’automatisation des VA permet aujourd’hui l’opération des ces véhicules en l’absence physique d’un opérateur. Il est ainsi possible que les navettes autonomes soient exploitées en mode 100% automatique retirant de facto l’opérateur du danger.

Démonstration de conduite à distance par la firme Keolis au sommet de l’UITP

Les options aujourd’hui envisageables sont ainsi le retrait de l’opérateur du véhicule et la conduite entièrement autonome ou son travail à distance via la capacité de surveillance et prise de contrôle à distance du véhicule. Les avancées technologiques en matière de vitesse et de volume de transmission de données (notamment la 5G) rendront possible ces cas d’utilisation. En effet la vitesse et la fiabilité du réseau est clé de voûte d’un tel système. Le temps de réaction entre la commande donnée sur une console à distance et le véhicule doit être instantané et ne souffrir aucune interruption, de la même manière que si l’opérateur était physiquement présent pour effectuer sa manœuvre. Permettant des vitesses de transfert de données allant jusqu’à 100 gigabits par seconde, la 5G devrait être jusqu’à 100 fois plus rapide que le standard 4G actuel et permettre d’accomplir de telles prouesses.

À ce sujet et en prévision de la saison 2021, les discussions sont d’ores et déjà amorcées entre la Ville, les acteurs gouvernementaux (MTQ, SAAQ, MAMH), et les opérateurs ( Keolis-Navya) afin de préparer un cadre expérimental riche et surtout adapté à ce nouveau défi que nous avons hâte de relever!

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