Les données ouvertes pour contribuer à l’encadrement de la vie nocturne

(Photo: MTL 24/24)

La conférence Montréal au sommet de la nuit a rassemblé penseurs, artistes, chercheurs et professionnels de divers horizons lors de deux journées d’échanges le 19 et 20 mai.

Dans le cadre du panel Données ouvertes et technologies pour la nuit, animé par Mirik Milan, premier Maire de la nuit d’Amsterdam et cofondateur de VibeLab, quatre panélistes ont partagé leur vision par rapport aux données sur la vie nocturne. Nous vous proposons les faits saillants de la discussion qui nous ont marqués·es dans le désir de poursuivre les échanges sur ce sujet d’actualité.

D’abord de quelles données parle-t-on? Miranda Sculthorp, Conseillère en données ouvertes et stratégie de données à la Ville de Montréal, a recensé quelques exemples de données sur la vie nocturne qui sont disponibles sur le site de données ouvertes de Montréal: restaurants, emplacement des murales, actes criminels, déplacements en vélo libre-service, résultats de sondages destinés aux commerçants, comptages des véhicules, cyclistes et piétons! Lorsque nous sommes à la recherche des données susceptibles de nous renseigner sur la vie nocturne, on ne devrait pas seulement regarder le sujet ou le thème des données, mais aussi le contenu. À première vue, plusieurs jeux de données ne s’appliquent pas à l’analyse des activités nocturnes. Pourtant, si les données contiennent un champ de date, elles pourraient nous renseigner sur les activités nocturnes, en filtrant pour les occurrences qui ont eu lieu pendant la nuit. En fin de compte, le rôle que peuvent jouer les données pour mieux comprendre et dynamiser la vie nocturne dépend de leur contexte d’usage. Les données peuvent aussi bien contribuer à repenser la réglementation de la vie nocturne à Montréal, qu’être une matière brute dans la création artistique.

À l’intersection des sphères sociales, éthiques et technologiques de la nuit, Jess Reia, Professeur·e adjoint·e à l’École de science des données de l’Université de Virginie et membre du Conseil de Nuit de MTL 24/24, a souligné que les données ne sont jamais neutres. Des biais peuvent être introduits à tout moment: de la collecte des données jusqu’à leur analyse et leur valorisation. C’est pourquoi Jess met de l’emphase sur la dimension de visibilité dans les données de vie nocturne: comment les personnes sont-elles représentées (ou non) dans les données? Des technologies de collecte de données sophistiquées (caméras de surveillance, technologies reconnaissance faciale, capteurs de bruits, détecteurs de mouvements, etc.) sont déployées dans certaines villes à travers le monde. Cette surveillance accrue pourrait amener des risques pour des individus et des groupes qui cherchent une liberté d’expression ou un certain degré d’anonymat dans leurs activités nocturnes. Ceci ne rend pas les données, les technologies et la vie nocturne incompatibles, mais nous oblige à porter une attention particulière aux dimensions éthiques et souligne l’importance d’inclure les communautés visées dans la prise de décisions entourant les données avant même de les collecter.

Par la suite, Elsa Fortant, Doctorante en musicologie à l’Université de Montréal, a souligné trois dimensions clés des données dans un contexte de vie nocturne:

  • imputabilité: nous devons être en mesure de rendre des comptes et prendre des recours face aux organismes qui collectent des données, surtout dans les cas de non-respect des droits numériques;
  • empathie: derrière toute donnée, il y a des personnes et des expériences humaines;
  • éthique: la collecte de données demande une prise de conscience des impacts qu’elles peuvent avoir sur des communautés.

Elsa a souligné que dans des recherches terrain, notamment ses études à la maîtrise qui ont porté sur la scène techno à Montréal, toute collecte de données demande une approbation d’un conseil en éthique de recherche. Celui-ci assure l’application des règles en matière de consentement, de respect de la vie privée, en précisant par exemple, les durées de conservation et des modalités de destruction des données. Alors que ces processus rigoureux contribuent à créer un environnement de confiance entre chercheurs·es et participants·es, Elsa se demande si une telle approche en éthique de données pourrait également s’appliquer dans d’autres contextes, comme dans la collecte de données par des acteurs publics et privés? Effectivement, tout est à penser pour bâtir un écosystème de données nocturnes responsable et imputable.

En dernier lieu, Alby Bocanegra, Vice Président, Global City Partnerships pour Mastercard, a partagé son expérience en partage de données entre le secteur privé et public. Son rôle consiste à développer des partenariats pour partager les données de Mastercard avec des administrations municipales. Ces données permettent d’avoir une vision très détaillée de l’achalandage dans un secteur, permettant de chiffrer les activités nocturnes et de déceler des tendances de consommation. Alby a souligné que ce partage de données se fait selon les principes de la protection de la vie privée dès la conception (privacy by design). Alby reconnaît que les données sont souvent exploitées en silos; c’est pourquoi on vise un partage de données de plusieurs sources et leur valorisation dans une démarche collaborative. C’est d’autant plus important dans ce contexte, parce que la vie nocturne est un sujet multidimensionnel qui implique une grande diversité d’acteurs et d’activités.

Alors que chaque panéliste a apporté son propre point de vue sur les données nocturnes, des visions partagées ont émergées. D’abord, les méthodes de collecte de données «bottom-up» (sondages, entrevues, recherche terrain participative, etc.) sont essentielles pour documenter les expériences et les besoins des acteurs de la nuit avec une approche humaine et inclusive. Toutefois, les sources de données ouvertes fiables sont également essentielles pour être en mesure de prendre des décisions éclairées, déceler les tendances, chiffrer les activités économiques et bien cibler les enjeux sur le territoire. Ces deux sources de données jouent un rôle important lorsqu’on cherche à créer une vie nocturne, sécuritaire et dynamique pour toutes et tous.

En conclusion, on remercie Montréal au sommet de la nuit d’avoir facilité des échanges riches sur les données ouvertes et la nuit. Ces discussions font vivre les orientations de la Politique des données ouvertes de la Ville en mettant à profit les données publiques pour favoriser le développement économique et améliorer la qualité de vie des citoyennes et citoyens. C’est pourquoi nous avons hâte de continuer les réflexions avec notre communauté sur l’apport des données ouvertes dans la vie nocturne dans la mise en œuvre du plan d’action pour revitaliser la vie nocturne de la Ville de Montréal.

Cet article a été publié préalablement sur le site web des données ouvertes de la Ville de Montréal.

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