Montréal en commun : vers une ville plus inclusive et collaborative

Par Maxime Thibault-Vézina,
conseiller en innovation au Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal

Les milieux urbains connaissent actuellement de grandes mutations et nos modèles de gouvernance actuels atteignent certaines limites pour s’y adapter. Certains des problèmes les plus urgents auxquels nous sommes confrontés en tant que société — changement climatiques, iniquités sociales croissantes, vieillissement de la population, etc.— , ne sont pas toujours adressés par nos nos gouvernements, creusant souvent l’écart entre les priorités des décideurs et les intérêts du plus grand nombre. Il apparaît de plus en plus évident qu’aujourd’hui, les administrations publiques du monde entier sont confrontés à des déficits d’efficacité et de légitimité qui viennent renforcer le cynisme des populations à leur égard.

Ce constat nous force à repenser nos modèles de gouvernance et adresser les enjeux publics avec de nouvelles perspectives plus inclusives et participatives. Plusieurs administrations, notamment au niveau municipal, proposent de démocratiser nos modèles gouvernementaux et rétablir un nouveau dialogue avec les populations pour adresser les problématiques de notre ère.

La ville de Montréal semble vouloir privilégier cette deuxième voie à travers sa nouvelle planification stratégique Montréal 2030 : “C’est en mobilisant l’intelligence collective, soit en établissant des liens serrés de réciprocité entre la Ville, sa population, les différents partenaires locaux, les villes et les réseaux de villes partenaires, que nous pourrons relever les défis les plus importants de notre époque”. Déjà, l’administration vise à démocratiser davantage la gouvernance municipale, et à accorder une plus grande place aux citoyen.ne.s et à la société civile dans la définition des orientations pour le développement des milieux de vie.

La ville de Montréal s’est dotée en 2022 d’un programme de budget participatif, où les citoyens sont invités à déposer des projets et voter pour les projets recevant le soutien financier de la municipalité. Crédit photo : Ville de Montréal
La ville de Montréal s’est dotée en 2022 d’un programme de budget participatif, où les citoyens sont invités à déposer des projets et voter pour les projets recevant le soutien financier de la municipalité. Crédit photo : Ville de Montréal

Cette approche, du par et pour, a notamment pour avantage de permettre la réalisation de projets plus durables et agiles, qui s’adaptent mieux aux besoins réels de leurs utilisateurs finaux, les résident.e.s.

Montréal en commun, un programme d’innovation collaboratif

Les principes de la gouvernance collaborative s’expriment assez concrètement à travers Montréal en commun (MEC), un programme d’innovation technologique et social qui soutient des projets et actions collectives pour un meilleur accès à l’alimentation et la mobilité urbaine à Montréal. Le programme implique directement les organisations qui portent les projets dans la définition d’orientations de MEC, et engage les résident.e.s dans le design et l’évaluation des projets.

Cette approche a deux objectifs :

  1. Développer par l’expérimentation et les processus participatifs (implication directe des résident.e.s) des solutions plus efficientes pour la mobilité et l’alimentation, parce que mieux adaptées aux besoins des populations locales.
  2. Favoriser les pratiques de gouvernance et de gestion de projet plus participatives et transparentes, qui pourront ensuite être reproduites dans l’ensemble des services municipaux et arrondissements de Montréal.

En somme, MEC se présente comme un nouveau partenariat, où la ville et ses nombreux collaborateurs du milieu communautaire, de la recherche et de l’administration publique, travaillent de concert de manière plus horizontale.

Voici quelques exemples pour illustrer comment cela se traduit concrètement sur le terrain :

  • Par le soutien à des projets dans lesquels citoyen.n.es et acteurs de la société civile sont directement impliqués afin de trouver des solutions centrées sur les besoins spécifiques à chaque milieu de vie. À titre d’exemple, pour appuyer un projet de serre hivernale sur des espaces publics de stationnement dans l’arrondissement Ville-Marie, des résident.e.s du secteur ont été directement impliqué.e.s dans l’évaluation de la solution lors d’un atelier visant à réfléchir conjointement aux usages alternatifs des espaces publics.
Des citoyen.ne.s de l’arrondissement Ville-Marie participent à un atelier sur l’occupation de l’espace public par des projets d’agriculture urbaine, organisé par un consortium de plusieurs partenaires dans le cadre du projet de Laboratoire d’innovation civique pour l’expérimentation réglementaire. Crédit photo Ville de Montréal
Le projet de serre urbaine hivernale développé dans le quartier Centre-Sud sur des espaces de stationnement. Ces projets sont réalisés conjointement dans le cadre de MEC, à travers une collaboration étroite entre le Carrefour solidaire, Centre communautaire en alimentation, la Maison de l’innovation sociale, Solon et le Laboratoire sur l’agriculture urbaine. Crédit photo Ville de Montréal
  • Par un comité d’orientation et des comités de travail qui regroupent des représentant.e.s de chaque projet (OBNL, chercheurs, représentants gouvernementaux), pour définir avec eux les orientations du programme, en faire l’évaluation continue et les impliquer directement dans l’ajustement des interventions;
  • Par l’organisation, par Solon, d’événements citoyens, comme les Foires des possibles, qui permettent de mobiliser les communautés et de valoriser l’innovation citoyenne dans la transition socio-écologique des quartiers;
  • Par la définition avec les partenaires du programme d’une vision de changement partagée et en mettant de l’avant des principes communs autour de la gestion éthique des données et des solutions technologiques;
  • Par des ateliers de travail, communautés de pratiques et formations sur les thématiques et principes phares du programme, comme la gestion éthique des données, l’inclusion et l’accessibilité universelle, l’engagement citoyen, l’innovation sociale, l’expérimentation, les méthodes de développement de projet de manière agile, etc.
  • Par la possibilité, pour les porteurs de projets, de travailler de manière plus agile et itérative, en adaptant les projets sur la base des résultats d’expérimentation qui sont évalués en continu.

Vers une mise à l’échelle du modèle collaboratif

Le modèle collaboratif proposé par MEC est une expression très concrète des principes de gestion que souhaite appliquer la ville à travers la vision de Montréal 2030. Les apprentissages et outils tirés de cette expérience pourront ainsi être diffusés au plus grand nombre d’acteurs possible dans l’administration municipale : bons et moins bons coups, ce qui fonctionne le mieux, ce qui a le plus d’impact.

Concrètement, d’ici la fin du programme en 2025, MEC devra pouvoir aider à identifier des conditions gagnantes de gestion collaborative pouvant être partagées et répliquées dans l’ensemble des services et arrondissements de la ville, et même idéalement, d’autres municipalités.

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