Quel rôle pour les villes dans le déploiement de la technologie 5G?

Stéphane Guidoin
Lab d'innovation urbaine de Montréal
4 min readDec 11, 2020

Article écrit en collaboration avec Alvar Herrera et Étienne Lebeuf-Daigneault

Après près de 2 ans de travail, la Ville de Montréal entérinait le 16 novembre dernier le lancement du projet pilote urbain 5G. Ce projet, d’une durée de 24 à 36 mois, permettra le déploiement de micro-cellules de la technologie cellulaire 5G sur le mobilier urbain de la Ville dans une zone de 4,1 km2 au centre-ville de Montréal. Le texte qui suit vise à expliquer comment se positionne Montréal dans ce domaine qui est avant tout une compétence de juridiction fédérale.

La 5G, le mobilier urbain et beaucoup d’interrogations

Depuis les premiers téléphones cellulaires, chaque nouvelle génération de technologie cellulaire proposait avant tout une évolution au niveau des bandes de fréquence. La 5G (5e génération) arrive avec de nouveaux éléments : en permettant un usage plus dynamique des points de connexions, en supportant un usage plus diversifié de différentes bandes de fréquence, cette nouvelle génération cellulaire apporte une nouvelle architecture technologique. En parallèle, la physique de propagation des ondes fait qu’un déplacement progressif vers un spectre de fréquence plus élevé se traduit par des ondes qui se propagent moins loin. Il devient nécessaire pour les opérateurs d’envisager un déploiement différent de leur réseau.

Dans ce contexte, l’utilisation du mobilier urbain, principalement les lampadaires et les feux de circulation, présente l’avantage d’être disposé de manière régulière, bien placé et déjà électrifié. Toutefois, l’accès au mobilier urbain soulève également plusieurs défis opérationnels. Tout d’abord, les infrastructures cellulaires nécessitent l’accès à un réseau filaire fiable et rapide, sous forme de fibre optique; actuellement le mobilier urbain n’est pas massivement “fibré”. Par ailleurs, il est nécessaire de mieux comprendre les besoins des partenaires en télécommunication en ce qui concerne les opérations nécessaires pour l’installation. Et il existe certainement d’autres inconnues liées au déploiement sur du mobilier urbain.

En d’autres termes, le besoin d’apprentissages autour de l’installation de cette technologie est significatif. C’est pour cette raison qu’au cours des derniers mois, les équipes de la Ville impliquées sur ce dossier ont opté pour une approche de projet pilote: un accompagnement dynamique, à la fois souple et encadré, d’un déploiement de petite envergure, permettant autant aux opérateurs de télécommunication qu’à la Ville de découvrir les implications de l’implantation d’une telle technologie.

Dans un contexte où la réglementation et l’autorisation de déployer de la 5G sont contrôlées par le gouvernement fédéral, la Ville de Montréal développe le projet pilote pour évaluer l’impact de la 5G sur l’espace public et s’assurer que sa voix, et celle de la population montréalaise, soient prises en considération dans cette démarche.

Qu’est-ce qu’un succès pour ce projet pilote? Une connaissance des efforts, impacts et conséquences sur l’espace urbain afin de s’assurer que la Ville puisse gérer au mieux les effets financiers, esthétiques et opérationnels du déploiement de la technologie 5G sur le mobilier urbain.

Dans le cadre du projet pilote, Montréal a signé une entente avec les compagnies Beanfield Metroconnect, Bell, Rogers, Telus et Vidéotron qui auront toutes la possibilité d’accéder à des éléments de mobilier urbain dans la zone du projet pilote. Du côté de la Ville de Montréal, les services de l’urbanisme et de la mobilité, des infrastructures et du réseau routier ainsi que des technologies de l’information seront impliqués pour accompagner les opérateurs et, évidemment, apprendre. Le Laboratoire d’innovation urbaine joue quant à lui un rôle de coordination tout en proposant des approches d’essai et d’évaluation des apprentissages.

Des projets novateurs

En parallèle, le projet pilote est aussi une occasion d’apprendre sur l’usage de la technologie 5G elle-même. En effet, comme pour quasiment chaque nouvelle technologie, de nombreux avantages sont envisagés; il convient toutefois de valider l’existence de ces avantages et surtout de définir des cas d’usage concrets où cette technologie démontre sa valeur.

Grâce à un partenariat avec ENCQOR (Évolution des services en nuage dans le corridor Québec-Ontario pour la recherche et l’innovation), le projet pilote permettra à des partenaires (universités, petites et moyennes entreprises, startups, etc.) de tester des mises en application potentielles de la 5G.

Les domaines d’application de la technologie 5G sont vastes: les objets connectés, les soins de santé à distance, la réalité virtuelle et immersive, l’agriculture urbaine, l’optimisation du trafic routier, ou encore de nouvelles applications de l’Internet des objets. En termes de ville intelligente, la Ville de Montréal pourrait aussi directement bénéficier de cette technologie. Elle pourrait l’utiliser pour ses réseaux de sécurité publique, pour la gestion des déchets en temps réel, pour la mesure de la qualité de l’air, par exemple.

En déployant cette technologie sur un territoire délimité et contrôlé, nous donnerons aux universitaires, aux petites, moyennes et grandes entreprises et aux citoyens l’infrastructure nécessaire pour développer et tester des solutions nouvelles dotées d’un potentiel de transformation pour notre communauté tout en évaluant les divers impacts de cette technologie.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’avec ce projet pilote, Montréal se positionne dans une posture d’apprentissage: apprentissage sur le déploiement d’un réseau 5G et apprentissage pour l’écosystème montréalais sur la valeur réelle et les possibilités de la 5G.

Pour en savoir plus, consultez la page du projet pilote sur montreal.ca.

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Stéphane Guidoin
Lab d'innovation urbaine de Montréal

Expert en innovation et stratégie, avide consommateur de chocolat, cycliste invétéré