Le Mot Magique

Lisa Hagen
Spotlight
Published in
4 min readNov 16, 2020

Le monde est devenu fou. Chacun.e s’accorde sur le fait que 2020 n’est pas une année folle. Pandémie, attentats terroristes, effondrement de l’économie. Mais une autre évolution, plus lente, moins violente, mais toute aussi pernicieuse, devrait également nous alarmer : la perte de politesse et de compassion au travail.

On a peur. On est fatigué.e. On est tendu.e. Et pour de bonnes raisons — mais qu’est-ce que c’est que cette année ? Ce deuxième confinement a achevé le petit espoir de l’été de revenir à une vie à peu près normale. Et le fait que nous soyons en novembre, n’améliore vraiment pas l’humeur générale. Soit ! On ne vous apprend rien de nouveau. En revanche, ce qui est nouveau (et vraiment inquiétant) c’est la conséquence de cette pression continuelle. Nos échanges deviennent de plus en plus froids, poussés par une envie de nous décharger sur nos contacts quotidiens — collègues, prestataires, partenaires. N’avons-nous vraiment plus le temps de dire « bonjour », « merci » ou « au revoir » ? Allons-nous vraiment sacrifier notre savoir-vivre à la crise ? Si nous ne faisons pas attention, l’hostilité et la pression vont devenir la norme dans nos échanges… et que nous restera-t-il ensuite ?

L’insoutenable pression du lieu de travail

Lundi matin, 9h15, premier mail : pas de « bonjour », pas de « comment ça va ? », juste un ordre ou un reproche. « C’est urgent », « pourquoi n’est-ce pas déjà fait ? ». Agréable début de semaine, vraiment ! Premier texto de la journée et à nouveau pas de bonjour. Pas le temps. « Tu peux t’occuper de ça », « oui », l’échange est fini. On peut avoir passé le meilleur des week-ends, tout est oublié avec ces premiers échanges au travail. Mais le résultat n’est pas celui souhaité. Nous ne travaillons pas mieux dans un environnement inamical. Une étude de 2014[1] relevait déjà que 75 % des salariés déclaraient que les incivilités au travail affectaient leur productivité. Avec la perte de contact régulier due au télétravail, cette tendance ne fait que s’accentuer.

Le problème est que nous entrons dans un cercle vicieux d’impolitesse : l’économie incertaine met la pression aux dirigeant.e.s, qui mettent la pression à leurs employé.e.s, qui mettent la pression à leurs prestataires, qui propagent la pression en interne et aux prochain.e.s interlocuteurs.ices. Conséquence ? On se parle mal, on est malheureux.ses et notre motivation en prend un coup. Personne n’est responsable per se, mais in fine nous sommes tou.t.e.s coupables de cette dégradation de l’environnement de travail — et c’est dommage. Il y a assez de vrais problèmes dans ce monde, pour que nous n’ajoutions pas un mal-être inutile là où nous passons le plus clair de notre temps.

Au final, cette passive-agressivité latente nous impacte tou.t.e.s : qui veut donner tout pour quelqu’un.e qui nous parle mal ? Et est-ce que le fait de pester dans un mail ou un whatsapp améliore vraiment notre situation ?

L’irrésistible envie de sourire

La beauté de la courtoisie réside en cela qu’elle est simple, mais universelle. En vérité, nous n’avons qu’à suivre un concept peu novateur, à savoir la Règle d’Or qui primait déjà en Grèce antique : « Traites les autres comme tu voudrais être traité.e ». Boum, pas plus, pas moins, mais le ROI (très important en entreprise) d’un mail empathique est immédiat — une réponse positive, moins de tension et même — qui sait — un sourire !

Il y a d’innombrables preuves que le rire aide à évacuer le stress. Il y a même des thérapies qui se basent sur le rire (la rigolothérapie). Alors, pourquoi ne pas transposer cette idée au travail avec une « politesso-thérapie » ? Votre équipe ne va pas relâcher ses efforts parce que vous envoyez un smiley dans votre mail ou parce que vous faites une blague en réunion. Au contraire ! Nous sommes naturellement plus enclin.e.s à vouloir plaire à celles et ceux qui nous valorisent.

Essayez : lancez-vous un petit challenge pour votre prochain mail/slack/whatsapp/appel et posez-vous ces trois questions :

  • « n’avez-vous vraiment pas le temps de répondre à un mail avec un petit « merci » ? »
  • « Cela vous coûterait-il vraiment de dire ‘s’il-vous-plaît’ (aller, on vous accorde un svp) ? »
  • « Est-ce que votre interlocuteur mérite votre ton et est-ce que cela vous fait avancer dans vos objectifs ? »

Peut-être que cela ne changera pas le monde, mais notre humeur collective oui. Et c’est déjà pas mal.

Dans une situation où nous avons peu de marge de manœuvre pour changer quoi que ce soit, nous devons nous accrocher à chaque action que nous pouvons mener. Nous avons le pouvoir de bien nous traiter les un.e.s les autres et de ne pas nous laisser miner par l’anxiété. La politesse, c’est notre révolte contre 2020 — et ça fait du bien, non ?

[1] https://www.eleas.fr/enquetes-eleas-les-incivilites-au-travail-le-vecu-des-francais-suite/

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