Ode aux travailleurs libres (?)

Annelise Meyer
L’Alternateur
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5 min readMar 10, 2018

Si vous vous intéressez au monde du travail comme moi, vous n’aurez pas manqué cet article paru cette semaine, sur la crise du “quart de vie” : cette fameuse crise de sens dans le travail qui touche les actifs de plus en plus tôt. D’après l’article, ce que recherchent ces jeunes en perte de repères, plus que la reconnaissance de leur malaise, ce sont des ressources, un accompagnement, du mentoring pour leur permettre de mieux discerner leurs possibilités et de trouver leur chemin.

Si j’ai pu observer ce phénomène à l’occasion de mon passage par le programme “Fais le bilan, calmement” de SWITCH COLLECTIVE en 2016, auprès de “buddies” de promo dont la plus jeune avait à peine 23 ans (!), la simplification générationnelle qui accompagne son traitement médiatique tend régulièrement à me frustrer. Parmi les formidables personnes qui m’entouraient dans la promo 5 du bilan de Switch Collective, les âges et profils étaient pour le moins variés (plusieurs personnes étaient même plus âgées que moi, malgré mon “grand” âge :)), et malgré cela c’est un même ressenti qui nous a réunis pendant ces six semaines de bilan parfois difficiles, souvent enthousiasmantes : la sensation de ne plus savoir pourquoi nous travaillions (ou voulions travailler, pour celles et ceux qui avaient déjà “craqué” en démissionnant de leur poste avant même de s’inscrire).

Solitude

L’autre chose qui m’a frappée, et un peu complexée dans un premier temps, c’était le fait que j’étais la seule freelance dans la promo. De quoi soulever un autre “lièvre” (ou était-ce un lapin…?) générationnel : non, tous les jeunes de moins de trente-cinq ans ne veulent pas forcément devenir free ! J’ai même retrouvé chez certains les mêmes craintes ou doutes par rapport à ce statut que j’en rencontre régulièrement chez mes amis plus âgés ou les membres de ma famille. Vous savez, ceux qui ne vous demandent pas comment vous allez, mais si vous arrivez à joindre les deux bouts… l’air de ne pas y toucher :)

Et sinon… tout va bien, tu as beaucoup de clients ?

Après avoir mis mes complexes au placard, je me suis retrouvée à demander à certains des buddies qui ne trouvaient pas chaussure à leur pied en entreprise s’ils n’envisageaient pas éventuellement de créer leur propre activité, histoire de trouver et créer eux-mêmes du sens dans ce qu’ils feraient. Avec des réactions parfois assez viscérales : “Oh non, je ne pourrais pas le supporter” “Trop dur de travailler seul.e” “Ce n’est pas pour moi”.

Quand j’observe, avec grand plaisir, comment mes camarades de promo ont évolué depuis la fin de notre bilan en octobre 2016, je me rends compte que tous ces repères, ressentis… ont bien changé. Certains ont trouvé ou retrouvé des postes et responsabilités salariés dans lesquels ils s’épanouissent pleinement, d’autres ont repris des formations ou ont décidé de faire une pause. D’autres encore… ont franchi un cap qu’ils n’auraient jamais pensé passer et sont devenus freelances, se créant une activité qu’ils n’ont pas trouvé (ou pas voulu trouver) le moyen de développer en entreprise.

Le point commun de ces switcheurs, quel que soit leur statut — ou leurs difficultés ? Avoir retrouvé du sens dans ce qu’ils font. Et c’est bien là l’essentiel. Dans deux mois, cela fera onze ans que je suis freelance. J’ai eu mes hauts et mes bas, j’ai moi-même vécu une crise que je nommerais “crise du tiers de vie”, à trente-trois ans passés, et alors que j’avais hypothétiquement la capacité de créer mon sens, étant free. Au final, je me rends compte très clairement que l’opposition n’est pas dans le statut : salarié ou indépendant, on peut être très épanoui comme très malheureux. L’essentiel est d’avoir les instruments, les outils, les mentors pour nous accompagner sur un chemin qui ne ressemblera à aucun autre. Que l’on ait 23 ans, 33 ans, 40 ans… ou même 59 ans.

Le monde du travail évolue… mais celui des travailleurs aussi, et c’est bien à ce niveau que du travail reste à faire : pour remplacer le concept omniprésent d’emploi par celui bien plus puissant d’activité (voire, attention gros mot, de TRAVAIL), et ainsi cesser d’exclure des discussions, législations, décisions, toute une population qui aspire aussi à être reconnue. D’après l’étude réalisée par Laetitia Vitaud et publiée par Malt cette semaine, la France compterait environ 800 000 freelances. Un chiffre qui compte, non ?

Parce que le travail indépendant et l’avenir du travail sont des sujets intimement liés, plusieurs acteurs s’en emparent ces dernières années pour essayer de faire avancer les choses. Ce mois de mars est prolifique : après Wemind, qui a lancé avec SOTØ et Ouishare une enquête sur les freelances et le chômage, et Malt et son étude sur les relations entre grandes entreprises et freelances, Mutinerie organisera pour la deuxième année consécutive un grand événement autour et pour les freelances, la Freelance Fair.

Cerise sur le gâteau, l’événement parisien, organisé sur deux jours les 26 et 27 mars, sera précédé d’une semaine d’événements en région, le Freelance Fair Tour. Freelances, porteuses d’un projet de Tiers Lieu qui accompagnera — notamment — des travailleurs indépendants dans leurs projets, nous avons tenu avec ma partenaire du Bac à sable, organiser notre propre événement “en région” autour du travail indépendant : ce sera le mardi 20 mars, à Champigny-sur-Marne. Les infos complètes sont ci-après. Nous espérons accueillir beaucoup de personnes, freelances aspirants ou simples curieux, pour poursuivre la discussion :)

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Annelise Meyer
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Traductrice, blogueuse et coworking-addict en soif de connaissances et de partage - A translator, coworker & positive blogger / tweeter / idea spreader :)