Marc Forget — Questionnaire

La Recrue
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6 min readAug 15, 2011

Marc Forget répond au questionnaire de La Recrue du mois.

À quel moment avez-vous su que vous souhaitiez écrire ?

Ça s’est passé tout d’un coup ou presque. Auparavant, c’était un espèce de fantasme, je me disais un jour peut-être… et je l’entretenais à travers de petites choses : dans l’effort que je mettais à raconter mes voyages à mes amis, dans mes cartes postales : je faisais un brouillon, puis une première version, puis une deuxième, jusqu’à satisfaction… Il y a quelques années, j’ai fait lire à ma copine d’alors des mails de groupe que j’envoyais de mes missions. Elle les a aimés, ce qui m’a donné le goût d’y croire. Et un jour j’ai décidé de foncer. Je n’avais pas de plan, je ne savais pas si ça aboutirait, mais je me suis lancé. La suite fut un champ de mines…

Sur combien de manuscrits avez-vous travaillés avant que ce projet voit le jour ?

Un seul, et c’est celui qui est devenu Versicolor.

Comment s’est déroulé le processus d’édition ?

J’ai d’abord écrit une première version, qui était, je peux le dire maintenant, d’une lourdeur épouvantable. Je l’ai fait lire à quelques amis, qui m’ont donné leurs avis éclairés puis j’ai entrepris la deuxième version. Je l’ai envoyée à un seul éditeur, qui me l’a refusée, après avoir manifesté quelques signes encourageants. J’ai trouvé extrêmement difficile de ne pas pouvoir obtenir de commentaires de lecture de leur part. Je ne connaissais personne dans les milieux littéraires, et je voulais tellement me faire aiguiller pour la suite des choses… Première rebuffade. On m’a parlé du programme de mentorat de l’UNEQ, mais ma logistique personnelle rendait l’expérience impossible. J’ai ensuite contacté trois auteurs dont j’avais aimé les livres pour leur demander s’ils pouvaient me lire mais ils ont tous décliné, quoique élégamment. Ensuite je l’ai retravaillé mais comme je ne savais pas ce qui, dans le texte était du tendon et ce qui était du lard, j’ai très peu modifié et je l’ai envoyé à plusieurs maisons d’édition. Refus partout. J’avais pris la peine d’écrire une lettre à chaque éditeur pour carrément leur quémander des commentaires de lecture en cas de refus. Certains m’ont renvoyé le manuscrit et j’ai vu que mes lettres n’avaient même pas été ouvertes… ouch ! Une éditrice (française), à l’esprit chagrin, m’a envoyé un commentaire rempli de méchanceté et de hauteur navrante (j’ai gardé la lettre) et deux autres m’ont envoyé les commentaires de leurs lecteurs, agrémentés de leurs propres réserves. Je me suis accroché à ces quelques pages comme à l’échelle d’un bateau sur lequel je voulais naviguer. J’ai retroussé mes manches, retravaillé mon manuscrit. J’avais l’impression de jouer au Kerplunk : tu enlèves un pic, tu espères que les billes restent en équilibre, tu en enlèves un autre, etc… Ma structure originale était fort compliquée : j’avais cinq narrateurs, certains parlaient au passé mais du futur, d’autres le faisaient et en plus intervenaient aussi au présent, cela rendait la lecture un brin difficile… bref je chaussais une pointure trop grand… J’ai fini par obtenir quelque chose de plus cohérent et cette fois, j’ai envoyé le manuscrit à un groupe limité de maisons d’édition. Trois se sont montrées intéressées, dont l’une de celles qui m’avaient envoyé des commentaires de lecture. J’ai senti que je leur devais loyauté. J’ai par la suite encore émondé, mais cette fois j’étais dans les mains d’une éditrice qui, tout en me faisant confiance, me disait clairement ce qui clochait et ce qui touchait la cible. Ce fut plus facile, en tout cas j’étais moins dans le doute, je me sentais moins seul.

Quel métier rêviez-vous d’occuper enfant?

Cascadeur… Je voulais être Evel Knievel.

Avez-vous un rituel d’écriture ?

J’écris dans le silence total. Je mets des bouchons dans mes oreilles. Je préfère écrire la nuit. J’ai aussi comme rituel de ne pas en parler. Les gens qui parlent sans cesse de leurs projets et qui ne font rien m’énervent, alors je me suis dit qu’il fallait faire le contraire. Question de pudeur. D’orgueil aussi, sans doute.

Racontez-nous l’histoire du titre de votre ouvrage…

Au départ, je voulais appeler le roman PRISMACOLOR, mais l’éditeur a tiqué, en raison des possibles ennuis avec la compagnie de crayons. J’ai fait des pieds et des mains pour approcher les gens de Prismacolor, ils ont été bien gentils mais ils ont fini par me refuser le droit d’utiliser leur marque de commerce. J’y tenais beaucoup, alors ce fut une déception. J’ai finalement choisi Versicolor, et au final je suis très content de mon titre.

Enfant, que lisiez-vous? Quel est votre premier souvenir de lecture?

Le Club des Cinq. Le livre en images « la sexualité expliquée aux enfants », aussi, que j’ai lu plusieurs fois…

Avez-vous un plaisir coupable de lecture ?

Le Elle-Québec !!! Sérieusement, il y a eu une époque où j’aimais lire les magazines féminins. On y trouve beaucoup de plumes élégantes. Je sais pas pourquoi, mais j’avais l’impression d’être en train d’espionner un vestiaire de filles…

Que lisez-vous présentement ?

Le manuel d’instruction du respirateur de mon centre de santé… De la lecture utile mais assommante… Sinon je voudrais attaquer bientôt L’équilibre du monde, de Rohinton Mistry. Je suis allé en mission au Sri Lanka cet hiver et j’y ai vu une copie en anglais qui traînait. Je l’ai acheté au retour.

Quel est votre héros favori dans la fiction ?

Holden Caulfield. Un deuxième ? Nathan Fisher.

Y a-t-il un genre littéraire que vous avez tenté d’aimer, entreprise qui a échoué à chaque fois ?

Je n’aime pas les polars. J’ai lu quelques romans de Fred Vargas, j’ai aimé, mais en général ce genre ne me dit rien. Et la science-fiction encore moins.

Y a-t-il un livre que vous avez abandonné et que vous vous promettez de reprendre un jour ?

Under the volcano. Il m’est tombé des mains mais je veux non seulement le lire mais bien le digérer. Parfois, devant les chefs d’œuvre, il faut faire un effort particulier.

Quelques mots sur les critiques ? Vous les lisez ou les ignorez? Elles vous lisent ou vous ignorent ?

Je les lis bien sûr ! Je les reçois avec anxiété. J’ai toujours espoir que l’on aime ma proposition. Je suis capable d’en prendre, car je pense être mon critique le plus sévère. Cela dit, si les critiques littéraires sont utiles, je trouve que les coups de gueule le sont moins… À date, j’ai été assez gâté. Je lis aussi les critiques de ceux qui ont publié en même temps que moi. Je sympathise quand ils en prennent plein la gueule. C’aurait très bien pu être moi… Je trouve que la littérature a quelque chose de très cruel. L’auteur est tout seul au bat, les lecteurs sont peu nombreux, en grande majorité lettrés et exigeants, la compétition est féroce, les possibilités d’en vivre quasi-nulles, bref il faut une sacré dose d’inconscience pour s’y lancer !

Que pensez-vous de l’édition à compte d’auteur ?

Si l’écriture est un acte solitaire, publier l’est moins. Personnellement, je n’ai jamais envisagé cette possibilité.

Quel conseil donneriez-vous à ceux qui ont l’ambition d’écrire et aimeraient être publiés ?

La plus grande qualité pour arriver à publier n’est pas le talent. D’ailleurs, plein de plus talentueux que vous n’arriveront pas à se faire publier. Il faut être teigneux. Ne jamais lâcher le morceau. L’adage qui dit qu’il faut remettre cent fois son ouvrage sur le métier (ou est-ce le contraire ?) trouve tout son sens en littérature. Si vous croyez que publier sera un jeu d’enfant, j’ai déjà mal pour vous…

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Vitrine des premières oeuvres littéraires québécoises