Conversation avec Stéphane Schultz, fondateur de “15marches” 🚗

Valentin Decker
L'atelier Verrochio
5 min readJan 4, 2017

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J’ai eu l’occasion de discuter pendant 1 heure avec Stéphane Schultz, fondateur de la société de Conseil Numérique : 15marches (15marches).
Cet article, qui relate cette discussion, s’articule en 2 grandes parties. La première traite du parcours personnel de Stéphane Schultz, la seconde concerne sa vision de l’économie numérique.

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1. Portrait

Son parcours

Voulant initiallement se diriger vers une carrière dans le Droit, Stéphane Schultz choisi finalement de s’orienter vers des études d’urbanisme. Ce qui l’amène à s’intéresser au domaine du transport. Stéphane occupe plusieurs postes, et travaille notamment pour Keolis, groupe franco-québecois opérant dans les transports publics. Il crée une application smartphone en 2010, “Gare 360", qui sera racheté quelques temps plus tard par la SNCF.
Possédant déjà une très bonne compréhension des enjeux du monde du transport, Stéphane ajoute une corde à son arc, s’intéresse aux évolutions numériques, aux nouveaux usages et aux startups. Il se “reboot”.
Ce choix s’avère être particulièrement stratégique puisqu’au même moment Uber et Blablacar explosent. Les enjeux de mobilité rentrent au centre du débat. Et leur compréhension devient essentielle.

15marches

Stéphane décide alors de monter la société 15marches pour aider “ses clients à décrypter les changements, explorer de nouveaux modèles d’affaires et définir leur stratégie numérique”.

15marches travaille principalement avec des grands groupes, désireux de comprendre le numérique et les startups. Il agit en particulier sur les problématiques du transport et de la mobilité.
En parallèle Stéphane écrit des articles sur son blog. Celui-ci est un bon moyen de se faire connaitre et d’afficher une expertise dans son domaine. Il y décrypte les grandes tendances, avec toujours le souci de prendre un maximum de recul, d’identifier les mouvements de fond pour essayer d’en dégager des patterns.

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2. Décryptage de l’économie numérique

Numérique & disruption

Malgré ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas eu tant de disruption que cela. On nous promet monts et merveilles, “a better place to live”, mais pour l’instant, on ne constate que très peu d’innovations de rupture majeures. Enormément de problèmes importants n’ont pas encore été résolus et le chemin est encore long. Nous ne sommes qu’au début de l’ère numérique. Les acteurs principaux, les GAFA, tatônnent encore et ont du mal à sortir de leurs coeurs de métier respectifs.

Pas mal de questions quant au modèle économique des entreprises numériques peuvent être posées. Globalement, il s’agit d’entreprises peu capitalistiques au sens où elles créent assez peu de valeur : elles emploient -relativement- peu de monde et possèdent peu de capital. Très souvent, elles opèrent “Over The Top” : elles utilisent les infrastructures déjà existantes pour venir fournir un service par dessus. Whatsapp utilise le réseau Internet mis en place en amont par les fournisseurs d’accès pour y apporter un service de messagerie et capter de la valeur.
Or, la présence d’industries lourdes, fortement intensives en capital, est indispensable au bon fonctionnement de l’économie et à l’existence même de ces entreprises numériques.

Ce que change véritablement le numérique concerne la répartition et l’accès à l’information. On assiste à une importante baisse de toutes les barrières à l’entrée. L’industrie de la musique en est un exemple particulièrement parlant. Avant le numérique, la quasi-totalité de la valeur était captée par une petite partie d’artistes et de majors : 1% captait 99% de la richesse. Avec le numérique, la valeur est beaucoup mieux répartie, en un très grand nombre d’acteurs (sur Youtube, Spotify, Deezer …). Les artistes gagnent beaucoup moins, mais beaucoup plus d’artistes peuvent vivre de leur musique.

Don’t believe the hype

Le numérique et les startups sont indéniablement hype. Comme le fait Stéphane, il est bon d’être capable de prendre du recul.
La communication des entreprises numériques nous fait croire à des innovations disruptives tous les 4 matins. Et fait monter en nous un sentiment d’urgence et d’excitation perpetuelle.
Y a t-il réellement un marché pour la dernière tendance à la mode que sont les véhicules autonomes ? Quand on sait que seulement 6% des voitures en circulations en France en 2016 étaient des voitures neuves, les doutes sont légitimes.

La communication des grandes entreprises classiques nous vend de l’Open Innovation, des incubateurs à tour de bras et autres concours/weekend startups. D’ici quelques jours, nous aurons droit à des vastes plans de communication autour du CES de Las Vegas. D’autant plus que nous sommes en année d’élections présidentielles.
Problème : il ne se passe grand chose. En quoi nos chères grandes entreprises nationales, les Orange, SNCF et autres banques, ont-elles été innovantes ces 5 dernières années ?
Dans un article sur le blog de 15marches, Stéphane Schultz nous explique que les incubateurs sponsorisés par les grands groupes et leurs associations avec des startups se termine bien souvent en simple relation fournisseur-maison mère ou en externalisation de la R&D. Les initiatives de ce type sont, dans l’écrasante majorité des cas, des échecs.

Quelle rôle pour la France ?

On a le sentiment que l’essentiel de l’innovation se fait dans la Silicon Valley. La France a malgré tout un rôle à jouer. Sous certaines conditions. Il est indispensable d’adopter une attitude plus humble et d'arrêter de croire que nous pouvons nous suffire à nous même.
Penser national et franco-français dans un contexte globalisé est totalement contre-productif. Notre potentiel de marché est, de facto, extrêmement limité : 40 à 50 Millions de clients possibles, contre pratiquement 400 Millions pour les Etats Unis et le Canada.

Comme dit plus haut, beaucoup de choses sont encore à faire et d‘importants problèmes sont à résoudre. Il reste notamment pas mal de possibilités pour des services de niches très pointus et spécifiques. Criteo est un bon exemple de la voie à suivre.

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3. Pour finir

Un livre à nous conseiller ?

Pour bien comprendre les enjeux du numérique : “La longue Traîne” de Chris Anderson.

Un entrepreneur à suivre ?

“L’entrepreneur à suivre c’est vous. Il ne faut pas essayer d’idolatrer qui que ce soit. Essayez de vous appliquer tous les conseils que l’on donne aux startups à vous même. C’est vous qui construisez le monde de demain. C’est pour cela que je suis optimiste”.

Merci encore à Stéphane.

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