David contre Goliath : la résistance verte guatémaltèque face aux multinationales

Simon cyc
Latinioo
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3 min readNov 25, 2017

En Juin 2017, 400 paysans guatémaltèques ont été expulsés de leurs terres. En effet plus de 1200 soldats de l’armée guatémaltèque ont réduit en cendres leurs villages, conformément à une ordonnance du tribunal. Ces paysans faisaient partis de la communauté de Laguna Larga, située dans le département de Petén (nord du Guatemala). Le tribunal justifie cette action par le Conseil national des zones protégées (CONAP) du Guatemala, qui aurait demandé l’expulsion de la communauté pour une question de protection de l’environnement et des ressources naturelles.

Cependant La zone est connue pour être une étape importante du trafic de drogue et un site important d’exploitations qui vont du pétrole aux mines. Selon Amnesty International, l’expulsion n’a rien à voir avec des raisons environnementales et fait partie du «long conflit sur le régime foncier du Petén» et du contrôle des ressources naturelles.

En effet, le département du Petén, abrite la zone humide la plus importante de Mésoamérique. Région frontalière avec le Mexique, sa richesse est telle qu’elle a été déclarée zone naturelle protégée par le Guatemala en 1989.

Mais les implications de ce statut s’appliquent en deux poids, deux mesures : les communautés paysannes se font expulser alors que les narcotrafiquants se sont vu légaliser la propriété sur leurs terres. De plus, Perenco (entreprise pétrolière franco-britannique) a pu reconduire son contrat d’exploitation pour quinze années supplémentaires. Les installations pétrolières de cette dernière bénéficient de la protection du «Bataillon vert», créé en septembre 2010 et composé de militaires utilisant des techniques de « contre-insurrection » pour défendre les intérêts de Perenco. Le dernier rapport du Collectif Guatemala, révèle que la multinationale a financé l’Etat guatémaltèque à hauteur de 3 millions de dollars pour la création de ce Bataillon vert.

Aujourd’hui environ 40 % du parc national a été défriché.

Néanmoins contre toutes ces injustices, des voix arrivent à se faire entendre. C’est le cas de Rodrigo Tot. En effet, Tot est un paysan indigène guatémaltèque qui a reçu le 24 avril 2017, le prix Goldman (Nobel vert) pour sa défense de la terre contre le gouvernement et les multinationales ainsi que pour avoir fait reconnaître les droits de la communauté Q’eqchi. Ce prix créé en 1989 par Richard et Rodha Goldman vise à reconnaître les gens qui ont réalisé des choses extraordinaires pour la défense de l’environnement.

Tot lutte depuis 43 ans contre l’Etat du Guatemala et les compagnies de nickel qui veulent mettre la main sur ses terres et sur celles de 63 autres familles de paysans, dans le département d’Izabal. La lutte de ce pasteur évangélique a commencé en 1974 quand une loi a forcé les indigènes à payer pour les titres de propriété qu’ils occupaient et exploitaient depuis des générations.

Les agriculteurs ont promis de payer environ 4 500 quetzales (environ 600 dollars) avec un prêt à payer en 20 ans. Pendant ce temps, ils ont reçu un titre de propriété provisoire. Cependant, en 1988, les registres de propriété de la communauté foncière ont mystérieusement disparu. L’ancien président Alfonso Portillo, a refusé de remettre des titres de propriété malgré l’argent payé par les agriculteurs, préférant accorder des permis d’exploitations à des multinationales. Il a été condamné depuis pour blanchiment d’argent et corruption, il sortira de prison en 2019.

Peu de temps après, ces titres de propriété ont été transférés à la société guatémaltèque du Nickel (CGN).

Le prix est une reconnaissance mais aussi une condamnation à mort. Deux des derniers gagnants d’Amérique latine ont été tués. L’Amérique latine est la région la plus dangereuse pour les activistes environnementaux, avec plus de 570 d’entre eux tués entre 2010 et 2015. Au Honduras voisin, l’affaire Berta Caceres avait suscité l’indignation internationale, la militante avait été tuée pour s’être opposés aux mégaprojets hydroélectriques en cours.

Rodrigo Tot a été récompensé avec cinq autres écologistes de tous les continents qui recevront chacun 175 000 $ pour continuer leur combat.

Sources :

https://elpais.com/internacional/2017/06/15/mexico/1497555693_799865.html https://elpais.com/internacional/2017/04/25/america/1493081861_814122.html

http://www.liberation.fr/planete/2011/12/28/guatemala-militaires-et-multinationales_784532

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