Reconstruction

Xavier Zeitoun
Le blog de Xavier Zeitoun
7 min readSep 12, 2017
Les gens qui ont créé Zenchef

J’écrivais ici il y a un an environ le bilan de l’année la plus difficile de ma vie d’entrepreneur. Ce post sous forme de catharsis a depuis été lu plus de 15 000 fois et largement relayé, ce qui m’a valu beaucoup de félicitations et quelques reproches aussi.

Pourquoi avais-je pris le risque d’exposer nos problèmes publiquement ? Je comprends les craintes de nos collaborateurs, investisseurs et partenaires. Effectivement cela peut donner une image négative de la société auprès de nos futurs employés, de nos clients, partenaires ou futurs investisseurs et ainsi nuire à notre développement.

Il était plus important pour moi d’apporter un peu de sincérité et d’authenticité à l’éco-système entrepreneurial, fait assez rare qui pourrait au final, pourquoi pas, renforcer la confiance de l’ensemble des parties. À titre personnel, c’était également une manière d’assumer publiquement mes erreurs, de me libérer de ce poids et de pouvoir passer à autre chose. Pour de bon.

J’ai depuis entendu de nombreuses fois en entretien des candidats ou bien des partenaires dire qu’ils avaient lu mon blog et qu’ils en avaient apprécié l’honnêteté. Je pense qu’au final, c’est aussi une illustration de notre culture d’entreprise : montrer que nous sommes susceptibles de faire des erreurs et capables de les assumer. Nous avons depuis embauché 20 personnes qui je pense se reconnaissent dans ces valeurs d’honnêteté et de transparence.

Bref, depuis 1 an, j’essaie très souvent d’écrire ici sans succès, les brouillons ne sortent pas de mon Evernote car je ne peux pas me forcer dans le seul but de dire « tout va bien ! » publiquement. Comme je l’ai toujours fait, je vais essayer de partager mon expérience avec le plus de sincérité possible et il me semble aujourd’hui avoir le recul nécessaire pour vous raconter ce que j’ai appris ces 12 derniers mois.

L’importance du client idéal

Une des plus grandes erreurs que nous ayons commise pendant plusieurs années fut de ne pas passer suffisamment de temps à analyser le profil du client idéal pour notre solution. Ce manque de ciblage précis nous a beaucoup freiné dans l’atteinte du product-market-fit, si important pour devenir un leader sur son marché. Nous privilégiions la croissance sur un marché très large et mal défini, ce qui ne nous permettait pas d’établir une stratégie claire pour devenir les meilleurs sur un plus petit segment de marché.

Certainement par crainte de prendre conscience d’une taille de marché insuffisante pour tenir nos objectifs de croissance élevés, nous avons repoussé ce travail d’analyse beaucoup trop longtemps. Cela nous a valu de nous retrouver 3 ans après le début de la commercialisation de notre solution avec des arguments marketing peu percutants, un produit qui répondait moyennement aux problématiques de restaurateurs aux profils très différents et un churn qui, logiquement, s’est mis à exploser.

Pour corriger ce problème, nous avons commencé par analyser la manière dont nos clients utilisaient notre produit, les fonctionnalités les plus et moins utilisées. Nous avons ensuite corrélé ces résultats avec l’analyse des clients les plus fidèles et de ceux qui churnaient le plus. Il ne nous a pas fallu longtemps pour définir un profil de clients qui étaient très contents de payer tous les mois pour utiliser notre logiciel.

Pour définir un ciblage précis, nous avons analysé tous les critères possibles de cette catégorie de clients (CA, nombre d’employés, localisation, nombre de couverts, type de restaurant, etc…) puis nous sommes allés leur soumettre des questionnaires afin de comprendre ce qu’ils aimaient chez nous et comment nous pourrions les aider davantage encore. Nous avons également été rencontrer les clients qui avaient résilié malgré un profil similaire à ceux qui étaient fidèles, pour comprendre ce qui n’avait pas marché pour eux. Nous avons alors découvert que ces clients manquaient d’accompagnement dans l’adoption du produit malgré leur bon potentiel en terme de profil.

Ce travail, qui a pris 2 mois environ et qui peut paraître évident pour certains, a été une vraie révélation pour nous. Il a permis ensuite rapidement d’établir une stratégie claire, que ce soit côté produit, commercial, customer success ou encore marketing et 12 mois plus tard, nous connaissons un niveau de satisfaction client très élevé, un taux de churn faible et nous signons uniquement des restaurants qui ont le potentiel de tirer de la valeur de nos services.

Si je ne devais retenir qu’une seule chose de cette expérience, c’est que ce travail ne doit pas être fait dans une phase de croissance mais bien avant, dans les 2 premières années de lancement et idéalement avant même de lever des fonds. Si je lançais une autre startup SaaS aujourd’hui, je prendrais tout le temps qu’il faut pour affiner ce ciblage, trouver le profil de client idéal, construire un produit qui crée énormément de valeur pour cette niche puis uniquement après, j’essaierais d’accélérer la croissance.

En prenant du recul, je me rends compte que nous avions déjà fait un pivot du BtoC au BtoB qui avait pris presque 2 ans après la création de 1001menus et que lorsque la croissance est enfin arrivée sur notre nouveau modèle, il n’y avait plus que ça qui comptait pour moi, au détriment de la construction d’un business reposant sur des fondations solides.

L’importance de l’équipe

L’un de nos traditionnels selfies du jeudi

Le recrutement

Une fois que la satisfaction client a été rétablie et que nous ne perdions plus de clients, la priorité fut de relancer la croissance. Chez nous, cela passe par l’embauche de nombreux commerciaux. Là aussi, nous avons par le passé commis trop d’erreurs qui ont coûté très cher et il n’était pas question de les reproduire.

Pour limiter les erreurs de recrutement, nous avons décidé de mettre en place un nouveau process dans lequel chaque candidat passe désormais au moins 5 entretiens où la place de l’humain et du fit culturel sont aussi, voire plus importants que les compétences techniques.

Nous avons embauché 15 nouveaux commerciaux sur les 9 derniers mois et même s’il est encore trop tôt pour le dire, il semblerait que ceux qui nous ont rejoint récemment partagent largement nos valeurs. Le recrutement ne s’arrêtant pas le jour de l’embauche, nous avons aussi revu totalement notre process d’onboarding des nouveaux membres de l’équipe, afin de leur offrir toutes les armes pour réussir dans leur mission, comprendre le pourquoi de Zenchef et nos valeurs avant de réellement prendre leur poste.

Welcome kit des nouveaux

Encore une fois ici, rien de révolutionnaire et vous avez peut-être déjà adopté cette méthode de recrutement dans votre boîte, chez nous il a fallu attendre d’avoir recruté plus de 120 personnes pour nous rendre compte que cela ne s’improvisait pas.

Le management

Pour moi, le mot management a longtemps été synonyme d’autorité inutile appliquée dans les grosses boites. Le travail devait selon moi s’organiser par lui-même et chacun devrait être totalement autonome et responsable de ses actions sans règles ni process.

Je n’ai pas vu venir le fait que les relations et le travail d’une équipe devaient être rigoureusement organisés quand on dépasse 40 salariés. Moi qui n’aime pas trop qu’on me dise quoi faire et avoir un patron, j’ai toujours pensé que mettre en place des process et organiser le travail des équipes allait à l’encontre du bien-être et de la créativité. Je me suis bien trompé, c’est l’inverse, plus le travail est bien organisé, plus chacun a un périmètre clair, des responsabilités et peut s’exprimer librement et en toute autonomie dans son domaine d’expertise.

Nous avons mis en place un mode de fonctionnement qui je pense permet de créer un environnement de travail sain et où chacun peut donner le meilleur de soi-même. Il repose sur plusieurs piliers comme les one-to-one, entretiens trimestriels, entretiens annuels, weekly stand-ups, monthly all-hands meetings. La mise en place d’objectifs précis et un suivi régulier de leur atteinte nous a aussi aidé à donner de l’autonomie à toutes les équipes.

Les managers doivent être des coachs exigeants et bienveillants dont l’obsession est de faire réussir leurs équipes par la création d’un maximum de valeur pour elles au quotidien. Cela passe par le partage de leur expertise, des feedbacks fréquents et honnêtes, des félicitations et en étant exemplaire.

Nous avons encore beaucoup de progrès à faire (moi compris) mais je pense que nous sommes en train de créer un mode de fonctionnement qui maximise le bonheur et la performance de chacun.

Et sinon ça va ?

Voilà un résumé des choses que j’ai apprises ces 12 derniers mois, et qui font entre autres que Zenchef est aujourd’hui à nouveau sur des rails avec des fondations solides, grâce à un recul que nous n’avions jamais pris le temps de prendre auparavant.

Nous sommes aujourd’hui à nouveau en phase de croissance et j’aborde cette période avec à la fois beaucoup d’excitation et de sérénité.

Les erreurs coûtent cher et surtout font perdre beaucoup de temps, j’espère que la lecture de ce post pourra permettre à certains d’entre vous d’en éviter quelques unes.

Cette période qui s’achève a aussi eu un énorme impact sur ma vie personnelle et m’a permis d’évoluer énormément sur ce plan, mais ce sera l’objet d’un prochain post 😃

X.

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Xavier Zeitoun
Le blog de Xavier Zeitoun

I’m the founder & CEO of Zenchef, a startup dedicated to restaurants’ success. I share my entrepreneurial lessons learned the hard way.