Façonner sa startup comme une oeuvre d’art ? De la French Tech à la French Touch
Une autre “valley” pour les startups
La Vallée de la Loire compte dans son histoire autant d’entrepreneurs que d’artistes et d’écrivains, les uns et les autres se rendant souvent hommage dans les oeuvres qu’ils entreprennent. De Leonard de Vinci à Alfred Mame, en passant par les non moins connus Rabelais, Ronsard et autre Balzac, jusqu’au Rois de France eux-mêmes, qui ont su épouser le cours de la Loire avec la coure de leurs châteaux, il est un fait indéniable qu’à la base de toutes ces grandes aventures, il y a une manière singulière d’entreprendre les choses, où la place laissée à l’innovation est aussi importante que celle accordée à l’esthétisme et à l’art de vivre. Le tout n’est d’ailleurs pas sujet à distinction.
Paul Graham, investisseur émérite de la Silicon Valley, cofondateur du Y Combinator, accélérateur de startups le plus regardé au monde, évoque dans son article Hackers are Painters, que les entrepreneurs/hackers sont les nouveaux artistes de ce siècle.
J’aimerai avec Le Château, l’accélérateur de startups que je lance à Tours en septembre, explorer de mon côté l’inverse ; le fait que certains créatifs et artistes puissent être à la base d’incroyables startups technologiques.
Leonard de Vinci, qui séjourna au Clos Lucé, dont nous ne saurons attribuer si sa part de génie est née dans la partie droite ou gauche de son cerveau, fait figure souvent de ce que la vallée de la Loire a su produire de “génial”.
Mariant un côté très Tech, s’il on regarde de prêt ses incroyables machines, avec un côté très “Touch”, qu’apporta sa patte d’artiste qui est venue griffer tout ce qu’elle a pu toucher, on peut se demander quels visages eurent les oeuvres de Leonard si son génie eut été accueilli dans un autre écrin et s’il eut tissé d’autres types d’amitiés que celui et celles qu’il a connu dans cette vallée ?
C’est le rôle prépondérant du contexte, certain diront de l’écostystème, d’autres encore parle de vallée. En val de Loire, il est bien connu que le temps passe moins vite. On parle à Tours de “quart d’heure tourangeau”, où 15 minutes correspondent en réalité à 2 heures écoulées. On évoque également cette “torpeur tourangelle”, probablement à l’origine de l’amical surnom donné à cette ville : “la belle endormie”.
Dans la Silicon Valley, on retrouve ce calme qui éloigne du tumulte de San Francisco, propice à la pensée certainement, et qui permet d’être d’avantage “focus” sur son business. (A ce titre, il est à noté qu’à Tours, vallée de la Loire et Silicon Valley épouse une même cause à travers l’association Palo Altours qui fédère admirablement les énergies, thx Julien Dargaisse for that ;-). L’énergie formidable déployée par tous les acteurs de la région centre, et notamment avec le mouvement de la French Tech Loire Valley est aussi révélatrice du potentiel de cette région sur le sujet.
La figure de François 1er, elle, renvoie à cette part d’élégance “à la Française” que ce Roi à su capitaliser sur les guerres de son beau-père, Louis XII, qui combattit autant l’Italie qu’il en ramena de culture. De l’architecture à la gastronomie en passant par les arts de la table, l’art floral, ou l’impression du livre, la Renaissance a cela de troublant que ces atouts semblent être ceux de l’ADN de certaines startups “frenchy” qui se font remarquées à l’étranger sous ces traits.
Mais s’il faut retenir un habitus qui pourrait définir l’art d’entreprendre dans notre chère et tendre Loire Valley, c’est peut-être le rapport que les investisseurs ont depuis des siècles, au risque. Un rapport tout à fait singulier où la notion même d’esthétisme se mêle avec celui d’innovation.
François 1er et Leonard Da Vinci, Alfred Mame et Jean Prouvé, tous ont su inclure un choix singulier dans l’expression de leur “culture”. Culture d’entreprise pour l’un, culture de pouvoir pour l’autre. Mais les deux ont su investir sur un créatif dont ils sont su y déceler une réelle capacité à innover.
En ce sens, la Loire Valley, a définit probablement depuis longtemps le sens de cette “touche française”, qui est de considérer que technologie et art sont choses liées. Peut-être une seule et même chose.
Cela en dit certainement long sur cette manière d’investir dans quelque chose, où la notion d’éclat, d’esthétisme et d’absolu, supplante celle de la seule recherche de profit.
Une démarche où le risque n’est pas de moins calculer qu’oser davantage.
De la French Tech à la French Touch
D’aucuns diront que la naissance et/ou fabrication des licornes (ces startups qui valent des milliards) sont des phénomènes difficilement décryptables du fait de leur caractère tout à fait imprédictibles et rares qui les entourent, au grand regret des investisseurs qui déplorent l’absence de boule de crystal fiable sur ce sujet.
Certains parlent de Black Swan, Cygne Noir, une notion théorisée en partie par le philosophe Nassim Taleb à travers son ouvrage éponyme, qui explique le caractère imprévisible de certains phénomènes tout à fait unique.
L’imprédictibilité, la rareté, allié à la recherche d’excellence, de totalité, de disruptivité, de ré-interprétation du monde. Des postures souvent communes aux startups et aux artistes, aux créatifs.
Et pourtant, quand le chaos semble être subit par les uns, il est l’ADN d’une démarche tout entière pour les autres. Une prise de risque pour les premiers, une inspiration, une intuition, une nécessité comme moto pour les seconds.
Ainsi, il existe peut être une manière tout à fait singulière d’entreprendre “à la française”. Une manière d’investir sur le chaos que l’on considère comme terreau de toute innovation dont l’artiste sait s’y abreuver.
Comme le remarque la Le Hub Bpifrance dans un de ces derniers rapports, une “French Touch” est à remarquer parmi toutes nos startups françaises des industries culturelles et créatives. Isabelle Giordano, directrice générale d’UniFrance préconise à ce titre la création d’un label « aussi visible et efficace que celui de la French Tech ».
Une French Touch dont pourrait s’inspirer certains type de startups innovantes dites la French Tech ? Et notamment celles des familles business prioritaires à l’export ?)
Peut-on s’inspirer des artistes, des créatifs pour façonner les startups comme on façonne une oeuvre d’art ? Les processus de créations des 1ers peuvent-ils donner une singularité unique pour les autres ?
La méthode du Lys
Les propos qui vont suivre, s‘ils sont prit à la lettre, pourraient choquer nombre des “membres” de l’écosystème startup que je respecte, et dont j’applique également les méthodes depuis des années.
Cette méthode vous semblera aller à l’inverse de ce qui est réellement enseigné dans les accélérateurs. Je vous demande de sortir virtuellement de vos cadres. (Et oui, même dans l’écosystème startup, il y a des cadres !)
Que tout le monde soit rassuré ; je ne prétends pas que cette méthode soit démiurge et excluante par rapport aux autres méthodes (Lean startup, design thinking, etc), ni qu’elles concernent tous les business, ni tous les types d’entrepreneurs. Je ne prétends d’ailleurs rien d’autre qu’une idée que je vous soumets dans cet article, afin d’explorer le champs des possibles, ensemble.
J’avance juste qu’une simple petite dose de ce parti-pris pourrait aider parfois à se démarquer et de passer de produit ordinaire à d’objet remarquable. Peut-être même être un outil d’introspection pour aider les entrepreneurs à savoir jusqu’où ils sont prêts à défendre l’objet de leur projet.
Cette méthode, je la nomme la méthode du Lys.
Le Lys dans la vallée, parut en 1836, a été écrit par Balzac, en Touraine. Au-delà du fait que ce roman ait été écrit au Château de Saché, en plein milieu donc de la vallée de la Loire, l’une des particularités du Lys de Balzac est que le narrateur s’exprime à la première personne. JE. Le narrateur. Ce n’est pas tout à fait Balzac, ce n’est pas tout à fait de la fiction non plus. C’est “JE” (Félix de Vandenesse, dans le texte).
Dire “JE” lorsqu’on lance sa startup, c’est peut-être aller plus loin que le simple bon “template” web qui va bien, que la bonne agence de com, que le bon design qui intervient à la fin de la conception du produit, alors qu’il était urgent de le placer au début du processus.
Lorsqu’on exprime un JE , on dit “Moi” aux autres. La plupart des entrepreneurs que je connais, startupper ou non d’ailleurs, sont à ce point impliqués dans leur business, que ce n’est plus JE, mais NOUS, car ils ont entrainé avec eux souvent famille et amis.
Cependant il existe une réelle nuance entre vivre un JE et exprimer un NOUS. Une distinction appuyée par la définition même de la SARL par exemple : Société à responsabilité limitée. Limitée au périmètre des affaires, dissociant la personne de l’entreprise.
Les entrepreneurs n’expriment en public rarement un “JE”, tandis qu’à la maison, tête, coeur et corps, sont hantés par leur business.
Pour autant, voici ce finalement ce qu’un “JE” exprimé publiquement peut entrainer, à savoir, si un entrepreneur, dans l’expression de son entreprise, se donne un peu la peine d’aller chercher un peu de lui-même :
2 possibilités s’offrent à l’interprétation de ce “JE”, donc de ce “MOI” fortement appuyé :
- Cas 1 : on pense raisonnablement que ce n’est pas vous, ce n’est effectivement pas vous, et vous n’avez jamais véritablement laisser croire que ça l’était : ça s’appelle de la pub. Tout le monde est ok, on joue à un petit jeu. Le burger sur la photo est magnifique, en réalité, il est tout tassé et il manque du fromage. Mais bon, personne n’est dupe, personne de s’attend à voir ça (moins en 2017, on peut l’espérer). Vous êtes sauf par le jeu de la symétrie tacite entre esprits complices, mais médiocre à en pleurer.
- Cas 2 : On pense que c’est vous. Réellement. Si tel est le cas, vous être proche de la position de l’artiste “sans filtre”. Si ce n’est pas le cas et que vous laisser croire que c’est le cas, et que l’on vous perce à jour, vous êtes un escroc. Si on ne vous perce pas à jour, vous êtes le 1er cas, vous faites de la pub (mais vous devenez un escroc si on teste votre produit donc c’est risqué). Si enfin rien ne permet de dire dans votre discours que ce n’est pas vous fermement mais qu’il y a une forte probabilité pour que ça le soit, vous avez Lys dans votre jeu de trèfles.
Dans le milieu des startups, une notion s’approche de celle du Lys, celle du “FAKE IT UNTIL MAKE IT. “Fais semblant jusqu’à ce que tu puisses le faire réellement.”
Cependant, Le Lys promet d’avantage qu’une base promesse fonctionnelle, fut-elle incroyable.
Le Lys vous promet vous.
Dans la promesse du Lys, il y a, comme dans l’art, cette promesse que vous ne trichez pas. Que vous vous offrez entièrement.
Franchement, l’Iphone et Steeve Jobs, Princess Monoké et Hayao Miyazaki, Titanic et James Cameron. Les auriez-vous suivi si vous aviez l’impression que derrière, il n’était question que de places de cinoches ou de téléphone amélioré ?
C’est la logique observée dans les industries de l’offre dont les industries culturelles et créatives sont très représentatives (jeux videos, cinéma, gastronomie, presse et edition, luxe, etc)
A un moment de leur processus de conception, ces dernières ne s’inquiètent pas de prendre la température avec leur marché. Elles prétendent au contraire donner la température au marché lui-même (cela ne signifie pas qu’il n’y a jamais de développement itératifs, de sondages, d’études, d’avant-premières, de version alphas, béta, etc, cela signifie simplement qu’il y a un parti prit artistique très fort au départ, sur lequel on itère pas ou à la marge, et que cette validation de l’adéquation-marché n’est pas dans l’ADN de cette industrie).
Steam, un champs de Lys
L’industrie du jeu video indépendant est un champs de Lys.
Prenons l’exemple de la plateforme Steam.
Vous êtes entrepreneur et éditeur dans un petit studio indépendant.
Vous sortez un jeu en version Alpha sur la plateforme.
Avant la sortie de votre jeu, vous proposez un teaser qui présente en 2'30 un univers incroyable :
- Cas 1 : on pense raisonnablement que ce que vous présentez est le gameplay du jeu, mais ce n’est, en vérité, pas le cas. D’un autre côté, vous n’avez jamais véritablement laisser croire que ça l’était : ça s’appelle de la pub. La video est incroyable mais trop belle pour que quiconque ne puisse penser véritablement que ce soit du Gameplay. Tout le monde reste amis.
- Cas 2 : On croît réellement à ce que vous présentez, à mort même (univers, détail, etc). Réellement. Si tel est le cas, vous être proche de la position de l’artiste “sans filtre”. Si ce n’est pas le cas et que vous laisser croire que c’est le cas, et qu’on vous perce à jour, votre jeu s’appelle No Man’s Sky 😱 ;-). Si on ne vous perce pas à jour, vous êtes le 1er cas, vous faites de la pub. (mais vous n’avez jamais joué au jeu dans ce cas ou alors vous êtes Star citizen 😱😱). Si enfin rien ne permet de dire que ce n’est pas vous fermement dans ce teaser mais qu’il y a une forte probabilité pour que ça le soit, vous avez un Lys dans votre jeu de trèfles.
Le Lys est donc cet objet, un produit, une startup (un business model), façonnée à la manière d’un artiste comme une oeuvre d’art et qui indique à l’utilisateur, spectateur, qui l’achète, qu’il détient quelque chose qui ne relève pas simplement de la consommation ordinaire.
Le Lys, c’est l’extra-odinaire, à savoir, c’est l’expression d’une promesse non-médiocre, clivante, et différente de la plupart des objets cousins et ordinaires d’une même famille. Il est un objet honnête, fait avec soin, tout à fait rare et visant l’excellence. Le Lys, c’est le courage du jugement.
Pour que cette méthode fonctionne réellement, il faut à mon sens 4 sous-jacents indispensables :
- Sincérité : qu’il y ait une part de soi complètement assumée dans l’objet du projet. Ce dernier doit partir de vos tripes car l’aventure vers laquelle cette méthode mène est semée d’obstacles taillés pour des gens convaincus. => cela facilite l’accès à la singularité et à une adhésion puissante, moins de churn au final.
- Soin : Apporter un soin particulier à ce que votre projet, produit, création, soit fait avec attention. => Si le 1er point est validé, il y a peu de chance que vous soyez négligent de toutes les façons.
- => cela renvoie à une bonne execution des tâches (moins de bugs) => minimum de friction product/user
- Rareté : proposez quelque chose qui n’existe si possible pas ailleurs => valorise le talent de dénicheur de truffe de votre client ;-)
- Excellence : ne laisser aucune place à la médiocrité, ne pas rechercher une satisfaction des masses, l’enchantement de quelques uns est bien, de vous, prioritaire. => on achète clairement de la qualité chez vous
Est-ce que cela est proche du Why de Simon Sinek ? Probablement.
L’idée de cette réflexion était d’analyser comment apprendre des processus de création artistique et de s’inspirer des industries créatives pour façonner une startup comme l’on façonne une oeuvre d’art, non d’en obtenir une.
C’est toute l’idée de ne pas bâtir une startup, mais peut être davantage d’apprendre à “griffer” sa startup.
C’est toute l’idée également de faire la nuance entre oeuvre et oeuvre d’art, startup et startup de la French Touch. Dans un cas, on répond à une commande, dans l’autre on s’exprime librement, on exprime son Lys, on est unique.
Le Château : l’accélerateur des startups de la French Touch
Je lance en septembre à Tours, Le Château, un programme de 12 semaines pour façonner une startup comme une oeuvre d’art, dans le secteur de la culture, du tourisme, et de la tech, thèmes chers à notre Loire Valley.
Au sein d’une ancienne imprimerie d’où sont sorties la plupart des bibles du monde, MAME, aujourd’hui, gigantesque cité et incubateur dédiée à la création et à l’innovation, haut lieu de la culture de l’innovation.
Quand la French Touch, La French Tech.
14 000m2 complètement rénovés d’ici la fin de cette année, qui hébergent les acteurs les plus en avance sur cette question de la Culture et de l’innovation :
- TALM, l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Tours
- L’ESTEN Sup’Edition, l’école des métiers et de la création numérique
- L’I-PAT, un incubateur dédié à l’Intelligence des Patrimoines,
- Sensolab, un incubateur dédié aux projets sensoriels
- Un futur studio video de réalisation
- Un futur concept store
- des dizaines d’entreprises innovantes
et à n’en point douter…
- un futur accélérateur avec un Lys, fortement assumé.
Le programme est soutenu par Tours Métropole et compte des partenaires prestigieux à compter par tous ceux cités au dessus, mais également le Global Accelerator Network, nomadicmentors de John Ramey, ou H2 University en France, qui alimenteront le programme en nous envoyant des les meilleurs mentors internationaux #tech #tourism #culture
Et cerise sur le cheesecake, Le Château a noué un partenariat, avec un autre château, un vrai, pour des retraites incroyables au sein du château de Grillemont qui développe une approche tout à fait unique au monde sur l’art thinking avec Eléonore De Saint Seine et ses artistes en résidence 👋
Pas de demo-day au Château, mais tous les trimestres, une gigantesque Mame-Party !
Vous pouvez postuler pour la 1ère promo du Château par ici, avant fin août ou m’écrire sur alex@lechateau.io