Les banlieues, ce problème de société

Yacine Rezgui
Le chevalier de la Facepalm
5 min readJan 11, 2015

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Ou pourquoi l’ascenseur social est-il en panne

Mercredi 7 janvier, un attentat a été perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo (lire en détail). Je pourrais écrire plusieurs articles à propos de cette tragique histoire, mais pour l’instant, je veux me concentrer sur les jeunes de banlieues.

Ces jeunes, qui malheureusement ont été mis sous les projecteurs des médias, en tant que voleurs, dealers de drogue et plus récemment, djihadistes en herbe. Djihadistes en herbe, car malgré la cruauté reconnue de certains, les vraies têtes pensantes ne sont pas en France. Elles se trouvent en Syrie, Yémen et d’autres pays en proie au problème terroriste tel Al-Qaida et plus récemment Daesh (non je n’utiliserai pas le terme ISIS ou État Islamique, car c’est tout sauf un état).

Mais revenons à nos cités. Je ne vais vous refaire leurs histoires, origines, là n’est pas le sujet. Il faut juste se rappeler qu’une bonne partie (la majorité ?) des parents de ces banlieues sont étrangers. Je ne saurais donner des chiffres précis, mais les pays d’origine les plus communs sont ceux du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Deuxième chose à savoir, ces parents sont pour la plupart non diplômés ou le sont dans une langue différente au français.

Héritage maudit

Vous avez déjà là, une explication au handicap intellectuel (ça se dit ?) qu’ont les jeunes de banlieues. De base, le français n’est pas aussi bien parlé que dans des familles vivant hors banlieue. Les foyers ne sont pas imprégnés de la culture française, due à l’origine des parents (je ne parle pas de rejet, je parle du fait que la culture des parents est différente).

À l’école, cette différence est ressentie dès la maternelle. Je me rappelle encore avoir honte de ne pas connaître certaines références, certaines chansons tout simplement parce que mes parents ne les connaissent pas aussi. Et cette différence, jeune de banlieue, tu vas te la trainer pendant toute ta scolarité.
Deuxième point, les devoirs à la maison. Malgré le fait que l’école est reconnue pour gommer les différents niveaux intellectuels des parents, l’aide apportée par ces derniers lors des devoirs influe sur le niveau de l’enfant. Dans ce cas, si vos parents ne sont pas diplômés (je ne parle pas de maîtrise ou de licence, pour certains le Bac n’est pas assuré) et en plus, n’ont pas la même langue, culture que le pays où vous vivez, croyez-moi que ça n’aide pas.

J’ai eu la chance d’avoir des parents cultivés. Ils ne sont pas spécialement diplômés, mais le savoir a toujours eu une place d’or chez nous. Était-ce leurs parents qui leur influer cette culture du savoir ? Oui.
Malheureusement, pas tout le monde n’a eu cette chance. Les parents de banlieue sont débordés entre leur boulot (souvent très physique), leurs enfants, leurs familles dans leurs pays d’origine et le manque de cette culture du savoir n’arrange pas les choses.

Je pense donc qu’à naissance égale (dans le pays même pays), un enfant de cité aura moins de chance qu’un enfant hors cité.

Orientation hasardeuse, Futur hasardeux

L’orientation professionnelle d’un collégien est extrêmement importante, car c’est à partir de ce moment-là que le clivage commence à apparaitre. Pour certains, le lycée général les attend et pour d’autres, le lycée professionnel les capture. Là aussi, je ne saurais fournir des chiffres, mais j’ai rarement eu l’impression que ceux qui allaient au lycée professionnel y allaient par choix. La plupart du temps, ça sonnait plus comme:

T’as pas le niveau frère, vas en pro

Ça à l’air caricatural, mais c’est la réalité. On n’a jamais valorisé la filière professionnelle des lycées, qui au final ressemblait plus à un fourre-tout pour élèves en difficulté. Même chose au lycée, la filière STG (qui a changé de nom il y pas si longtemps) était plus un fourre-tout qu’autre chose.

Pour enfoncer encore plus le clou, on ajoute le fameux conseiller d’orientation. Je n’ai pas jamais vraiment compris leur rôle. Une personne qui fait des études pour finalement conseiller les autres. Les lycéens auraient voulu rencontrer des professionnels pour avoir un retour de leur expérience. À la place, c’était une personne qui connaissait par coeur les études à faire pour chaque métier, mais qui ne donnait point l’envie d’en faire un.

Le racisme ambiant

Je ne vais pas vous jouer la carte de la victime. Mes parents m’ont toujours appris à être fier de mes origines sans pour autant tomber dans un sentiment de supériorité. Mais au-delà de ça, ils m’ont appris à ne pas répondre à la moindre attaque. Non par faiblesse ou par insensibilité, mais parce que le seul moyen de répondre est le mérite. Le mérite d’avoir réussi ses études, son travail, avoir un comportement exemplaire.

Mais là aussi, j’ai eu cette chance d’avoir des parents forts. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Vous pourrez trouver ça ridicule, mais un jeune de banlieue qui a une mère travaillant dans le nettoyage très tôt le matin ou tard le soir, et qui entend à la télévision, des hommes politiques ou essayistes critiquant ces étrangers qui abusent de “notre pays”, croyez-moi, ce n’est pas un sentiment d’amour, mais de haine qu’il va développer.

Ces “nique la France”, “c’est un pays de racistes”, “fuck les keufs” sont malheureusement une expression d’exaspération au-delà de l’insulte. De l’exaspération d’entendre dire qu’ils sont néfastes pour la société, qu’ils “ne s’intègrent pas”. Ces jeunes-là, certains ont pas plus de 15 ans. Si dès cet âge-là, ils développent un rejet de la société, de la République. Ne vous étonnez pas du résultat.

De plus, du fait de leur niveau intellectuel (je ne dis pas qu’ils sont idiots, ils n’ont pas pu/su développer leur intelligence à un niveau avancé), ils ont du mal à s’exprimer lors d’une discussion, d’un débat, d’un entretien. De cette frustration, née malheureusement cette violence.

La violence, c’est un manque de vocabulaire.

Mais alors, comment expliquer mon ascension sociale ? Moi, français d’origine tunisienne, ayant toujours vécu dans une cité sensible ? Je pense que mes parents sont une grande partie de la réponse. Les parents sont extrêmement importants dans le développement de l’enfant, mais si eux-mêmes n’ont pas eu la chance de s’être épanouis intellectuellement, les enfants ne sauraient profiter de cet héritage.

De plus, avoir résisté (oui c’est de la résistance) aux attaques verbales, discriminations, mais aussi contre ses propres démons font ce que je suis aujourd’hui.

Avant même le combat de la vie professionnelle, certains ont déjà perdu la bataille intellectuelle, culturelle, identitaire (suis-je français ou étranger ?).

Je n’ai pas insisté sur la responsabilité de ces jeunes eux-mêmes, car j’aurai besoin d’un article à lui tout seul, mais je voulais quand même que les gens sachent ce qu’est de vivre en banlieue.

J’envoie ce message à tous les Français, car les banlieues font partie de notre pays et l’acceptation de l’autre doit marcher des deux côtés. Nous sommes tous coupables et victimes. À essayer de chercher systématiquement un bouc-émissaire, la situation est toujours au statu quo et la haine de l’autre renforcée.

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Yacine Rezgui
Le chevalier de la Facepalm

🇫🇷🇹🇳 Developer Relations Engineer 🥑 on Android working on privacy @Google in London. Hacking projects on free time