1# Discours et RAP: PNL un chant dans la jungle urbaine

Julien Laügt
Le Défricheur
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15 min readApr 5, 2019

Vous êtes peut être passé à côté du phénomène rap de cette décennie, les rappeurs de Corbeil-Essonnes, Ademo et N.O.S, de leur vrai nom respectif Tarik et Nabil. Pourtant les deux frères sont les témoins et les relais d’un nouveau genre de discours, reflet d’une condition sociale et d’un mode de vie.

Pour ce premier numéro de la série consacrée à la scène rap et aux discours qu’elle produit nous nous intéresserons à PNL. Pourquoi ? Pour pléthores de raisons que nous vous expliciterons un peu plus bas ! Mais d’abord qu’est ce qu’un discours ?

Du discours

Lorsqu’on parle de discours cela suppose que l’on se place dans une approche du langage différente de celle de Saussure. Car on ne considère plus le langage comme un système “langue” mais comme “l’activité des sujets inscrits dans des contextes déterminés produisant des énoncés d’un autre ordre que celui de la phrase.. De ce fait le discours ne peut être analysé seulement d’un point de vu linguistique mais demande de prendre en compte des notions sociologique et psychologique.

Le discours suppose l’action car il est un acte, il est orienté, il produit des valeurs ayant une fin (une motivation plus ou moins consciente). Aussi, il est une interaction car il est traversé par un flux continu d’autres discours. Un discours ne peut non plus se passer du contexte qui lui donne son sens. Également, « le discours contribue à définir son contexte et peut le modifier en cours d’énonciation. ». Autre paramètre inhérent au discours : il est régit par des normes sociales, des normes de la langue et par sa légitimation à son milieu et à ses codes.

Du discours s’exerce un pouvoir qui séduit, magnétise, révolte ou contrôle l’auditoire universel. Le pouvoir se manifeste à travers les mots, d’un langage spécifique. Victor Klemperer montre que du langage particulier dans le discours officiel du IIIème Reich ressort un pouvoir puissant de contrôle et d’adhésion à une idéologie et à des valeurs communes. Ainsi, chaque discours est constructeur de valeurs qui lui sont propres. En parallèle différents pouvoirs extérieurs au discours (dans le sens que ce n’est pas le discours qui les produit) s’exercent aussi sur ce dernier. Car n’importe quel locuteur subit le pouvoir d’un imaginaire, d’une idéologie, qui viendra influencer sa production discursive. Dans notre travail par exemple nous citons à plusieurs reprises Pierre Bourdieu, or comment nier que son discours est traversé, influencé, par le pouvoir du discours marxistes et de la représentation de la lutte des classes.

Cela va de même dans le discours de PNL. Comme nous le verrons leur discours rentre également dans l’interdiscursivité, déploie une idéologie construite par son contexte, use d’un vocabulaire spécifique, projette des valeurs conscientes et inconscientes. En somme il est fait de différentes strates. Nous pourrons nous questionner sur quelles sont ces strates, ces valeurs, ces idéologies, dans l’analyse de la chanson Le Monde ou Rien diffusée en juin 2015.

PNL un contexte

Avant d’ambitionner toute analyse d’un discours produit par un (ou plusieurs) locuteur, il est important de comprendre le contexte et le cadre qui ont servi à la production de ce discours, ainsi que d’identifier en quoi la subjectivité de celui qui produit le discours joue un rôle sur celui-ci et le module. Car le contexte conditionne grandement ce que véhiculera un discours, en même temps qu’il influencera le locuteur dans sa fabrication discursive.

Dès lors, PNL (Peace and Lové) se détermine par un contexte qui, nous le verrons, est le moule formateur de leur discours, de leurs représentations et de leurs fantasmes. Pour Van Djik c’est grâce à un modèle cognitif se basant sur la manière dont les individus perçoivent et se représentent le contexte de la situation de communication, que l’on peut aborder une production discursive. En outre, comme le formule le chercheur, l’interprétation que l’on peut se faire du discours de PNL dépendra elle aussi de nos propres connaissances et expériences.

On constate que l’idéologie tient une part prépondérantes dans sa théorie. En effet, elle est le moyen à travers lequel le sociétal s’insère dans l’individu, dans ses modèles mentaux et ses comportements, cela dans ses différentes interactions. Il est d’ailleurs intéressant de prendre la définition du chercheur concernant l’idéologie : « un ensemble de systèmes de croyance socialement partagé par les membres d’une collectivité d’acteurs sociaux » (Van Dijk, 2005). On la retrouvera dans tout processus qui vise à construire une identité au sein d’un groupe social. Ce processus se développe via des étapes complexes : critères de position sociale, d’activités, de buts, de valeurs, de normes, d’appartenance et de ressources. Un dernier point fondamental : ces idéologies influencent les systèmes d’évaluations des groupes, c’est à dire des représentations mentales d’un groupe social.
Ainsi, selon Van Djik le contexte reste un élément indispensable à l’analyse de discours, car c’est lui qui va donner le sens et orienter la compréhension que l’on pourra en tirer. Également, le groupe, l’appartenance sociale, l’idéologie viennent transformer la réception et l’évolution de l’énoncé, du message, mais cela du point de vue des individus qui d’eux même développent des modèles cognitifs à même de changer les interprétations et les productions discursives.

Le groupe se compose de deux frères qui font du rap ; Ademo et N.O.S, de leur vrai nom respectif Tarik et Nabil. Ils ont grandi à Corbeil-Essonnes, au cœur de la cité des Tarterêts. Quartier difficile, où la délinquance et le trafic de drogue sont omniprésents et où le chômage y est également important. La municipalité y a installé des caméras de surveillance en 2014. Ces informations permettent de cerner le contexte entourant les membres du groupe et donc de comprendre ce qui va influencer l’orientation de leur discours, en l’occurrence un environnement difficile et violent, souffrant d’une grande précarité. Dès lors, on peut difficilement s’attendre à ce que le discours de PNL, par exemple, suive des “normes bourgeoises”.

Le groupe est indépendant et dispose donc d’une vraie liberté de production. Ils jouissent également d’une indépendance de ton, ne donnant pas d’interviews à la télévision ou à la radio, ne faisant pas de promotion, excepté sur les réseaux sociaux, ayant de ce fait un contact direct avec leur public, leur auditoire. Enfin, ils furent les premiers en France à s’inspirer d’un type de Hip-Hop qui est qualifié de Cloud, exploitant abondamment l’auto-tune (consistant à modifier électroniquement les voix) et des sonorités aériennes, des “instrumentals planantes”, donnant une teinte mélancolique à leur musique. Le Monde ou Rien est leur premier succès, il apparaît dans leur premier album Le Monde Chico. C’est sur Youtube, plate-forme de vidéos en libre accès, qu’est diffusé le clip du Monde ou Rien depuis le 30 juin 2015. Il connaît rapidement un succès important qui permet l’émergence médiatique du groupe (sans interviews ou autre promotion de leur part).

https://www.youtube.com/watch?v=umF1kfVujhM

Le nom du groupe, PNL, nous donne un premier élément du contexte et de la spécifié de leur discours et de leur identité. Peace and Lové, le premier mot du nom du groupe appartient à l’anglais il signifie paix, tandis que Lové provient du registre moderne et argotique du romani (langue gitane) ayant le sens d’argent. Nous pouvons constater un détournement de l’expression anglaise “Peace and Love” qui montre déjà la particularité de la production langagière du groupe, qui construit à travers un métissage d’argot, de verlan, de langue arabe et française, un discours à différentes strates et valeurs.

La compréhension de leur discours, du fait d’un vocabulaire spécifique propre à un milieu social particulier, ne peut que varier d’un allocutaire à l’autre. En effet, si comme nous le dit Van Dijk l’interprétation du discours dépend de nos propres connaissances et expériences, ainsi, selon que je provienne du même milieu et que je partage les mêmes codes ou non, ma compréhension du discours et des valeurs qui y sont émises différera.

Les références au milieu de la drogue, comme la dénomination “taga taga” pour la désigner, ou l’expression “en jaune ou en vert”, qui est une allusion à la marijuana et au haschich, ne peuvent pas être comprises de tous. Le contexte et les connaissances personnelles donnent la possibilité de lire à travers ces mots le double sens, de percevoir une réalité. Un autre élément qui illustre bien la théorie de Van Djik est l’emploi du terme “à ve-Her”. Ce mot ne nous dit rien si ce n’est qu’il est la forme en verlan du prénom Hervé. Or, dans le contexte ultra spécifique du groupe, de l’histoire d’Ademo et N.O.S, Hervé est leur client qui achète le plus de drogue. Qu’est ce que cela nous dit ? Que même si cela peut paraître secondaire chaque élément de langage permet de construire un discours et son idéologie. Idéologie construite mais aussi constructrice du discours. L’idéologie traverse la production discursive de PNL, elle insère le sociétal dans le discours, lui octroie ses valeurs. Grâce au contexte nous pouvons cerner quelle est cette idéologie. L’idéologie de la culture de la rue. Celle de la survie par la débrouille, par la violence et l’illégalité, en somme une idéologie de la lutte et du plus fort. L’idée de jungle et renforcée par l’utilisation des onomatopées “Ounga, ounga, ounga”, également dans l’album on peut relever le mot “mowgli”, “simba”, “sauvage” qui viennent appuyer ce concept de survie, de jungle, de lutte et de primitivité.

Le Monde ou Rien et l’interdiscursivité

Tout discours se place dans un continuum. Étant traversé par d’autres discours et s’insérant dans le flux perpétuel des productions discursives, il est ainsi constamment renouvelé, sans cesse actualisé et sollicité. Pour Jean-Michel Adam (1997), un journal, un parti politique, un syndicat ou une église sont autant de formations discursives susceptibles de fonctionner dans un régime d’interdiscursivité. On constate que c’est aussi le cas avec la musique et notamment dans le rap. PNL, avec son clip et son texte, s’imbrique dans cette interdiscursivité décrite par le chercheur suisse. Le clip, tourné à la Scampia, est révélateur d’un imaginaire influant sur le discours de PNL, imaginaire qui vient donner un pouvoir à leur parole. La Scampia est une cité située à Naples, en Italie, et est l’une des cités les plus dangereuse au monde, où la mafia y est présente. Une série Gommora y est tournée depuis 2014, série à la mythologie violente, développant un univers où le monde est aussi comparable à une jungle où s’exerce la loi du plus fort. Cela vient faire échos directement au discours et au lexique employé dans la chanson Le monde ou Rien : “Ounga, ounga, ounga” est une forme onomatopéique, référant à Mowgli du Livre de la Jungle, exprimant par là une forme d’animalité triviale, de force primaire. Aussi, “j’suis plus Savastano que Ciro” est une trace d’interdiscursivité, référence à la série Gommora. Par là, si l’on connaît la série on pourra alors y extraire des valeurs.

Les Savastano utilisent le code d’honneur des criminels, hissent la loyauté et la famille au dessus du reste, c’est-à-dire le respect des anciens et l’argent. Roland Barthes parle d’ancrage linguistique, il influence la lecture et la compréhension du discours, du message linguistique, chez l’allocutaire, en plaçant un élément cadrant le discours et le sens. Ainsi la référence à Gommora oriente le sens du discours, projette les représentation construites par la série sur la production discursive et l’image de PNL.

Autre trace d’interdiscursivité : la référence au film Scarface. Elle est omniprésente dans le discours du groupe. Le titre de l’album Le Monde Chico est la reprise exacte d’une réplique de Tony Montana, personnage totem dans la culture de rue. Le rappeur Bobba par exemple y fait aussi référence “Si le monde est à moi, le monde est à nous Scarface”.

Ainsi, l’interdiscursivité est multiple selon les différentes positionnement au sein du “champ discursif” tel que défini par Maingueneau, c’est à dire selon le type de discours, qui peut être bourgeois, prolétaires, etc. Ici, les discours appartiennent à la culture de rue, une culture Hip-Hop, qui brasse et rassemble différentes valeurs. Comme nous l’avons montré brièvement le discours est construit, influencé, modifié, par d’autres discours, discours appartenant eux-mêmes comme on le constate au même milieu social, à une même culture normée. Car toute culture est normative, si bien que même cette culture de la rue se revendiquant comme appartenant à la contre-culture, et au contre-pouvoir, n’en demeure pas moins directive et codifiée.

Des Valeurs du discours

PNL est le reflet de son époque, d’une génération désenchantée évoluant dans une époque en crise “Les larmes de la misère”, “la misère m’emmène en balade”. Linguistiquement le groupe traduit incontestablement l’idée que le temps passe trop vite, il exprime la dureté d’une vie instable et déconnectée des cadres traditionnels et des lois juridiques. “La famille a faim pas l’temps d’raconter ma life, trêve de balivernes”. Du refrain “J’suis dans ma bulle, bulle, bulle” se dégage clairement le sentiment d’isolement. Cette solitude, cette spécificité due à leur situation sociologique et géographique (à l’écart de Paris, en banlieue) marque profondément l’ensemble de leur discours. De nombreuses unités lexicales sont porteuses du sens de la solitude, de l’isolement : “J’nique ma solitude”, “j’suis la pomme pourrie qui s’écarte du panier”, “bulle”, “que la mif”.

Le contexte nous aide à comprendre le discours produit par le groupe : les deux artistes sont en contact permanent avec la violence, avec une insécurité et une instabilité dans leur vie de quartier. De plus, ils revendiquent ouvertement vendre de la drogue, le “taga” mais sans non plus le glorifier, il y a un prix à payer ; ils produisent donc un discours subversif et réaliste. Ce discours entre en résonance directe avec le milieu de la banlieue. En France le sujet est sensible et complexe, politiquement et sociologiquement parlant depuis la crise de 2005 et l’embrasement des quartiers.

Une autre valeur extrêmement prégnante dans le discours de PNL : le particularisme. Il se manifeste linguistiquement en tant que sociolecte : “taga taga”, “racli”, “ bon-char”, “.Igo”.. Par l’emploi d’un sociolecte ils posent indirectement une connivence linguistique au sens bourdieusien du terme. C’est à dire que cela permet à une communauté, une classe sociale, de se comprendre par des termes au sens partagé et appartenant principalement à cette même classe, à cette même communauté. Cependant, le succès et donc la bonne réception du Monde ou Rien et de son discours, prouve que, malgré ce sociolecte pouvant être excluant, le discours réussi à transmettre des valeurs et à dégager du sens. Grâce notamment à un discours empli du pouvoir de la violence, et des références au banditisme, propre à fasciner une génération.

“ s’ajoute l’admiration qu’éprouvent les esprits contemplatifs pour les hommes d’action, vite transformés en symboles ; de même, l’attrait qu’exerce la violence : on éprouve du plaisir à regarder destructions, massacres, tortures. ”
-Tzvetan Todorov

Comme l’exprime Todorov l’homme admire la force, la force de l’action, cette vitalité brute qui résulte d’une construction psychologique du monde, forgée et construite par des hommes de force et de pouvoir. PNL renvoie directement à ce fantasme là. Aussi, la crise et l’anxiété d’une époque où la performance et où l’homme existe à travers ses possessions, l’argent, son statut social, est un sentiment devenu universel. Cette valeur du discours entre en résonance avec une époque de crise, cela en fait une valeur possédant un pouvoir d’adhésion au nom d’un certain réalisme “moi aussi je veux m’en sortir, moi aussi j’ai pas le temps, j’ai besoin d’argent”.

L’allocutaire pouvant aussi dire, s’il vit la même réalité de la banlieue, la même culture de rue : “ils me comprennent, ils vivent ce que je vis”. Cela légitime le discours, lui donne un aspect tribal. Ce que fait PNL, c’est qu’à travers son discours ils dévoilent la réalité de la vie en banlieue, dans une cité. Si d’autres rappeurs comme Booba, Rohff, usent des codes du “gangsta’rap”, PNL se place dans un discours à rebours de celui plus clinquant et stylisé des autres discours du rap. Au contraire, c’est un discours réaliste que produit le groupe, montrant le revers du trafic de drogue, d’une vie de dealer, toujours dans l’urgence, la violence et l’instabilité : “À bout de souffle, ma haine me redonne de l’oxygène”.

Indépendamment du groupe, ces valeurs, ces discours sont le symptôme de l’hypermodernité. Nicole Aubert dans L’individu hypermoderne caractérise l’homme hypermoderne comme un être voulant satisfaire tout ses désirs, dans une temporalité de l’immédiat et par un besoin « d’extimité», de monstration. Cette manifestation de l’hypermodernité est contenue dans Le Monde ou Rien : “ J’veux du L, j’veux du V, j’veux du G” par exemple. Le Locuteur exprime dès le commencement de son discours un désir de matérialité. Le “L”, “V”, “G”, veulent signifier Louis Vuitton et Gucci, c’est à dire deux marques de vêtement de luxe. La connotation dégagée est celle de l’argent, car ces vêtements coûtent chers, ils montrent aussi une réussite sociale et matérielle.

Le discours est traversé par le champ lexical de l’argent. Étant aussi une valeur au pouvoir puissant, puisque hypermoderne et donc sociétal, sont construits à travers le texte du morceau de musique. L’existence par la consommation, la considération par la possession des biens, c’est ce à quoi fait échos la production discursive de PNL.

Pour finir

Ainsi, nous avons pu tout au long de notre analyse saisir la substantifique moelle du discours produit par PNL.

Tout d’abord, l’importance du contexte qui est constructeur de valeur. Il oriente et est la matrice de la production discursive du groupe. Majoritairement les contextes de la crise, de la violence et du désenchantement jalonnent le texte des deux rappeurs. Ce sont aussi eux qui insèrent l’idéologie. Idéologie qui colore socialement le discours et oriente fortement les représentations -d’un point de vue discursif et autre- que l’on pourra se faire du groupe.

Puis, l’interdiscursivité nous fait prendre conscience que le discours du Monde ou rien est traversé et influencé par d’autres discours et mythologies : Scarface, Gommora, Le livre de la jungle Les valeurs se détachant du discours imposent leur pouvoir et leur attraction, aussi bien de manière tribale, (sociolecte, connivence linguistique, contexte partagé…) que de manière plus globale par l’universalité du sens porté (crise, désenchantement, solitude…). De même, un pouvoir extérieur au discours vient inconsciemment édifier la mise en parole, la discursivité, du Monde ou rien. Par exemple, le film Scarface imprime ses fantasmes, la puissance de son imaginaire, de son vocabulaire et de son discours sur le propre discours de PNL, “le monde chico”, “le monde ou rien”…

Pour finir, si le discours provenant du monde du rap est souvent considéré comme inaudible et porteur de peu d’intérêt, c’est que le pouvoir légitime et officiel, l’institution (médiatique, culturelle, politique), ne lui reconnaît aucune légitimité. Du temps d’Homère le skeptron était donné à qui voulait parler et se faire entendre, or aujourd’hui c’est le micro, celui du journaliste, celui de l’assemblée, celui du porte-parole qui autorise le discours… Ce que nous voulons montrer par là c’est que bien des discours, dont celui de PNL, sont mis en marge de la parole officielle, de l’espace public.

En effet, dès que l’on dit quelque chose on peut le dire de différentes façons. Par le choix qui y fait des termes, de la langue, des mots, dans toutes productions discursives, alors on se classe, on se positionne. On produit ainsi la valeur du discours, valeur qui sera évaluée, considérée ou rejetée. Dès lors, PNL utilisant un langage non officiel, mêlant argot, arabe, français, véritable sociolecte, se coupe de toute légitimité de parole au vu du pouvoir, de l’Etat et des médias. Pour autant bien que l’on puisse parler de PNL comme appartenant à la contre-culture, le groupe n’en reste pas moins sujet à des normes puissantes, à la vénération de valeur comme celle de la force et de l’argent. Cela lui permet de fédérer autour de son discours et de ses valeurs l’adhésion d’un public, d’une partie diverse d’allocutaires.

Enfin, ce qui est marquant dans le discours du Monde ou Rien c’est la manifestation d’une vérité sociale dure, de l’influence des autres discours (interdiscursivité) dans la mythologie du groupe. On constate cependant la présence d’une certaine mélancolie “J’rentre coke dans les poches, quand p’tit frère part à l’école”, car PNL (dans le discours tenu dans l’intégralité de l’album Le Monde Chico) c’est aussi la confrontation d’une réalité violente de l’âge adulte à celle de la nostalgie d’une enfance insouciante et loin du vice.

Référence Bibliographique :

Aubert Nicole, L’individu hypermoderne, Toulouse Eres, 1 janvier 2010

Barthes Roland, Art. Rhétorique de l’image , Communications, 1964, vol 4, numéro 1

Bourdieu Pierre, Ce que parler veut dire, Paris Fayard, 1982

Foucault Michel, L’archéologie du savoir, Paris Gallimard, 1969

Maingueneau, D. (1996), Les termes clés de l’analyse du discours, Paris Édition du Seuil

PNL, Le Monde Chico, Le Monde ou Rien, QLF Records, 2015

Van Dijk TA. (2009), Society and discourse: How social contexts influence text and talk, Cambridge Univ Pr.

Van Dijk TA. (2008), Discourse and context: A sociocognitive approach, Cambridge University Press.

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Julien Laügt
Le Défricheur

Passionné par la littérature, la philosophie et plus amplement par l’art, je puise de mes passions force et énergie pour informer avec intelligence