Avec MovieSwap, Vodkaster ambitionne de proposer le plus grand catalogue de films et séries au monde.

Et il pourrait bien réussir son coup, à condition de surmonter quelques obstacles.

EDIT : Vodkaster a annulé le crowdfunding de MovieSwap, apparemment parce qu’il n’avait pas reçu assez de backers en nombres. Le but caché était 10.000 et il n’y en avait que 5.000, même si le montant demandé avait été atteint. Douteux donc, j’essaierai de mettre à jour l’article si de nouvelles infos sortent sur cette affaire.

J’utilise Vodkaster depuis des années, aussi bien pour son côté réseau social que pour son volet “service DVD avec visionnage à distance” que je considère encore aujourd’hui comme l’un des meilleurs services VOD français, le plus innovant en tous cas. Pour celles et ceux qui ne le connaitraient pas, voici son concept : vous achetez (ou envoyez) des DVDs sur leur plate-forme et vous pouvez les visionner en ligne à distance, avec tous les bonus, toutes les pistes audio, les sous-titres. C’est le DVD que vous regardez, mais à distance. Aucune limite de temps ou de nombre de visionnage, c’est de l’achat définitif et cerise sur le gâteau, vous pouvez remettre votre DVD en vente pour alimenter votre cagnotte. Un concept simple mais parfaitement exécuté, légal a priori vu que le service existe encore deux ans après son lancement.

Forcément, quand Vodkaster a dévoilé MovieSwap, j’étais ravi de découvrir ce que cette équipe de petits malins nous concoctait pour partir à la conquête du monde. Je n’ai pas été déçu du voyage.

MovieSwap, la SVOD sans vraiment en être.

Malgré ce que peuvent en dire les nombreux articles de presse qui ont parlé de MovieSwap, celui-ci n’est pas un nouveau Netflix ou Spotify. Dire cela est réducteur pour ne pas dire mensonger. Mais l’ambition est la même : proposer un contenu énorme à moindre prix pour tous les utilisateurs.

Pour expliquer ce qu’est MovieSwap, le mieux est encore de s’imaginer la scène suivante : prenez 3000, 5000, 100000 personnes du monde entier qui se pointent dans un champ avec chacun 1, 2, 3 ou 10 DVDs. En même temps, chacun balance son ou ses DVDs dans une pile commune. C’est dans cette pile que chacun peut ensuite choisir autant de DVDs qu’il en a amené pour les regarder. Le site se veut donc être une énorme pile virtuelle de DVDs composée par ses abonnés (qui devront payer un abonnement pour faire partie de cette bande de joyeux lurons, à moins d’avoir backé le projet sur Kickstarter qui offre un accès gratuit à vie. Comme toujours avec les services web, un service offert “à vie” veut dire jusqu’au bout de la vie du service, pas de la vôtre.).

D’un point de vue technique, l’interface facilitera la fluidité de navigation au maximum en s’inspirant de ce qui marche, l’interface de Netflix pour ne pas la citer.

Pour faire simple : j’ai partagé mon DVD de “Gone Girl” sur MovieSwap. Parmi la liste des films dispos, il y a “Vice-Versa”. Je clique dessus et je le reçois tandis que la personne qui a partagé “Vice-Versa” reçoit lui “Gone Girl”, même s’il ne l’a pas demandé. C’est un point fondamental du système même si dans les faits, ce devrait avoir peu d’incidence. Il faut vraiment imaginer le concept comme un échange permanent de DVDs que l’on regarde et que l’on remet dans le pot commun.

Théoriquement donc, le catalogue est potentiellement énorme (des milliers de films sont édités en DVDs chaque année à travers le monde), mondial (Vodkaster était un service français, MovieSwap veut conquérir le monde) et simple d’utilisation (je clique sur le film que je veux voir, la mécanique de swap après importe peu). Mais ce n’est pas un service de SVOD comme Netflix ou un service de streaming comme Spotify. En effet, Netflix et Spotify payent les droits des films et musiques qu’ils diffusent alors que MovieSwap ne propose qu’une plate-forme d’échange facilitée et fera payer un abonnement contre l’accès à cette plate-forme.

La (très) fine ligne de la légalité.

Autant le dire tout de suite, Vodkaster/MovieSwap marche sur un fil légal très très fin et il y a fort à parier que les majors du monde entier vont y jeter un oeil si le service gagne en popularité, ce qui est le but des dirigeants de Vodkaster. Le hashtag Twitter pour le lancement était #FreeTheMovies (“libérez les films”) et j’espère que dans le même temps, ils ne vont pas libérer aussi la furie des ayants-droits.

Après tout, Vodkaster, sur lequel se base MovieSwap, fonctionne toujours après deux ans et il n’y a eu, a priori, aucune plainte de la part des studios ou des ayants-droits. MovieSwap, lui, boxe dans une toute autre catégorie. Qui dit “service mondial” implique forcément décalage de sorties entre les Etats-Unis et la France notamment. Avec MovieSwap, on pourrait donc légalement regarder des films chez soi, même si ceux-ci ne sont pas encore sorti au ciné en France, de la même manière que si on commandait un DVD du film en import (avec les limitations que cela suppose, à savoir l’absence de piste française ou même de sous-titres dans la langue de Molière). Pas de contrainte de zonage des DVDs, le système technique mis au point par Vodkaster/MovieSwap permet de regarder des DVD Z1 sans aucun souci en France. Bref, c’est une remise à plat totale des contraintes de territorialisation, au moins pour l’exploitation DVD/VOD, et d’une certaine idée d’une chronologie ciné mondiale. Cela ne devrait plaire à personne du secteur, et surtout pas aux majors qui commencent à s’intéresser à tout ce petit monde selon un article de Variety.

Such sites “are not in any way authorized to either rip or stream our content” - One exec at a large studio.

Cela n’empêche pas MovieSwap de tracer sa route et cela commence par une campagne Kickstarter qui a déjà récolté en une journée 28 000€ sur les 35 000€ demandés. Le but ici n’est pas tant de gagner de l’argent que de créer une communauté mondiale pour lancer le service et rien de tel que Kickstarter pour débuter. C’est d’autant plus important que Vodkaster sera au festival SXSW dans quelques semaines pour présenter son service au public américain en vue de se trouver de futurs abonnés et des partenaires. Ensuite, ce sera la beta en août 2016 avant un lancement début 2017, si les majors n’ont pas tapé du poing sur la table avant.

D’autres soucis en vue.

Au-delà des éventuels soucis légaux (pour le moment assez minimisés, je trouve), se pose la question de la profondeur du catalogue qui sera proposé aux abonnés, un catalogue qui sera la somme des apports des abonnés mais qui peut aussi être assez limité très rapidement. Si je reprends mon image de la pile dans le champ du début, si les 10 000 personnes amènent 10 000 exemplaires du même film, cela ne te fait pas un catalogue de 10 000 films mais bien un catalogue de 1 seul film que 10 000 personnes différentes pourront voir. Les abonnés seront-ils prêts à partager des films rares/connus/récents sans savoir si les autres abonnés ne vont pas juste partager des films pourris ? Il y aura sans doute des profiteurs mais chez MovieSwap, on pense déjà à créer un cercle vertueux et à valoriser les ajouts au catalogue les plus probants, soit par des incitations financières ou par un système de priorité quelconque.

C’est un autre souci posé par le système retenu. Sur Netflix, un film disponible est un film que 500 000 personnes peuvent regarder en même temps du moment qu’elles sont abonnées. Sur MovieSwap, le nombre de personnes pouvant regarder tel ou tel film au catalogue sera forcément égal au nombre de personnes ayant partagé ledit film. Si 1000 personnes partagent “Matrix”, cela veut dire que 1000 autres personnes pourront le regarder en même temps, vu qu’il y a 1000 exemplaires disponibles. Mais un film rare par contre, déposé par une seule personne parmi les milliers d’abonnés ne pourra être vu que par une seule personne à la fois. C’est un mécanisme qu’il va falloir expliquer pour ne pas créer de mécontents et d’incompréhension surtout à l’heure où les articles mentionnant MovieSwap réduisent le service à un nouveau Netflix ou Spotify du film. Ce n’est pas le cas, son fonctionnement sera différent sur le papier. Mais se tenir à ce fonctionnement est ce qui peut conserver MovieSwap sur la fine ligne de la légalité.

Des raisons d’espérer.

Je suis cependant confiant sur l’avenir de MovieSwap (au point d’avoir participé à son financement sur Kickstarter) car Vodkaster est une grande réussite en ce qui me concerne. Un catalogue riche (près de 11 000 films et 800 séries TV en vente. A titre de comparaison, l’ensemble des plates-formes françaises de VOD offrent 14 000 titres différents), une technique au point à la fois sur tablette et sur ordinateur et un souci de mettre le client au centre de l’équation. Autant de facteurs dont s’inspirera sans doute l’équipe de Vodkaster à l’heure de lancer MovieSwap. Cela ne plaira pas à tout le monde du côté des éditeurs, distributeurs, ayants-droits et il faudra sans doute prendre le temps d’expliquer simplement le concept mais pour les amateurs de cinéma, MovieSwap pourrait bien être le service que nous attendions depuis longtemps. Vivement la beta en août prochain.

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Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques et de Direct-to-VOD, le Tumblr des films qui sortent directement en VOD.

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Contact : frederic[at]filmsdelover[point]com

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Frédéric (Films de Lover)
Le secteur VOD et SVOD en France

Chef de filmsdelover.com (site ciné sur les films d’amour) et animateur de #Netflixers (podcast sur la SVOD et Netflix).