La ruée vers les sous-titres aura bien lieu.

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Le développement de la VOD du réalisateur directement à son public, sans intermédiaires, relance l’intérêt pour les sous-titres en lieu et place d’un doublage en bonne et due forme. Une tendance pas prête de s’arrêter, aidée par les plates-formes elles-mêmes et les nouvelles pratiques du public.

Longtemps réservés aux cinéphiles, les sous-titres deviennent une denrée prisée, à la confluence des nouvelles tendances provoquées par le piratage, la dématérialisation des films, le crowdsourcing et l’implication des communautés des fans dans le processus de création des films indépendants. Pratique souvent moquée dans les films et séries TV, regarder un film étranger en version sous-titrée n’est donc plus uniquement la chasse gardée des plus cinéphiles d’entre nous et deviennent même des arguments pour inciter à la location ou à la vente de films en VOD sur Internet par des plates-formes DIY (Do-it-yourself, ces plates-formes sur lesquelles les créateurs de films mettent directement en location leurs films, comme Vimeo on Demand ou VHX et dont j’ai parlé dans cet article).

Je me souviens encore de mes deux premiers DVDs (“Gladiator” et “Matrix” pour ne pas les nommer), au début des années 2000. Au-delà de la qualité de l’image, la possibilité de regarder enfin les films en version originale sous-titrée est celle que j’attendais le plus. D’une pression sur un bouton de la télécommande, on passait de la VF à la VOST, comme par magie. Depuis cette époque, les films étrangers que j’ai vu en VF doivent se compter sur les doigts de quelques mains. Cette possibilité s’est même déplacée sur le petit écran avec l’avènement, encore trop timide, de la version multilingue pour les films et séries sur les chaines TV grâce à la TNT et la TV par Internet. Et puis, il y a l’influence du piratage.

Le streaming des séries TV, cheval de Troie du développement de la VOST.

L’avènement du streaming et des séries TV américaines a entrainé de fait un développement de la pratique consistant à regarder un programme en VOST. L’internaute actuel ne veut plus attendre des mois avant de voir la suite de sa série TV préférée et il lui faut donc la voir aussi vite que possible sur son site de streaming. Sauf que la barrière de la langue est encore bien présente, les Français n’étant pas spécialement connus pour leur maitrise des langues étrangères. Dans ce cas, l’internaute actuel doit attendre la sortie de sous-titres faits par la communauté, pour la plupart prêts quelques heures même après la diffusion d’un épisode grâce à une rapide traduction automatique via Google Translate à partir des sous-titres anglais et quelques améliorations ici et là. Les plus patients peuvent attendre la sortie en H+24 d’épisodes accompagnés de sous-titres de qualité réalisés eux par des professionnels sur des chaines comme OCS ou sur des services de VOD (MyTF1 ou iTunes).

On peut ajouter au sommet de cette pile le développement des services de SVOD (Netflix, Canalplay) qui proposent également la quasi-totalité de leurs programmes en VOSTFR voire même en VOST anglais. Bref, l’internaute n’a désormais que l’embarras du choix pour regarder toutes ses séries préférées en VOST. Deux habitudes vite prises découlent de cette pratique : le streaming illégal et la vision d’un film/série en VOST.

Les sous-titres, un vrai argument de vente.

En ce qui concerne la VOD indé, la question des sous-titres est plus que jamais au centre des débats. Quand une équipe sort un film directement sur Internet en VOD via ses propres moyens, elle espère forcément toucher un maximum de monde parmi les milliards d’Internautes qui évoluent sur ce marché sans frontières. Internet est mondial et il faut donc voir plus loin qu’une sortie d’un film en VO sans aucun sous-titres pour fournir au moins les outils de comprendre le film à ce public multilingue.

Cela, les plates-formes de VOD indé l’ont bien compris depuis longtemps et font donc tout pour favoriser, mettre en avant la présence de sous-titres et convaincre les réalisateurs de l’utilité des sous-titres. En novembre 2013, VHX publiait même quelques données à ce propos.

Sans surprises, l’étude montre que l’ajout de sous-titres a dans bien des cas des effets bénéfiques sur la vente/location d’un film. Sans surprises non plus, cela se produit principalement dans des pays qui possèdent une langue nationale forte et dans lesquels le doublage est répandu (Espagne, Russie, Brésil, France, Japon etc.). On notera notamment l’absence des pays scandinaves qui traditionnellement ne doublent pas les films étrangers au cinéma ou à la TV et sont donc beaucoup plus “anglophones”. Cela n’empêche pas la Suède ou la Norvège d’être dans le Top 10 des nations dont les habitants achètent le plus de films via VHX et ce, avec les meilleurs taux de conversion.

Tout récemment, c’est Vimeo on Demand qui s’est lancé dans la bataille des sous-titres. En janvier dernier, la plate-forme avait amélioré le support des sous-titres sur ses vidéos en mettant à jour son lecteur qui peut donc désormais lire des fichiers de sous-titres facilement sur les films en vente. Vimeo pousse ce développement un cran plus loin en proposant désormais à ses membres Pro de sous-titrer ou faire sous-titrer facilement leurs films grâce à Amara, une organisation à but non lucratif.

https://www.youtube.com/watch?v=aQ-xe-GSjdA

Amara permet trois choses : 1/ l’équipe du film peut désormais sous-titrer facilement son film en plusieurs langues elle-même ou avec l’aide d’une communauté de fans 2/ l’équipe du film peut demander un devis pour faire faire ses sous-titres par les traducteurs d’Amara à des prix sans doute défiant toute concurrence 3/ les fans les plus impliqués peuvent aider à sous-titrer des vidéos pour améliorer l’accessibilité des films aux sourds et aux malentendants.

Accessibility is a major priority for us. In January, we introduced closed captions and subtitles to the Vimeo player and now, we’ve partnered with Amara to give creators the ability to create or purchase captions and subtitles for their videos. Amara is a non-profit subtitling service whose mission, which we support, is to make as much content as accessible as possible. To help move toward that goal, we’re thrilled to be offering their award-winning editor to all Vimeo creators for free. And for those who’d rather rely on the professionals, we’ve built a way to purchase captions and subtitles from Amara right on vimeo.com. — Vimeo.

L’arrivée de cette nouvelle fonction destinée à améliorer le taux de conversion des ventes de films sur Vimeo on Demand à travers le monde a été suivi d’une mise à jour graphique des pages de présentation des films qui affichent désormais clairement la présence ou non de sous-titres.

Cela parait tout bête comme fonction mais elle n’existait pas sur Vimeo on Demand avant il y a quelques semaines. Impossible donc de savoir avant d’acheter un film si celui-ci avait ou non des sous-titres. Vimeo et VHX ont bien compris que les sous-titres sont désormais de vrais arguments de vente, rentables. Ils poussent donc à sa généralisation.

J’ai beaucoup parlé des sous-titres français de films anglophones mais il existe un autre domaine qui reste à défricher pour le ciné indé US, à savoir celui des sous-titres anglais. Il faut bien comprendre que pour un réal indé US, ajouter des sous-titres anglais, c’est souvent hors de question parce que ça coûte relativement cher (mais pas tant que ça) et surtout, dans leur esprit, ça ne changera rien. Si vous n’êtes pas assez fluent in English pour comprendre le film sans, vous ne l’êtes probablement pas assez pour lire en plus des sous-titres anglais. Mais c’est faux. Je me considère comme étant un bon anglophone mais avoir des sous-titres anglais me rassure quand avoir des sous-titres français est un vrai plus. Bien souvent, le son est un vrai problème des films indés et certaines répliques peuvent être difficilement compréhensibles d’où l’importance d’avoir des sous-titres en filet de sécurité.

Il y a donc ici une prise de conscience pour les réalisateurs, aidés par les plates-formes elles-mêmes de l’utilité de sous-titres, même anglais notamment pour améliorer l’accessibilité des œuvres aux sourds et malentendants dans leur langue d’origine. Même si parfois, il faut quand même demander gentiment. ☺

Echange avec un distributeur de films indé sur Internet pour l’ajout de sous-titres.

Au-delà de ça, l’existence de sous-titres anglais est bien souvent le premier pas vers l’implication de la communauté étrangère autour de votre film.

VOD indé ch. sous-titreurs. Amateurs bienvenus.

Camp Takota” est à mon sens l’un des meilleurs exemples d’une sortie en Direct-To-VOD réussie en 2014 : l’implication de la communauté des Youtubeuses-stars du film très tôt dans le processus, le merchandising autour, le marketing savamment dosé… Tout était parfait mais il manquait un petit truc dès la sortie du film : des sous-titres. Ce petit oubli a été réparé quelques semaines après la sortie avec l’ajout de sous-titres anglais. Quand j’ai acheté le film en août, surprise : il y avait aussi des sous-titres français, réalisé par une fan canadienne du film sur la base des sous-titres anglais, utilisant le même procédé que pour les épisodes de série en streaming. Le film a donc désormais des sous-titres français offerts gracieusement par une fan de sa communauté et sur lequel il peut désormais s’appuyer pour vendre son film auprès d’un nouveau public.

Le dernier film du Label FDL sur FilmsdeLover.com

Sur FilmsdeLover.com, nous avons développé le Label FDL, une initiative autour du sous-titrage pour les films indés US dispos en location/vente sur Internet. Le principe est simple : nous fournissons gratuitement des sous-titres français pour des films indés US que l’on a aimé et en échange, l’équipe du film propose une ristourne sur la location/achat de leur film pour nos visiteurs. Tout le monde y gagne puisque nous permettons à des films indés inédits de trouver un nouveau public et l’équipe du film gagne lui des sous-titres qui ne lui auront rien coûté si ce n’est la ristourne sur le film pendant un temps donné. Malgré des ventes en dents de scie (comme je l’ai raconté ici), les retours de la part des réalisateurs sont vraiment encourageants et permettent de lier directement les films et leurs équipes à notre audience par notre biais. Je ne vais pas le cacher : mon ambition est de développer la pratique française de regarder des films indés en Direct-to-VOD par Internet, à mon niveau, avec les outils dont je dispose dans un milieu encore fortement influencé par la sortie ciné et par la VF.

La VF fait de la résistance.

Parce que le doublage en VF (possible grand perdant de cette nouvelle ruée vers les sous-titres) est bien décidé à ne pas se laisser abattre. Les cinémas continuent de diffuser la grande majorité de leurs séances en VF (“C’est ce que veut le public” selon les grandes chaines de multiplexes français) et les différents projets de loi pour imposer la VO à la TV par défaut n’ont jamais réussi à s’imposer. La VF reste une spécificité nationale, héritage de la grandeur de la langue française. La VO par défaut serait considéré comme étant une nouvelle victoire de l’impérialisme culturel anglophone. Et, il faut bien l’avouer, encore une grande majorité de Français n’aiment pas lire des sous-titres en regardant un film, même si d’aucuns considère que la VF n’est pas la vision conforme d’un oeuvre telle que voulue par son réalisateur.

Mais tout cela est une question d’habitude. Comme le streaming illégal qui rentre (hélas) peu à peu dans les moeurs, la pratique de la VOST se répand parmi les jeunes générations et une nouvelle frontière s’ouvre à l’Ouest pour les cinéphiles français : celle d’une meilleure accessibilité des films indés US grâce aux sous-titres, poussée par les plates-formes VOD stars du secteur. Vivement.

Je m’occupe de FilmsdeLover.com, le site dédié aux films d’amour et comédies romantiques et de Direct-to-VOD, le Tumblr des films qui sortent directement en VOD.

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Contact : frederic[at]filmsdelover.com

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Frédéric (Films de Lover)
Le secteur VOD et SVOD en France

Chef de filmsdelover.com (site ciné sur les films d’amour) et animateur de #Netflixers (podcast sur la SVOD et Netflix).